Peut-on justifier une opinion ?
Extrait du document
«
Opinion
Jugement sans fondement rigoureux, fondé sur des croyances ou des impressions subjectives et qui se donne
abusivement les apparences d'un savoir.
Même quand elle tombe juste, « l'opinion pense mal» (Bachelard), car elle ne peut se fonder rationnellement.
La philosophie, comme quête de la vérité, est ainsi en lutte contre les opinions.
Problématique:
Justifier une opinion, c'est tenter de montrer qu'elle est vraie, ou que, faute de preuve, elle est légitime.
Mais, il y a
un risque d'illusion dans la mesure où l'on peut adhérer à une opinion pour des motifs inconscients ou idéologiques.
Une opinion vraiment justifiée deviendrait une connaissance.
On vous demande si l'opinion peut être justifiée.
Il faut distinguer l'opinion et le savoir.
Avoir une opinion, c'est avoir
une idée, mais une idée qui ne peut pas rendre raison d'elle-même, qui n'est pas certaine, qui est vrai parfois,
fausse le plus souvent.
L'opinion renvoie donc davantage à la croyance, voire aux préjugés hâtifs et aux idées
toutes faites.
Dès lors on ne peut justifier une opinion au sens où on pourrait la qualifier de certaine, équivalente au
véritable savoir.
En revanche, on peut la justifier au sens où on peut montrer comment l'opinion se forme, de quels
mécanismes elle procède.
On peut comprendre, mais comprendre n'est pas nécessairement excuser.
Introduction & Problématique:
L'opinion, ce jugement intermédiaire entre l'être et le néant, la connaissance et l'ignorance, mais aussi l'énoncé
dominant dans une société (opinion publique) se trompe-t-elle toujours ? L'opinion est-elle toujours dans l'erreur ou
n'existe-t-il pas, selon les termes de Platon, une "opinion droite" ? Ne peut-elle pas alors se situer dans le
cheminement dialectique vers le vrai ? N'est-elle pas une étape intermédiaire et nécessaire pour atteindre l'absolu ?
Y a-t-il de "bonnes" opinions, accompagnées d'une once de raison ? A côté du certain, n'y a-t-il pas du
vraisemblable et du probable ?
A.
L'opinion, comprise comme conjecture non fondée en raison semble avoir tort.
« Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'opinion », a écrit Valéry.
On ne saurait mieux dire : à son
premier niveau, l'opinion n'a guère de chances d'avoir raison car elle désigne une manière de juger inférieure, par
opposition à la science, quelque chose d'intermédiaire entre la connaissance et l'ignorance, un jugement fondé en
grande partie sur la crédulité ou le mensonge, comme le dit Valéry.
L'opinion ou le fruit d'automatismes humains.
L'opinion, qu'elle soit d'origine culturelle ou sociale, est ici erronée.
Admise sans critique, sans examen rationnel, elle
exprime le penchant à la passivité et, par conséquent, elle a nécessairement tort.
Y a-t-il de bons avis non
rationnels, n'étant pas nécessairement dans l'erreur ? Fort peu.
Dans le champ du social, comme dans celui de la
méthode ou de la science, l'opinion conçue comme conjecture doit généralement être balayé.
Il exprime un certain
état de mon corps ou de mon milieu culturel.
Que désigne l'opinion ? Un jugement recueilli par expérience, à partir
d'un minimum d'élaboration personnelle, en bref un simple avis résultant de l'expérience ou d'une tradition.
Donc
cette forme de connaissance purement empirique semble avoir tort.
On pourra aussi argumenter cette thèse avec la
thèse platonicienne en faisant valoir l'opposition entre opinion et Idée:
Pour Platon, comme pour Socrate, l'opinion est vide de sens, elle ne traduit que l'intérêt, le désir, le caprice.
Il
faut lui substituer le concept (l'idée).
La parole est l'outil de la justesse et de la justice dont on mésuse en en
faisant l'outil de l'opinion.
Grâce à la dialectique — cette entreprise critique radicale — le philosophe — ce spécialiste compétent — fait
de la parole le seul usage qui soit conforme : ordonner le réel, harmoniser les rapports entre les hommes en les
rendant intelligibles.
Sans justesse dans le raisonnement, il ne saurait y avoir justice entre les hommes.
Être
juste, c'est en quelque sorte connaître avec justesse et agir avec justice.
L'Etat sera alors géométriquement
harmonieux quand chacun, selon sa compétence-complexion, occupera la place et la fonction qui lui reviennent
: ouvrier, soldat, administrateur.
Cette division tripartite reproduit d'ailleurs celle de l'âme, et de même que la justice privée harmonise les trois
parties de l'âme (concupiscence, coeur, esprit), la justice sociale harmonise les trois classes de l'Etat-cité.
"L'homme juste ne permet pas qu'aucune partie de lui-même fasse rien qui lui soit étranger, ni que les trois
principes de son âme empiètent sur leurs fonctions respectives; il établit au contraire un ordre véritable dans
son intérieur, il se commande lui-même, il se discipline, il devient ami de lui-même, il harmonise les trois parties
de son âme absolument comme les trois termes de l'échelle musicale, le plus élevé, le plus bas, le moyen, et
tous les tons intermédiaires qui peuvent exister, il lie ensemble tous ces éléments et devient un de multiple qu'il
était, il est tempérant et plein d'harmonie et dès lors dans tout ce qu'il entreprend, soit qu'il travaille à
s'enrichir, soit qu'il soigne son corps, soit qu'il s'occupe de politique, soit qu'il traite avec des particuliers, il
juge et nomme toujours juste et belle l'action qui maintient et contribue à réaliser cet état d'âme et il tient
pour sagesse la science qui inspire cette action; au contraire, il appelle injuste l'action qui détruit cet état, et
ignorance l'opinion qui inspire cette action." (République, livre IV).
S'il nous faut d'abord apprendre à mesurer, à nous éloigner des impressions sensibles pour appréhender.
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