Peut-on faire le bonheur d’autrui ?
Extrait du document
«
Mon bonheur ne dépend que de moi
Le bonheur ne se définit pas simplement comme un état de satisfaction de l'individu.
Il ne suffit pas que je sois
heureux, il faut encore que je sois capable d'en avoir conscience, et je ne peux pas me mettre à ta place pour
savoir si tu es heureux.
On peut contribuer à ce qu'autrui atteigne cette satisfaction.
Mais la prise de conscience du
bonheur ne dépend que de lui.
C'est ce que montre l'analyse stoïcienne concernant le bonheur.
Mon pouvoir d'accomplir des actes est très limité, par les lois de la nature ou les lois juridiques.
Quant à mon pouvoir
de faire réussir mes actions, il est quasiment nul, puisque cela dépend du concours du reste du monde, ou encore
de la chance.
En y réfléchissant bien, je ne suis pas absolument certain d'être encore vivant demain ou tout à
l'heure.
Tant de choses peuvent arriver...
En revanche, il est une chose qui ne dépend que de moi, sur laquelle j'ai un pouvoir absolu : c'est ma volonté.
Moi
seul décide de ce que je veux.
Par exemple, si je ne veux pas aller à un endroit, on peut m'y contraindre par la
force, mais on n'aura pas pu changer ma volonté.
Je découvre, par cette réflexion, que je possède, comme chaque
homme, une volonté absolument libre, ou encore un libre-arbitre, comme disent les philosophes.
Je dispose donc
d'un domaine de pouvoir et de liberté, qui est tout intérieur à moi-même.
Voilà donc le secret du bonheur et de la liberté.
Il réside en peu de chose : savoir bien user de ma volonté, ne
vouloir que ce que j'ai et que ce qui m'arrive.
Autrement dit, ne pas désirer ce qui excède mon pouvoir.
Dire que ce
secret est si simple et que tant d'hommes passent à côté !
Dès lors mon bonheur dépend uniquement de la pente que je donnerai à ma
volonté et à mes idées, à mes représentations des choses, qui sont
essentiellement au pouvoir de ma volonté.
C'est ce que nous dit Epictète : «
Souviens-toi que ce qui te cause du tort, ce n'est pas qu'on t'insulte ou qu'on
te frappe, mais l'opinion que tu as qu'on te fait du tort.
Donc, si quelqu'un t'a
mis en colère, sache que c'est ton propre jugement le responsable de ta
colère.
Essaye de ne pas céder à la violence de l'imagination: car, une fois
que tu auras examiné la chose, tu seras plus facilement maître de toi.
»
La source de tout bien et de tout mal que nous pouvons éprouver réside
strictement dans notre propre volonté.
Nul autre que soi n'est maître de ce
qui nous importe réellement, et nous n'avons pas à nous soucier des choses
sur lesquelles nous n'avons aucune prise et où d'autres sont les maîtres.
Les
obstacles ou les contraintes que nous rencontrons sont hors de nous, tandis
qu'en nous résident certaines choses, qui nous sont absolument propres,
libres de toute contrainte et de tout obstacle, et sur lesquelles nul ne peut
agir.
Il s'agit dès lors de veiller sur ce bien propre, et de ne pas désirer celui
des autres ; d'être fidèle et constant à soi-même, ce que nul ne peut nous
empêcher de faire.
Si chacun est ainsi l'artisan de son propre bonheur,
chacun est aussi l'artisan de son propre malheur en s'échappant de soi-même
et en abandonnant son bien propre, pour tenter de posséder le bien d'autrui.
Le malheur réside donc dans l'hétéronomie : lorsque nous recevons de
l'extérieur une loi à laquelle nous obéissons et nous soumettons.
Nul ne nous oblige à croire ce que
l'on peut dire de nous, en bien ou en mal : car dans un cas nous devenons dépendants de la versatilité du jugement
d'autrui, dans l'autre nous finissons par donner plus de raison à autrui qu'à nous-mêmes.
Enfin, à l'égard des opinions
communes comme des théories des philosophes, ou même de nos propres opinions, il faut savoir garder une distance
identique à celle qui est requise dans l'habileté du jeu, c'est-à-dire qu'il faut savoir cesser de jouer en temps voulu.
Dans toutes les affaires importantes de la vie, nul ne nous oblige en effet que notre propre volonté.
En effet, si je suis vexé de l'insulte qu'un individu m'adresse, c'est que j'accorde une certaine valeur à son estime.
Mais si je pense que ce n'est qu'un imbécile, ses propos ne m'atteignent plus.
De même, s'il m'arrive un accident et
que j'en reste handicapé, si en outre je me pense victime d'un sort injuste et que je désire échapper à cet état, j'en
souffrirai.
Mais si j'accepte mon état et ne désire rien d'autre, je ne serai pas malheureux.
Cette maîtrise de ma
volonté, de mes pensées, de mes désirs est une règle de vie fondamentale à laquelle Epictète nous exhorte : « Si
quelqu'un livrait ton corps au premier venu, tu en serais indigné ; mais de livrer toi-même ton âme au premier qui
t'insulte en le laissant la troubler et la bouleverser, tu n'en as pas honte ? » (Pensée 28)..
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