Peut-on exercer sa liberté sans contraintes ?
Extrait du document
«
Remarques sur l'intitulé :
·
Le sujet invite à s'interroger sur ce qui est possible (« peut-on »).
Or on distingue au moins
deux sorte de possible : 1) selon que l'on a les moyens de...
; possible = réalisable 2) selon que l'on a le droit
de ...
; possible = permis.
Il faudra donc préciser en quel sens « on peut ou non exercer ...
».
·
Ensuite, il est question d' « exercer sa liberté », donc du domaine de l'agir ; afin d'éviter les
contre sens, on ne saurait donc réduire la réflexion au fait d'être libre, à un état ou un donné.
Le verbe
souligne une compréhension dynamique de la liberté.
·
La question porte donc sur les conditions d'exercice de la liberté : ces conditions excluent-elles
toute forme de contraintes ou bien présupposent-elles des contraintes ?
Pour élaborer une problématique, il faut bien fonder le second membre de l'alternative.
A cet effet, on fera
remarquer que, sans contraintes, l'exercice de la liberté individuelle paraît alors coïncider avec le droit naturel tel
que le définit Hobbes[1].
Le problème est donc le suivant : est-il possible, sans menacer la paix civile et la justice, d'exercer sa liberté sans
contrainte ou bien toute forme de contrainte est-elle une atteinte à ce que doit être un exercice authentique de la
liberté (celle-ci étant, par définition, absence de toute contrainte) ?
1-
IL EST IMPOSSIBLE D'EXERCER SA LIBERTÉ EN ÉTANT CONTRAINT
a)
Par essence, la liberté exclut toute forme de contrainte
Selon Descartes, la volonté libre « consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose ou ne la faire
pas, (c'est-à-dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir) ou plutôt seulement en ce que pour affirmer ou nier,
poursuivre ou fuir les choses que l'entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne
sentons point qu'aucune force extérieure nous y contraigne.
» (Méditations Métaphysiques, IV).
L'exercice de
la liberté suppose donc l'absence de toute forme de contrainte, y compris celle que pourrait exercer l'entendement
(faculté des représentations abstraites).
Ainsi, Descartes souligne que je peux tout à fait me retenir d'admettre que
2+2=4, « pourvu que je pense que c'est un bien d'affirmer par là mon libre arbitre » (voir Lettre au P.
Mesland du 9
Février 1643 ).
Même l'évidence ne saurait contraindre l'exercice de ma liberté, car, si tel était le cas, je ne pourrais
pas, de ce seul fait, être libre.
Mais comment la liberté peut-elle avoir ce privilège qui est de pouvoir résister même à l'évidence ? Qu'est-ce
qui, dans son exercice, fait que toute contrainte est nulle ?
b)
Contrainte et rapports de force
Dans Le Léviathan, Hobbes expose quelle serait la condition des hommes en dehors de tout état.
Ce faisant, il
remarque que chacun est, dans ce cas, absolument libre d'user de sa puissance comme il le souhaite, d'exercer sa
liberté sans contraintes ; mais, il souligne aussitôt que cette liberté ne vaut que tout le temps où l'individu n'en
n'est pas empêché.
Or qu'est-ce qui, à l'état naturel, entrave l'exercice de la liberté ? Hobbes nous dit : la
rencontre d'un puissance plus grande que la sienne.
Autrement dit, je cesse d'exercer ma liberté naturelle, de jouir
de mon droit de préserver ma vie par tous les moyens, dès que la loi du plus fort s'impose, dès que je rencontre une
contrainte.
c)
Exercer sa liberté : déployer sa puissance pour vaincre les contraintes
Aussi, l'exercice de la liberté est-il non seulement l'absence de contraintes, mais surtout le dépassement des
contraintes.
Comme le dit Nietzsche dans Le crépuscule des idoles, §38, la liberté ne s'exerce que par la guerre :
elle est à la fois « ce qu'on a et ce qu'on a pas, que l'on veut, et que l'on conquiert ».
Seule la volonté de
puissance est libre : « A quoi se mesure la liberté chez les individus comme chez les peuples? A la résistance qu'il
faut surmonter, à la peine qu'il en coûte pour arriver en haut.
Le type le plus élevé de l'homme libre doit être
cherché là où constamment la plus forte résistance doit être vaincue ».
Transition :
Il n'y a donc d'exercice de la liberté que par la force seule capable d'annihiler toute contrainte.
C'est en
ce sens qu'on ne peut exercer sa liberté que sans contraintes : je ne suis libre que dans la mesure où rien ne
me résiste.
Cependant, ce caractère belliqueux de l'exercice de la liberté ne va pas sans poser problème : cette
conception ressemble fort à ce que professe Calliclès dans le Gorgias de Platon : la loi contredit la vraie
justice, la justice selon la nature, qui consiste en ce que les plus forts aient davantage que les plus faibles.
Autrement dit, une liberté sans contraintes ne peut s'exercer qu'au détriment d'un plus faible que soi.
Par conséquent, n'est-il pas interdit, au nom de la justice, d'exercer sa liberté sans
contraintes ? Ce qui est de fait est-il de droit ?
2-
ON NE DOIT PAS EXERCER SA LIBERTÉ SANS CONTRAINTES
a)
Vraie et fausse conceptions de la puissance
Comme le souligne Platon, dans le Gorgias, le tyran, tout aussi puissant qu'il soit, n'est pas heureux : il
exerce certes sa liberté sans contraintes, mais celle-ci est, par sa définition même, la mise en échec de la liberté
réelle : tout pouvoir, c'est par là même ne rien pouvoir.
Pourquoi ?
Satisfaire tous ses désirs sans jamais être empêché, dominer sans être dominé, revient à exercer sa liberté
hors de tout contrôle.
Un tel exercice de la liberté s'apparente à l'anneau de Gygès qui permet d'agir en toute.
»
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