Peut-on justifier que l'homme voit mieux s'il est amoureux ?
Extrait du document
«
Introduction :
Aimer, c'est éprouver de l'affection, de l'attachement pour quelqu'un.
L'action d'aimer relève du sentiment et des
passions.
Par conséquent, il semble que la raison soit bien en peine de contrôler et de définir le fait « d'aimer ».
« Il
dit qu'il l'aime.
Elle dit qu'elle l'aime.
Mais l'amour, nul ne l'a vu », s'amuse à raconter St-Exupéry.
Si l'amour ne se
voit pas pour celui qui n'aime pas, l'amoureux aurait-il la capacité de voir ce que les autres ne voient pas ? Peut-on
justifier que l'homme voit mieux s'il est amoureux ?
1ère partie : L'amour transforme la vision : l'homme voit différemment s'il est amoureux.
-« L'amour rend aveugle », a-t-on coutume de dire.
En effet, lorsque l'on s'éprend d'une personne, bien souvent on
n'a d'yeux que pour elle, et l'on ne voit rien d'autre.
Nous sommes obnubilé, éblouie par cette personne dont on est
tombé amoureux, et l'on n'en voit que ces qualités, sa beauté, ses bons côtés, en refusant de voir ses défauts,
même lorsque les autres nous les montrent.
Il semble que l'homme amoureux ne voit donc pas mieux, mais plutôt
moins bien.
Son regard n'est plus objectif, et toute sa vision est transformée (ou déformée) par l'amour qu'il porte
pour la personne chère.
Ne dit-on pas que l'amoureux « voit la vie en rose » ? Il voit tout comme à travers un filtre,
le filtre de l'amour, et l'on aura beau lui dire les pires vérités sur l'être qu'il aime, il refusera obstinément de les voir.
-On dit aussi que l'amoureux ne voit plus les autres personnes, car seule celle qu'il aime compte désormais pour lui.
Ainsi, un homme ne regarde plus les autres femmes quand il a trouvé celle de sa vie.
L'homme amoureux, pour les
grecs, c'est l'homme comblé, celui qui a trouvé sa moitié : c'est le mythe raconté par Aristophane dans le Banquet
de Platon.
Il explique qu'à l'origine, il y avait sur la terre des créatures sphériques qui avaient deux sexes et
roulaient dans une plénitude parfaite.
Puis les dieux scindèrent chaque sphère en deux pour en faire des hommes et
des femmes.
Depuis lors chaque individu cherche désespérément sa moitié pour s'y associer à nouveau.
Aimer, c'est
donc désirer avoir plus que ce que l'on a, et être plus que ce que l'on est.
On peut penser que l'homme amoureux
ainsi comblé est plus fort, pour compétent, et pourquoi ne pas imaginer qu'il verrait mieux, puisqu'il est la réunion de
deux personnes qui ne font plus qu'une ? En effet, l'amour rend les personnes si proches qu'elles partagent tout,
sont en symbiose, dans une entente parfaite, et chacun serait alors en mesure d'adopter la vision de l'autre, car
chacun cherche à se fondre en l'autre et à avoir son point de vue.
2ème partie : l'homme amoureux se voit mieux lui-même.
-Le désir de l'homme amoureux pour la personne aimée l'introduit à la dialectique de la reconnaissance.
Pour Hegel,
désirer l'autre, c'est désirer être reconnu par l'autre, c'est se ressaisir soi-même dans son rapport à une autre
conscience de soi.
Etre aimé, c'est alors se sentir exister pour quelqu'un, c'est avoir conscience de soi à travers
l'amour que nous porte l'autre.
Lorsqu'on aime, on désire l'autre pour qu'il nous reconnaisse, et ce n'est qu'alors
qu'on est sûr d'exister, car on a besoin de la médiation par l'autre.
(« Je suis l'otage d'autrui », affirme Paul
Ricœur »).
Par conséquent, on peut justifier que l'homme voit mieux s'il est amoureux, dans la mesure où c'est luimême qu'il peut voir, où il prend conscience de son être à travers l'amour qu'il donne et qu'il reçoit.
Etre amoureux,
c'est aussi libérer des sentiments qui sont en nous, et s'ouvrir à l'autre.
C'est regarder l'autre pour qu'il nous regarde
et qu'il nous reconnaisse.
On se reconnaît dans l'autre, on se voit à travers l'autre.
-Aimer, c'est donc demander, c'est un « désir de désir », un désir d'exister et d'être reconnu.
Nous sommes
dépendants d'une altérité dans l'acte d'aimer
3ème partie : L'homme amoureux, c'est l'homme éclairé.
« Aimer, c'est presque agir et produire ; être aimé ce n'est que souffrir et rester passif » (Aristote, Ethique à
Nicomaque, livre IX, chap.
VII).
Aimer relève donc de l'action et peut être lié à un certain savoir.
-Pour Platon, l'amour se porte d'abord sur la beauté du corps, puis sur la beauté de l'âme, de sorte que l'on est
porté du sensible vers l'intelligible.
Au départ, l'amoureux ne voit que la beauté sensible de l'être aimé, puis il
découvre sa beauté intelligible, la beauté de son âme.
L'amour lui ouvre donc les yeux et lui donne accès aux monde
des Idées, à ce qui ne se voit pas immédiatement.
Aimer donnerait donc accès à une certaine connaissance, et
élargirait considérablement le champ de vision de l'amoureux, qui s'élèverait de l'amour des corps à l'amour des
âmes, puis à l'amour des sciences et de la vertu absolue.
L'amour permettrait donc de s'élever intellectuellement,
donc d'étendre sa connaissance et de découvrir des savoirs jusqu'alors inconnus..
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