Peut-on juger légitimement la valeur d'une culture?
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«
Le terme culture est polysémique.
Si on le prend dans son sens étymologique, culture vient du latin colere "mettre en valeur" qui peut s'appliquer à un
champ mais ici et surtout à l'esprit.
La culture dès lors est ce qui met en valeur, cultive l'esprit de l'homme.
C'est pourquoi on peut dire de quelqu'un qu'il a
beaucoup de culture, c'est-à-dire qu'il possède un raffinement qui le distingue des autres.
La culture peut alors désigner la somme de connaissances d'un
individu.
Mais on peut aussi prendre culture au sens de civilisation.
La culture est alors considérée comme l'ensemble de normes, d'habitudes, de mythes,
de pratiques qui a cours dans une société.
Or chaque groupe d'hommes constitue sa culture aussi en fonction de son environnement et des conditions de
vie qu'il a à affronter.
Ce qui génère forcément une multiplicité des cultures., donc de modes de vie et de valeurs.
Il s'agit ici de savoir s'il est possible
objectivement de connaître la valeur d'une culture mais le verbe « peut » exprime aussi une nuance morale.
On peut alors aussi s'interroger sur le droit que
l'on a de juger une culture.
Le verbe « juger » quant à lui renvoie à une appréciation.
Le mot « valeur » renvoie premièrement à l'idée de vie, de vitalité.
Plus
généralement, il implique une typologie, des hiérarchies, un classement, donc des critères.
Il semble alors que l'on peut juger une culture par rapport à
certains critères technologiques, artistiques ou moraux.
Pourtant quels critères privilégier ? Ne juge-t-on pas toujours par rapport à sa propre culture ? Ne
peut-on pas refuser certains mœurs tout en continuant à respecter l'autre ?
Je juge les autres cultures à partir de ma propre culture
- Nous faisons tous partie d'une culture particulière.
Ainsi, si je suis né en France et que j'ai grandi dans la culture française, ma vision du monde et mes
habitudes de vie sont inscrites dans un cadre particulier.
Je trouve ainsi bizarre que des gens puissent manger des insectes ou que des personnes ne
vivent pas comme moi dans des maisons.
Sans le vouloir, je suis conditionné par la société dans laquelle je vis.
Durkheim ainsi affirme que "C'est la société
qui nous forme moralement.
Notre conscience morale est son oeuvre et l'exprime; quand notre conscience parle, c'est la société qui parle en nous." (
L'éducation morale) D'ailleurs, le concept d'ethnocentrisme a été forgé pour rendre compte de ce phénomène.
L'étymologie est d'ailleurs significative ; le
terme vient du grec ethnos qui signifie « nation, ethnie » et de centrum « centre ».
Cela désigne la tendance que l'on a à privilégier la communauté à laquelle
on appartient.
- Or, la culture dans laquelle j'ai été éduqué me fournit ses propres valeurs qui sont relatives.
C'est pour cela notamment que les lois juridiques changent en
fonction des pays.
"Plaisante justice qu'une rivière borne! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà" constate Pascal.
Les règles de politesse diffèrent
de même.
Ainsi, au Japon, il n'est pas malpoli de faire du bruit en mangeant mais arriver en retard représente une grave faute.
De plus, comme nous l'avons
dit, chaque culture se forme par rapport au problème que son environnement lui pose.
Comme chaque milieu diffère, chaque culture est différente et il n'est
pas question de valeurs ou de notion de « meilleur ».
- Dès lors, en voulant apprécier la valeur d'une autre culture, je ne peux que prendre des critères subjectifs, des critères venant de ma propre culture pour
porter mon jugement.
Dès lors, l'objectivité semble illusoire.
La hiérarchisation des cultures est impossible, notamment parce que la connaissance humaine
est limitée et ne peut posséder la vérité absolue.
L'attitude tolérante se justifie par le caractère fini, dont parlait déjà Bayle, de la connaissance humaine :
pour le philosophe, il nous est impossible de connaître la vérité, ni d'en déterminer les critères absolus.
De ce fait, il est nécessaire d'affirmer l'égalité de
valeurs entre toutes les cultures et opinions.
Pourtant, il faut bien adopter des critères pour ne pas tout accepter
- Pourtant, il doit bien exister des critères pour juger des valeurs.
En effet, nous ne pouvons pas tout accepter sous prétexte de ne pas posséder la vérité ou
de respecter les autres cultures.
Nietzsche par exemple, s'insurge de ce désir d'égalité et de ce refus de jugement.
Il dit dans Zarathoustra, « […] c'est ainsi
que la justice me parle à moi : « les hommes ne sont pas égaux.
»/ Et il ne faut pas non plus qu'ils le deviennent ! » Selon lui, le respect à n'importe quel
prix, c'est étouffer l'humanité dans la médiocrité et ne pas laisser au génie le moyen de s'exprimer.
Mais surtout, refuser de juger les cultures, c'est accepter des faits et des mœurs qui ne sont pas moralement bonnes.
Certaines traditions rituelles peuvent
porter sur des mutilations ou des sacrifices.
L'esclavage faisait partie de la culture européenne dans le temp.
Cela n'était pas acceptable.
Nous avons donc
le droit de juger une autre culture sur un critère moral.
Bien sûr, nous pouvons dire que la morale est aussi soumise aux mœurs mais c'est sans prendre en
compte la loi morale de Kant.
Selon lui, il s'agit d'agir de telle manière que la maxime de son action soit universalisable.
Ainsi, la loi de Kant est purement
formelle et m'engage à agir que si mon action respecte le principe d'humanité.
- De même, il est possible de voir des différences entre les cultures, différence technologiques ou scientifiques.
Certaines cultures sont plus avancées
dans les lumières.
Ainsi, la France est plus avancée technologiquement que certains pays d'Afrique.
C'est en tout cas ce qu'avançaient les philosophes du
XVIIIème siècle.
Ainsi, Voltaire dénonçait les fables des cultures antiques ou primitives, en affirmant que ces mythes rendaient les hommes adeptes
d'illusion.
Nier les différences, refuser de juger, c'est accorder une même valeur à chaque culture et mener à une dissolution des valeurs.
Et pour cela, il faut avoir une
distance critique vis-à-vis de sa propre culture.
L'étude de critères objectifs n'est possible que sur fond de respect
- Ainsi, on a le droit de porter un jugement sur une autre culture.
Mais cela doit se faire sur un fond de respect.
Les plus grands désastres humains
proviennent du fait que les hommes ont haï les autres cultures, qu'ils ont eu peur de ce qu'ils ne connaissaient pas.
Ainsi, Hitler par exemple, a déclaré la
culture allemande comme supérieure et à ce titre a commandé l'extermination de la population juive.
Les différences entre les cultures existent, ne pas
vouloir hiérarchiser les nations ne veut pas dire les juger équivalentes bien au contraire.
- L'ethnologie contemporaine essaie ainsi d'étudier les différentes cultures dans leur singularité en essayant véritablement de comprendre les rites et les
mœurs.
Cette science essaie d'adopter une attitude objective et respectueuse.
Il ne s'agit pas de comparer les cultures, car cela conduit naturellement à
les hiérarchiser.
Cette science nous montre d'ailleurs qu'il n'y a pas de cultures inférieures.
Les usages apparemment les plus barbares ou les plus
répugnants ont leur raison d'être par le rôle qu'ils jouent dans l'organisation sociale.
Affirmer que toutes les cultures se valent est donc un postulat
méthodologique pour celui qui veut étudier les différentes cultures.
Mais c'est aussi une marque de respect et de tolérance à partir de laquelle les différents
peuples peuvent échanger.
Ce qu'il faut reconnaître, c'est l'humanité de chaque peuple, la dignité de chaque culture.
Affirmer l'universalité de la dignité humaine n'est pas
contradictoire avec la reconnaissance de la diversité culturelle.
- Or l'échange entre les peuples est ce qui permet à l'humanité et aux hommes d'évoluer.
La diversité des cultures est en effet la richesse de l'humanité.
Pour Herder, chaque culture n'a pu exister et s'affirmer que de par son contact avec les autres.
Ainsi les Grecs n'ont pu se forger leur culture qu'en contact
avec celle des Égyptiens.
De même, la reprise de certains dieux grecs dans la culture romaine prouve que l'échange est possible et qu'il ne nie pas pour
autant l'originalité des deux échangeants.
Pour Edgar Morin, nous sommes tous des "enfants de la terre à travers toute la diversité des individus et des cultures qu'il faut absolument sauvegarder" et
c'est cette conscience qui permettrait à l'humanité d'accomplir de grands progrès.
Ainsi, donc dans un premier temps, il semble impossible de juger une autre culture parce que nous ne pouvons nous détacher de notre propre culture, de
notre ethnocentrisme mais aussi parce que nous ne pouvons pas juger de LA valeur en générale d'une culture.
EN effet, il semble compliquer de choisir le
critère principal de jugement.
Pourtant, refuser de juger une culture, c'est s'astreindre à tout accepter, même les pratiques immorales.
Ce qui est important,
c'est de respecter toutes les cultures, d'être tolérants pour pouvoir échanger et faire avancer l'humanité dans sa diversité.
Seule, la tolérance peut
permettre de s'ouvrir à des idées ou des mœurs que nous n'approuvons pas et seul le dialogue entre cultures me permet d'évoluer moralement et de sortir
de mes opinions..
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