Peut-on parler des histoires ou l'histoire ?
Extrait du document
«
Des histoires ou l'histoire ?
1.
L'histoire est un effort de compréhension de soi.
L'historien va vers le passé avec l'esprit de son temps.
Il est tout autant auteur de l'histoire que sujet
historiquement situé.
Il ne raconte pas des histoires comme s'il jouissait par rapport à l'histoire d'une
extraterritorialité : il dit l'histoire du dedans de l'histoire.
Il n'y a pas de témoin, de narrateur, extérieurs à l'histoire.
Cela est lié au fait que l'homme est un être historique.
Mais du coup, si l'homme est un être historique, étudier
l'histoire, c'est pour l'homme chercher à comprendre son être propre.
L'étude de l'histoire n'est pas seulement «
subjective » parce qu'elle est faite avec l'esprit d'une époque, mais elle l'est, plus essentiellement encore, parce
qu'elle répond à une attente de l'homme qui écrit l'histoire : le but de toute histoire, c'est la compréhension de soi.
C'est pourquoi l'historien ne raconte pas des histoires au pluriel, il doit ressaisir à travers elles l'unité d'un
mouvement qui vient jusqu'à nous.
Raconter des histoires, c'est raconter des histoires passées, l'histoire d'autres
hommes.
Raconter l'histoire, c'est raconter notre histoire ; c'est montrer comment les histoires s'ordonnent les unes
aux autres pour arriver à ce que nous sommes.
2.
L'histoire est un lieu d'identité.
Parée que l'historien ne raconte pas des histoires, mais l'histoire, c'est-à-dire notre histoire, l'histoire est pour nous
un moyen d'accéder à notre propre identité.
— Cela vaut pour chaque peuple, et pour chaque groupe à l'intérieur de ces peuples.
Quand les protestants de
France et les descendants de ceux qui ont fui la France commémorent en un lieu des Cévennes, chargé de mémoire,
la période de clandestinité qu'on nomme « Désert », il y a là un élément fondamental de l'identité protestante.
C'est
pourquoi aussi, attentera l'histoire d'un peuple, c'est attenter à ce peuple lui-même.
Mettre en doute le génocide du
peuple juif pendant la guerre (cf.
le « révisionnisme ») n'est pas seulement nier un fait du passé, mais porter
atteinte à l'être même du peuple juif actuel.
Le passé n'est pas dépassé ; il est une part constitutive de l'homme du
présent.
— Cela vaut aussi pour l'homme en général.
Pour autant que les peuples ne se contentent pas de coexister, mais
dépendent les uns des autres, chaque histoire particulière (l'histoire des Français, des Japonais...) n'est qu'une
abstraction par rapport à l'histoire universelle.
L'historien ne raconte pas des histoires au pluriel, non pas seulement
parce que chaque épisode de l'histoire fait partie de l'histoire d'un peuple, mais parce que l'histoire de chaque peuple
est liée à l'histoire de l'homme comme tel.
À l'horizon de tout travail historique, aussi ponctuel soit-il, est présente
cette dimension universelle.
L'historien ne raconte pas des histoires, car il n'y a qu'une histoire, qui est l'histoire de
l'homme.
L'histoire est un objet singulier.
Elle s'identifie à l'être même de l'homme.
3.
La quête d'un sens.
Il s'ensuit que la quête d'un sens de l'histoire est essentielle.
Elle guide non seulement le travail de l'historien mais
elle est la raison d'être de l'histoire.
Il y a ici bien plus que le simple fait de raconter des histoires.
— Certes, il faut se garder de la prétention d'avoir découvert le sens de l'histoire.
Toute philosophie qui le fait
s'expose au démenti des faits.
Il y a là une reconstitution de l'histoire par le philosophe qui remplace l'histoire réelle :
pour être philosophique, ce n'en est pas moins un roman, et un roman dangereux, car porteur de totalitarisme (voir
les violences commises au nom du marxisme : si le "communisme » est la fin de l'histoire, malheur à celui qui veut
entraver le progrès").
Nous ne prétendons pas davantage que l'histoire poursuit un but, a un sens, quoique inconnu
de nous.
Nous disons seulement que l'homme doit rechercher un sens, si faire de l'histoire, c'est comprendre le
mouvement qui conduit à ce que nous sommes.
— Cette réflexion, qui vise à la compréhension de soi, est aussi indispensable pour que l'homme saisisse la tâche qu'il
a à remplir.
La fin qu'une société s'assigne comme but est destinée à n'être qu'une chimère si elle n'est pas assortie
d'une réflexion sur le passé.
C'est en comprenant comment il en est venu à ce qu'il est, que l'homme pourra
entrevoir ce qu'il pourra devenir.
L'action de l'homme doit s'inscrire dans le cours de l'histoire.
L'homme ne raconte plus des histoires, mais il fait
l'histoire.
L'historien ouvre l'homme vers son avenir..
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