Peut on maîtriser le temps Je n'arrive pas a trouver le bon plan. ?
Extrait du document
«
Introduction.
• Est-il possible (« peut-on ») de dominer et de tenir sous sa suprématie et son pouvoir le temps ? Telle est la
question posée par cet intitulé de sujet, qui nous interroge sur notre maîtrise éventuelle du temps.
Le verbe «
maîtriser » possède dans le contexte plusieurs acceptions légitimes : maîtriser, ce peut être soumettre à sa
puissance et à son pouvoir, faire passer de l'état de « dominant » à celui de « dominé », etc.
L'idée de maîtriser
suppose d'ailleurs, toujours, un conflit et une bataille.
Mais quel est l'objet de ce conflit ? Son contenu porte, nous
dit-on, sur le temps.
Comment définir ce dernier ? Ce n'est évidemment pas chose aisée comme le remarquait Saint
AUGUSTIN.
Le temps gêne mes tentatives de définition : « Qu'est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le
demande, je le sais ; dès lors qu'il s'agit de l'expliquer, je ne le sais plus» (Confessions).
Néanmoins, malgré ce
caractère énigmatique on peut au moins noter que le temps désigne deux ordres de totalité, soit le changement
perpétuel transformant le présent en passé, soit le milieu indéfini dans lequel se déroulent les événements.
•
Le sens du sujet est donc le suivant : est-il possible de dominer et de se soumettre le temps, conçu soit
comme cette succession où le présent se fait passé, soit comme ce milieu indéfini et cette forme ?
•
Le problème posé par le sujet est celui de savoir si le temps peut être un instrument authentique dans
l'édification de moi-même et de ma personne.
A.
Thèse.
Le temps n'est pas maîtrisable en raison de son essence même.
Maîtriser, avons-nous dit, c'est soumettre à sa puissance et à son pouvoir, tenir sous sa suprématie.
Or le
temps, défini comme succession, semble découvrir immédiatement à notre horizon une impossibilité radicale de
maîtrise et de domination.
Car le temps échappe à nos prises : par son irréversibilité même, il témoigne du fait qu'un
élément glisse entre mes doigts et m'échappe irrévocablement.
Le temps est le caractère qu'ont les changements
d'être irréversibles.
Tout s'écoule, tout passe en allant dans un certain sens, dans une direction qui consacre mon
impuissance.
Dans l'espace, je vais de A en B, et de B en A.
Au contraire, dans le temps, cette réversibilité est
impossible.
Le temps échappe donc à nos prises, nous n'en sommes pas maîtres.
« Temps, marque de mon
impuissance », écrivait le philosophe LAGNEAU.
Loin que je tienne le temps en mon pouvoir, c'est lui qui se joue de
moi et me signale mes manques et mon impuissance.
Il limite ma puissance et ma liberté.
Mais un deuxième argument (lié au premier) permet de voir dans le temps la marque même de mon impuissance
existentielle profonde.
Si le temps n'est pas maîtrisable, s'il paraît consacrer mon impuissance, ne serait-ce pas à
cause de la corruption temporelle qui lui est immanente ? Oui, le temps contient ma mort.
La dimension du futur me
présente mon néant.
Toute pensée du futur conduit à voir dans le temps un principe de corruption et de mort dont
je ne suis pas maître.
Enfin, le temps, par son opposition aux exigences de la raison, contredit l'idéal de la connaissance qui suppose la
stabilité.
Comment pourrait-on se rendre maître de ce qui se dérobe à la pensée ? En s'opposant à toute forme de
connaissance réelle le temps me signale que je ne suis pas davantage maître de son flux sur le plan de la
connaissance que je ne le suis sur le plan de l'existence.
Le temps me dérobe le savoir : en effet, toute chose qui
s'écoule dans le temps est en opposition radicale avec mon besoin de connaissance qui, lui, exige du stable.
Connaître, c'est appréhender un objet stable.
Le temps en contredisant la connaissance en général paraît faire de
moi un « esclave » absolu sur le plan du savoir comme dans le domaine de l'existence concrète.
L'idée même d'une
« maîtrise du temps » semble donc rigoureusement contradictoire.
Maîtriser c'est, en effet, soumettre à soi-même,
se poser comme principe de domination, orienter en son sens et selon son projet personnel l'ordre des choses, et
non point se livrer à ces dernières, les façonner, leur donner sa propre forme.
Maîtriser un individu, n'est-ce point
agir de manière telle qu'il se prête à ma puissance et à mon désir ? Maîtriser la solution d'un problème, c'est en
faire une partie et une dimension de nous-mêmes.
Or le temps est matière rebelle, par définition même, objet
impénétrable qui ne se soumet point et ne se maîtrise point.
Il nous enchaîne, il nous blesse, mais on ne saurait ni
le maîtriser, ni le dompter.
Il fait barrage et obstacle à notre liberté et à notre raison.
En un mot, l'irréversibilité temporelle paraît limiter totalement mon savoir et mon pouvoir.
Comment pourrais-je
bien échapper à ce qui paraît constitutif de mon être-dans-le-monde et de mon destin ? Néanmoins, on notera que
je ne saisis pas toujours le temps comme principe de dégradation : il m'arrive de l'appréhender comme la face même
de ma liberté.
Cette expérience, qui m'est existentiellement donnée, peut me conduire à l'examen d'une maîtrise
possible.
B.
Antithèse.
Le temps peut être maîtrisé.
Le temps, en effet, s'il semble la marque tic mon impuissance existentielle peut, tout d'abord, être maîtrisé
individuellement : par mes projets, en effet, j'ai la possibilité de «me donner rendez-vous » vers l'avenir, en avant
de moi-même, de mettre à jour des possibles Quand nous sondons notre conscience, nous découvrons du « pasencore », tics projets, des" attentes : oui, je serai écrivain, artiste ou philosophe ; je donnerai une forme belle à ma
vie, etc.
Tel est le langage que peut se tenir l'adolescent.
Bien plus, en examinant ces possibles, il peut les intégrer
au sein d'une volonté rationnelle et faire ainsi du temps une face de sa liberté : voici maîtrisé et dompté l'horrible
ennemi qui se joue de nous.
Par notre volonté, nous faisons du temps une dimension de notre liberté, nous nous
extériorisons dans les choses.
Nous convertissons une impuissance en un pouvoir.
Par la 'volonté et l'action, nous
nous rendons maîtres de la dimension de l'avenir.
Enfin, il faut noter que la mémoire elle aussi, par la prise de
conscience qu'elle suppose, maîtrise l'irréversibilité temporelle.
Mais n'en est-il pas de même sur le plan historique et collectif et non plus seulement individuel ? Le temps n'est-il
pas celui de l'histoire, de l'humanité conçue dans son projet global de mise en forme du monde et des choses ?.
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