Peut-on être responsable de ce dont on n'a pas conscience ?
Extrait du document
«
DIFFICULTÉS - REMARQUES - APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE
L'enjeu du sujet est relativement facile à percevoir.
Il porte sur l'étendue de la notion de responsabilité, plus
exactement, sur l'étendue de ma responsabilité.
Le droit a justement pour fonction d'établir précisément l'étendue
de ma responsabilité dans les cas généraux déterminés par les lois ou dans les cas particuliers sur lesquels se
prononcent les décisions de justice.
Mais ici la question du sujet a un sens philosophique et non un sens juridique,
elle semble au premier abord appeler une réponse négative : c'est la conscience qui fonde philosophiquement la
notion de responsabilité, au point que dans la perspective psychanalytique la question n'a pas non plus de sens
puisque, même si la conscience se trouve constamment déjouée par l'inconscient, elle seule peut être dite
responsable (ce point de vue sera développé dans la première partie du devoir).
Mais la question exige une réflexion
sur les limites de la conscience et sur la fonction de «sujet» (sujet juridique, sujet moral...) : si ma conscience est
limitée, ma responsabilité ne doit-elle pas cependant s'étendre parfois à « ce dont je n'ai pas conscience »? Ce dont
je n'ai pas conscience, c'est ce qui m'échappe, ce qui m'est autre ; bref ce qui fait que je suis limité et fini.
Si je
dois être responsable de ce dont je n'ai pas par moi-même conscience, c'est que je le suis devant l'autre, c'est que
l'autre me rappelle à moi-même, et exige de moi que j'élargisse mon champ de conscience en tenant compte de son
existence : c'est là l'idée vers laquelle la réflexion pourra se diriger.
La conscience
La conscience est ce qui constitue l'identité du sujet dans sa relation au monde et à lui-même.
Mais le sujet est en
situation.
Par la conscience, le sujet s'efforce de pénétrer, d'habiter ce qui n'est pas lui.
Mais il reste limité et
toujours confronté à «ce dont il n'avait pas conscience ».
Le devoir, la volonté
La notion de responsabilité renvoie à la notion de devoir : être responsable, c'est devoir être au principe de ses
actes, les assumer pleinement.
De même elle conduit à distinguer les actes volontaires des actes involontaires :
ceux-ci sont perçus comme une limite, voire un défaut, du sujet.
L'inconscient
« Ce dont je n'ai pas conscience », ce pourrait être une définition de l'inconscient.
Mais il faut être sur ses gardes,
distinguer l'inconscience - qui désigne un si faible degré de conscience que la conscience est quasiment absente, et
l'inconscient psychique, qui est constitué par les désirs incompatibles avec la réalité et dont le refoulement assure
justement la structuration du psychisme et permet à l'être humain d'établir des relations « normales » avec la
réalité, d'être responsable de ses actes.
En ce sens, la doctrine freudienne est instructive : je ne peux être
responsable de mes désirs refoulés puisque, originairement, ce refoulement est la condition de l'émergence en moi
d'une conscience responsable, mais je suis responsable de l'expression détournée de ces désirs dès lors qu'elle
s'inscrit dans le réel (cf.
deuxième partie du plan).
L'étude du sujet peut également nous amener à réfléchir sur le désir qui habite l'homme et que l'homme, sans
pouvoir en être responsable, doit savoir convertir et réaliser d'une manière qui soit, elle, responsable.
De même,
l'analyse de la notion de responsabilité pourra introduire une réflexion sur le rôle d'autrui.
Introduction
Deux interprétations possibles de la question:
— suis-je responsable de ce qui se déroule dans la société ou l'histoire sans que j'en aie conscience?
— suis-je responsable de ce qui a lieu dans mon inconscient?
Dans les deux cas, la problématique est morale (responsabilité) plus que juridique.
1.
Le sujet dans l'histoire.
— À première vue, de nombreux événements se déroulent sans ma participation ou sans que j'en prenne une
connaissance lucide et approfondie.
Ces événements peuvent être actuels aussi bien qu'historiques (concernant le
passé de mon groupe, ou de ma famille).
— Il s'agit de savoir, si, malgré tout, une part de ma responsabilité est engagée dans de tels événements.
Question
a priori surprenante: comment me sentir responsable de ce qui est hors de ma portée (hors de la portée de ma
conscience)? Mais qui se justifie à partir du moment où j'admets que tout être humain a pour tâche, dans sa propre
existence, de définir à travers son propre comportement ce que peut être l'humanité, et donc, réciproquement, de
se sentir concerné par tous les événements qui touchent l'humanité sous toutes ses formes — même apparemment
la plus « lointaine».
— C'est-à-dire d'un point de vue existentialiste.
Rappeler la position de Sartre: engagement intégral.
La liberté
totale dont je jouis a pour revers une responsabilité elle-même sans limite, qui m'oblige à prendre position sur tout —
et donc à vouloir que rien n'échappe à ma conscience.
Faute de quoi je suis un « salaud».
— Même si l'on juge cette thèse irréaliste, elle a l'avantage de souligner que rien de ce qui est humain ne doit m'être.
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