Peut-on légitimement attendre de l'état qu'il limite de lui-même son pouvoir ?
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«
Introduction
L'Etat apparaît au Sumer et en Egypte, vers 6000 avant Jésus-Christ.
Les historiens supposent que l'Etat est né pour organiser des
grands travaux d'irrigation.
Il procurait en échange la sécurité aux agriculteurs.
L'Etat avait déjà à cette époque un corps régalien (qui ne
produit pas mais vit de la production et l'organise).
Ainsi avec l'Etat naît le pouvoir légitimé ; Max Weber dira que « l'Etat a le monopole de
la violence légitime » (Le savant et le politique).
Ce qui implique que la violence est l'instrument du pouvoir.
L'Etat en ce sens est ce pouvoir
d'instituer des lois, qui peuvent être arbitraires, à toute la société sous son régime.
D'autre part, l'absence d'Etat organisateur peut
entraîner de la même manière l'arbitraire de quelques uns, en ce sens que l'Etat du plus fort (physiquement) prendrait place en instituant
des droits inégaux.
On peut montrer désormais que l'Etat est à craindre quand il ne répond pas au devoir de liberté pour tous, c'est-à-dire
quand seuls une minorité s'arroge le droit de diriger un peuple, mais aussi quand son pouvoir ne répond plus à la conception d'une vie
sociale juste.
I.
Les pathologies de l'Etat ou l'obsession du pouvoir
a.
La tyrannie : c'est quelqu'un ou un groupe qui détourne la hiérarchie étatique à leur service.
Chez les Grecs c'est le pouvoir politique
exercé non pas en vertu d'une légitimité politique (héréditaire ou élective) mais par la violence ou une éloquence qui séduit le peuple (cf.
la République de Platon, ou La Politique d'Aristote).
Le tyran est un despote, l'homme du pouvoir arbitraire et oppressif, « sans égard à la
justice et aux lois » selon Rousseau.
De plus, l'Etat tyrannique peut subsister en posant des complices dans toute sa hiérarchie.
Et La
Boétie présentera la mécanique infernale de cet Etat : « plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus on leur
fournit, plus on les gorge » ( Discours de la servitude volontaire, 1553).
Mais ce n'est pas seulement la force pour La Boétie qui désigne la
tyrannie.
En effet « le tyran asservit les sujets les uns par le moyen des autres » (ibid).
Le peuple, en même temps opprimé et
oppresseur, est lui-même complice ; ainsi, seul le peuple a le pouvoir d'instaurer la liberté.
b.
L'Etat totalitaire se différencie de la tyrannie en ceci que le dictateur défend une idéologie, alors que le tyran n'a en vu que ses
intérêts.
Le dictateur veut imposer son comportement idéologique à toute la société.
Le tyran, lui, se contente d'exploiter la société à son
service.
Le mot « totalitaire » renvoie à une conception totale et englobante de la société.
Pour un tel système, l'individu n'existe qu'au
service de toute la société et surtout d e l'idéologie.
Donc on peut le sacrifier à tout moment.
Le tyran élimine les complices qui le
menacent, le dictateur élimine tous ceux qui ne sont plus utiles à ses projets.
On ne peut dès lors, à la lumière d e ce type de
gouvernement, attendre de l'état qu'il s'oriente vers le bien du peuple, puisqu'en effet seuls les intérêts personnels ou idéologiques des
dirigeants priment dans l'agir politique.
Mais une constitution fondée sur la division des pouvoirs et sur l'attribution au peuple d'un droit de
libre expression peut-elle garantir la sécurité et la liberté de chacun ?
II.
Démocratie et désobéissance
a.
Montesquieu dans L'esprit des lois, montre qu'il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.
Le pouvoir
exécutif de l'Etat, doit être distinct du pouvoir judiciaire, et du pouvoir législatif.
Puisque les pouvoirs ont tendance à s'étendre et que
l'homme qui a du pouvoir a tendance à en abuser, un pouvoir doit être limité par une autre pouvoir.
Le pouvoir des uns arrêtant le pouvoir
des autres imposera une limite.
Seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir, mais il est clair que si un seul, ou un clan, monopolise le pouvoir
de légiférer, de décider et de juger, il risque fort d'y avoir une corruption du système.
Les institutions doivent être établies suivant le
principe d e la séparation des pouvoirs et de l'équilibre des pouvoirs.
Toute réforme institutionnelle qui contribue à la séparation des
pouvoirs est un bénéfice pour la protection du citoyen contre les abus du pouvoir.
b.
La démocratie est indissolublement liée à l'idée de liberté.
Sa définition la plus simple, le gouvernement du peuple par le peuple,
n'acquiert son plein sens qu'en considération de ce qu'elle exclut : le pouvoir d'une autorité qui ne procéderait pas du peuple.
Il apparaît
ainsi que la démocratie est d'abord un système de gouvernement qui tend à inclure la liberté dans les relations de commandement à
obéissance inséparables de toute société politiquement organisée.
L'autorité y subsiste sans doute, mais elle est aménagée de telle sorte
que, fondée sur l'adhésion d e ceux qui lui sont soumis, elle demeure compatible avec leur liberté.
Cette participation à la fonction
gouvernementale, l'individu l'assure par l'entremise de ses droits politiques, par l'élection bien sûr, mais aussi par la jouissance des
prérogatives qui garantissent la liberté de ses choix : liberté d'opinion, liberté de la presse, liberté d'association, liberté de réunion, etc.
Dans cette perspective, la démocratie apparaît bien comme le régime de la liberté politique, parce que l'autorité y est fondée sur la
volonté de ceux qu'elle oblige.
Dès lors tout citoyen a le droit d'affirmer son opposition à tel ou tel décret, de désobéir à ce qui peut lui
paraître injuste ou hostile à la vie sociale.
c.
La désobéissance est dite « civile », d'abord, parce qu'elle est le fait de « citoyens » : ce n'est pas une rupture de citoyenneté, ni un
acte insurrectionnel.
Il s'agit d'une manifestation de « civisme » au sens fort : volonté d'œuvrer pour l'intérêt général, même au prix de
risques personnels.
Le fait que la désobéissance civile soit nécessairement publique, et recherche même la médiatisation la plus forte (ce
qui la distingue nettement de l'infraction criminelle), s'inscrit dans ce même registre du civisme : l'acte vise à éveiller la conscience des
autres citoyens, à susciter un débat.
L'aspect « concerté » de l'action est également à souligner.
Puisque la désobéissance civile se donne
pour objectif d'obtenir des changements dans la loi ou la politique contestée, elle doit exercer une certaine force de pression sur les
décideurs.
Pour cela, il faut s'organiser afin de réunir un grand nombre de participants (ou des personnes qui, même peu nombreuses,
jouissent d'un réel prestige moral dans l'opinion), choisir le meilleur moment, déterminer les modalités concrètes de la désobéissance, les
modes de médiatisation, etc.
Bref, il y a une « stratégie » d e l a désobéissance civile.
On voit, sur ce point, la différence entre la
désobéissance civile et la notion assez proche d'objection de conscience (calque de l'anglais « conscientious » objection, apparue en
Grande-Bretagne vers 1898, lors d'un débat parlementaire sur la vaccination obligatoire).
L'objecteur ne se pose pas la question de savoir
si cette « loi des hommes », qu'il estime injuste pour lui, pourrait être modifiée pour tous.
Au contraire, pour celui qui participe à une
campagne de désobéissance civile, l'objectif premier est moins de rester fidèle à sa conscience que de faire changer, pour la société
entière, la loi réputée injuste.
La désobéissance civile est une objection de conscience qui se donne des objectifs et des moyens
politiques.
Conclusion
Exercer le pouvoir au nom de l'Etat c'est gouverner, le pouvoir se comprend dans la relation entre gouvernant et gouvernés.
L'abus de
pouvoir suppose que le bien de tous est perdu de vue et que la visée du pouvoir devient que la satisfaction d'un intérêt particulier.
Cela
veut dire d'un côté que le pouvoir politique abuse de la souveraineté qui lui est confiée, mais aussi que le corps politique a fini par se
décomposer et que le citoyen a cessé d'exercer le rôle qui devrait être le sien.
La légitimité du pouvoir n'est donc jamais définitivement
acquise.
Il ne faut pas trop compter sur le système pour se réguler par lui-même.
Il n'y a pas de système politique idéal.
Un système ne
vaut que ce que valent ceux qui le soutiennent.
Le pouvoir peut toujours corrompre et la désaffection de la responsabilité peut aussi
gangrener de l'intérieur les institutions.
Le jeu des institutions doit rendre possible son renouvellement.
Le citoyen doit être le garant de la
conscience morale de la nation et jouer son rôle de régulateur du pouvoir.
Nous ne devons pas tout attendre d'un système, d'une
idéologie, ou d'un régime.
Cela ne veut pas dire pourtant qu'une conception idéale de l'exercice du pouvoir soit sans valeur.
L'idéal donne
au moins une direction dans laquelle un équilibre juste peut être trouvé et un pouvoir juste peut être élaboré..
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