Peut-on ne croire à rien ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet
Le sujet porte sur une possibilité, ce qui peut s'entendre en deux sens différents : une possibilité est en effet ou
bien une capacité acquise par un processus, un travail – je peux acquérir la capacité de parler japonais -, ou bien
une capacité objective, physique – il m'est impossible de voler dans les airs sans aide mécanique, je ne peux pas en
acquérir la possibilité.
S'interroger sur la possibilité de quelque chose demande donc que l'on envisage ces deux
aspects.
L'objet dont la possibilité est ici en question est le fait de « ne croire en rien ».
Le fait de croire est généralement
défini comme l'adhésion à un dogme religieux ou non, une idée, un principe de vie, une déclaration, cette adhésion
ne reposant pas sur des bases rationnelles mais sur une intime conviction dont les origines peuvent être floues ou
irrationnelles.
C'est pourquoi le verbe « croire » est souvent opposé au verbe « savoir », et est parfois envisagé
d'une manière assez péjorative, parce qu'il irait de pair avec un mode de connaissance non compatible avec les
exigences de la raison.
L'expression « ne croire en rien » est souvent considérée dans le langage courant comme le symptôme d'une
position désabusée face à la vie : quelqu'un qui ne croit en rien est quelqu'un qui a perdu tout idéal, toute foi – il
faut cependant ici prendre cette expression dans un sens philosophique, et poser la question de la possibilité de
n'entretenir une relation de croyance avec aucun objet, autrement dit de n'avoir avec le monde qu'une relation de
savoir rationnel.
Cela demande d'interroger le rapport de l'homme avec la croyance : ce rapport est-il nécessaire, ou
bien peut-il être dépassé ? Le rapport au monde peut-il être entièrement rationnel, ou y a-t-il certains objets qui ne
peuvent être l'objet que de croyances ? Si certains éléments du monde n'appellent que la croyance, est-ce à juste
titre, ou est-ce parce que ces objets sont en définitive illusoires ? Si l'on affirme ne croire en rien, quel statut
donner à cette affirmation – n'est-ce pas aussi une croyance, que d'affirmer qu'il est possible ne croire en rien ?
Proposition de plan
I.
La croyance, constitutive de la nature humaine
La première piste de recherche peut consister à interroger la nature elle-même, afin d'évaluer la nécessité de la
place qu'y tient la croyance.
La croyance est un phénomène universel : par exemple, on ne connaît aucun peuple,
présent ou passé, qui n'ait présenté aucun signe de croyance religieuse.
Cette universalité de la croyance pose la
question de la capacité naturelle de l'homme à s'affranchir de la croyance pour ne croire en rien.
Freud
« Les idées religieuses, qui professent d'être des dogmes, ne sont pas le
résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des
illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus
pressants de l'humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs.
Nous le savons déjà : l'impression terrifiante de la détresse infantile avait
éveillé le besoin d'être protégé en étant aimé, besoin auquel le père a
satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a
fait que l'homme s'est cramponné à un père, à un père cette fois plus
puissant.
L'angoisse humaine en face des dangers de la vie s'apaise à la
pensée du règne bienveillant de la Providence divine, l'institution d'un ordre
moral de l'univers assure la réalisation des exigences de la justice, si souvent
demeurées non réalisées dans les civilisations humaines, et la prolongation de
l'existence terrestre par une vie future fournit les cadres du temps et le lieu
où les désirs se réaliseront.
Des réponses aux questions que se pose la
curiosité humaine touchant ces énigmes, la genèse de l'univers, le rapport
entre le corporel et le spirituel s'élabore suivant les prémisses du système
religieux.
Et c'est un énorme allègement pour l'âme individuelle de voir les
conflits de l'enfance conflits qui ne sont jamais entièrement résolus lui être
pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous.
»
Transition : que la croyance soit un phénomène universel n'implique peut-être pas qu'il faille nécessairement croire
en quelque chose.
On peut avancer notamment qu'il est peut-être possible de disqualifier la croyance par la raison,
ce qui signifierait qu'un individu, à son échelle, peut travailler à rationaliser tous ses rapports au monde pour
supprimer tous ses objets de croyance ou les remplacer par une connaissance rationnelle.
II.
Est-il possible de dépasser la croyance ?
Un des moyens de dépasser la croyance consiste à considérer qu'il y a croyance là où il y a ignorance des causes
réelles.
Une recherche rationnelle des causes, si elle est systématiquement menée sur tous les objets qui nous
entourent, pourrait donc nous permettre de ne plus croire en rien.
Spinoza, Ethique, Appendice du livre I.
»
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