Peut-on faire la paix ?
Extrait du document
«
Pour faire la paix, il faut déjà que la paix ne soit pas donnée sous forme d'un point de départ, mais existe comme
point d'aboutissement.
Pour faire la paix, il faut donc être dans la guerre ou dans le conflit, que ce soit du point de
vue individuel ou collectif.
La question est alors de savoir si cette sortie de la guerre, de la violence ou du conflit
est possible, dans les faits, et légitime, en droit.
S'agissant des faits, on sait bien qu'il est possible de faire la paix et
les traités de paix internationaux le prouvent qui ont mis fin à de longues périodes de guerre.
Pourtant faire la paix
n'est jamais la faire à perpétuité et les traités de paix sont parfois fragiles, le mal que l'homme est capable d'infliger
à l'homme revenant sans cesse de façon cyclique.
Mais ce n'est parce que la paix est factuellement fragile et
historiquement précaire que nous devons renoncer à l'idéal moral qu'elle représente.
Il faut donc examiner cet idéal
ou cette valeur.
Doit-on faire la paix ? Oui, à chaque fois que la guerre nous empêche de nous réaliser comme être
humain de conscience et de raison.
Mais si la paix est un impératif inconditionnel, faut-il faire la paix si la paix nous
conduit à renoncer à ce à quoi nous croyons, alors qu'il nous faut parfois nous battre pour voir triompher certaines
valeurs.
Le problème est alors de savoir s'il faut faire la paix lorsque la guerre est juste.
[L'homme n'est pas une bête sauvage.
Il peut faire prédominer la moralité sur la haine.
A force de se
civiliser, il parviendra à maîtriser son agressivité et à vivre en paix avec les autres.]
Les États peuvent s'unir
Au XVIIIe siècle, l'abbé de Saint-Pierre écrit un Mémoire pour rendre la paix perpétuelle en Europe.
Il préconise
la constitution d'un «Sénat européen», pour prévenir les conflits entre les États membres et assurer la félicité
publique.
C'est sur ce principe que fonctionnent aujourd'hui les Nations Unies et l'Union européenne.
L'originalité du texte de Kant, paru pour la première fois en 1795 alors
que l'Europe est dévastée par des guerres qui désormais ne concernent
plus seulement les « professionnels » (cf.
la levée en masse du côté
français), tient déjà au titre retenu.
Certes, il fait allusion à l'abbé de
Saint-Pierre dont le Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe eut
un réel retentissement en 1713, au lendemain des campagnes de Louis
XIV.
Mais Kant a, de façon significative, éliminé toute référence
circonstancielle.
Il s'agit désormais de penser la paix comme une
exigence universelle, et d'autre part d'arracher celle-ci à la guerre.
Rechercher la paix perpétuelle, c'est se donner les moyens d'éliminer de
façon définitive la guerre.
Après avoir toutefois rappelé que la guerre est aussi un facteur de
progrès (elle pousse les peuples à s'installer dans des régions
inconnues, elle mobilise toutes les énergies techniciennes), Kant expose
les conditions selon lui nécessaires à la disparition des conflits
internationaux.
Il plaide ainsi en faveur de la dissolution des armées de
professionnels et des armées permanentes — « Les armées
permanentes doivent entièrement disparaître avec le temps ».
Lorsqu'on dispose d'une arme à portée de main on est toujours enclin à
l'utiliser.
Il faut en outre que le régime républicain progresse à travers
l'Europe.
Là, les sujets sont des citoyens et décident eux-mêmes de la
guerre et de la paix, ils n'abandonnent pas le sort de la communauté au
caprice d'un Prince et à la défense de ses intérêts particuliers.
Enfin, Kant propose de soumettre les nations à
une autorité commune, sur le modèle du pacte social, car la sécurité passe par la contrainte :
« Il n'y a, aux yeux de la raison, pour les états considérés dans leurs relations réciproques, d'autre moyen de
sortir de l'état de guerre où les retient l'absence de toute loi, que de renoncer, comme les individus, à leur
liberté sauvage, pour se soumettre à la contrainte des lois publiques et former ainsi un Etat de nations qui
croîtrait toujours et embrasserait à la fin tous les peuples de la terre.
»
Le cosmopolitisme est le plan caché de la Nature et la paix perpétuelle en est l'un des agents.
Or, ce
cosmopolitisme apparaît d'abord comme une idée régulatrice destinée à nous permettre de penser le progrès
de l'espèce.
De même que la Paix perpétuelle est un projet (jeter devant), un horizon.
Le texte de Kant a
inspiré la création de la SDN et de l'oNu, avec des résultats mitigés on le sait.
La moralité doit être faite loi
La raison (...) énonce en nous son veto irrésistible : Il ne doit y avoir aucune guerre ; ni celle entre toi.
»
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