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peut -on parler de culture au singulier ou de cultures au pluriel ?

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« C omment définir un terme aux usages aussi divers que celui de culture? On peut partir d'un fait simple: la culture de la terre.

Il y a, à la base, quelque chose de naturel, de donné, qui est la terre.

Puis l'homme en extrait les potentialités par une pratique qui lui est propre.

A insi, l'agriculture exploite des ressources naturelles en vue d'en acquérir un produit propre, allant parfois jusqu'à réinventer ces ressources qui lui sont données au tout départ.

Peut-être pouvonsnous voir l'homme de la même manière: il y a un substrat humain à la base: l'homme est un être naturel, il appartient à l'ensemble des êtres vivants qui vivent sur terre.

Mais il développe à partir de ce substrat, des facultés, des capacités qui lui sont propres, il développe des potentialités qui ne sont sont qu'en puissance en lui (comme le langage, l'art...).

En ce sens, la culture est un processus commun à tout homme. Mais d'un autre côté, l'homme exploite ou réinvente sa nature de manières différentes à travers la surface du globe.

Un rapide coup d'oeil sur notre planète nous entraîne rapidement à apprécier une multiplicité de cultures qui parfois peuvent même entrer en conflit, comme si au fond sommeillées en elles des différences irreductibles. On saisit que parler d'une culture comme processus proprement humain est bien différent d'une culture mise au pluriel, où l'idée de pluralité semble renvoyer à une impossibilité de s'entendre, de s'accorder, et donc de vivre ensemble.

S'il n'y a que du pluriel, aucune unité de l'homme n'est envisageable, tant et si bien qu'il se fragmente en partie irréductibles entre elles. I.

Les enfants sauvages Il est possible de prendre pour point de départ de notre réflexion le cas des enfants sauvages, soit des êtres soustraits, dès leur plus jeune âge, de la société humaine.

A insi, ils peuvent permettre de saisir ce que peut-être l'homme au « naturel », en dehors de tout ce qu'il est possible à un être humain d'acquérir au sein de la société.

En cela, ils représentent ce qu'est l'homme inné .

Dans Les enfants sauvages , Lucien Malson relate l'histoire de l'enfant d'Aveyron, un enfant sauvage qui sera recueilli par le médecin Jean Itard de l'institution des sourds et muets de Paris en 1799. V égétarien, l'enfant a grandit dans la forêt où il se nourrissait de glands et de châtaignes.

A rrivé à l'hopital d'Itard, il est anxieux, ne s'interresse à rien de ce qui est humain, et passe son temps à humer ce qu'il rencontre ou à convulser sur place.

Il n'a aucun langage en sa possession, et se désinterresse d'ailleurs de la voix humaine ou de la musique.

En somme, il ne présente aucun trait proprement humain, et reste selon Itard « plus misérable qu'un chimpanzé ».

C et enfant n'est donc pas humain, mais pas non plus animal: il n'a aucun instinct sexuel, et passe des heures à observer son reflet dans l'eau ou encore la lune dans le ciel.

Il n'est proprement ni humain, ni animal. On saisit alors que ce qui manque à ce jeune être c'est d'avoir grandit dans un mileu proprement humain afin de développer des facultés comme le langage, l'aptitude à raisonner, la complexité des sentiments: il n'est qu'un champ de potentialités qui nécessite une culture entendue comme processus d'humanisation.L'homme ne naît pas homme: et nous parlerons alors d'une culture une seule, entendue comme ce proccessus universel par lequel tout homme acquiert les éléments essentiels à son développement et qui font ainsi de lui proprement un homme. II.

Quine: une histoire de lapin Dans son ouvrage Le mot et la chose, le philosophe américain Quine utilise l'exemple d'un linguiste en terrain étranger pour illustrer sa thèse sur l'indétermination de la traduction.

En compagnie d'un autochtone qui ne parle bien évidemment pas la même langue, notre linguiste voit un lapin surgir. L'indigène réagit à cet événement en énonçant « Gavagaï ».

Mais qu'est ce que ce mot désigne? « Lapin », ou « élément de lapinité » ou encore « course du lapin entre deux arbres »? On ne pourra jamais le savoir.

En effet, on accueille jamais la réalité telle qu'elle est.

Notre langage est comme un filtre entre elle et la réalité, un filtre qui est rempli de présuposés: il est une théorie sur le monde.

On peut prendre un exemple frappant: lorsque nous voyons de la neige, nous n'avons qu'un mot pour cela: nous disons « voilà de la neige ».

L'esquimau, lui, en a plus d'une centaine, parce qu'il opère une multiplicité de distinction: là où ne nous voyons que de la neige, l'esquimau par la multiplcité de ses expressions linguistiques y distingue mille nuances. On peut ainsi dire que selon notre culture d'appartenance, nous ne parlons pas de la même réalité précisément parce nous ne la voyons pas de la même façon: le langage est comme le révélateur de cette façon partiale de recevoir la moindre réalité, de l'habiter. Et on peut voir ici comme une incommensurabilité entre les cultures, chacune représentant une façon unique d'habiter le monde.

Il y a donc résolument des cultures, plusieurs manières d'envisager parfois un seul et même environnement.

Le seul pont entre plusieurs langages est alors la traduction, soit une façon de ramener à notre langage, à notre grille de lecture, à notre théorie du monde, ce qui nous est étranger.

En somme, pour comprendre l'autre, il faut détruire en quelque sorte son altérité, ce qui fait qu'il est autre, pour le ramener à ce qu'on connaît, à soi. III.

Rawls et le multiculturalisme A insi avons-nous des cultures avec le problème que cela suppose: comment surmonter ces différences pour parvenir à un vivre ensemble.

En effet, ce qui caractérise les sociétés contemporaines, c'est précisément le multiculturalisme, soit l'avènement au sein d'une même société, de plusieurs cultures amenées à cohabiter sur le même territoire.

Et en ce sens, la différence peut ici renvoyer à un conflit dans l'ordre des valeurs, ou à un choc entre les différentes conceptions du bien promues au sein du même édifice social. Dans son oeuvre Théorie de la justice, le philosophe anglais John Rawls propose de penser ce réel défi politique pour qu'il s'accorde avec sa vision du libéralisme où il est précisément stipulé que chacun à le droit de poursuivre sa propre conception du bien ou de la vie bonne.

Si chacun vit selon sa propre conception du bien, celle-ci pouvant se révéler différente selon la culture d'appartenance, il s'agit de trouver une solution pour que cette pluralité ne vienne pas à bout de la cohésion sociale elle-même par une somme de conflits irréductibles. En ce sens, Rawls propose deux choses: premièrement que le juste prime le bien; deuxièmement que le sujet prime ses appartenances.

Il est de l'intérêt de chacun des membres d'une société de s'accorder sur une conception de la justice qui soit rationnelle et qui soit prioritaire sur une conception du bien qui pourrait entrer en conflit avec une autre.

La justice prime donc en dernière instance sur les conflits de valeurs.

Et c'est ainsi que chaque individu n'est pas épuiser dans la définition de ses appartenances: je ne suis pas que simplement chrétien, musulman, talmudiste, ou idéaliste, matérialiste, eudémoniste...

Et parce que je ne me réduis pas en tant que sujet à ma culture d'appartenance, je suis aussi membre d'une collectivité dont j'espère la pérennité pour les bienfaits qu'elle m'apporte. Conclusion On peut parler de culture au singulier au sens d'un processus universelle par lequel l'homme advient justement à son humanité.

M ais parce que ce processus dépend comme nous l'avons vu de l'environnement, il est multiple, et traduit la richesse d'une humanité dont l'essence n'est pas prédéfinie. Mais parce que l'homme se réinvente sans cesse, il doit aussi s'entendre pour faire de ces différences une source de partage et non seulement d'hostilité. D'où le lien entre pluralité culturelle et justice, afin de rendre l'expression de cette pluralité viable au sein d'une collectivité.

Sous quel cas sinon l'humanité demeurera éparse, émiettée, sans aucune chance de bénéficier de cette richesse.. »

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