Peut-on être libre en se soumettant aux obligations de la loi morale ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
LOI (n.
f.) 1.
— (Juridique) Prescription promulguée par l'autorité souveraine d'un pays et dont la transgression
est poursuivie ; synonyme de loi positive ; par analogie, lois divines : décrets supposés émaner de la volonté divine
et gouvernant tant la nature que les actions humaines.
2.
— Par ext., règle suivie avec une certaine régularité dans
une société, et dont la transgression est considérée comme une faute, même si elle n'est pas obligatoirement suivie
de sanctions : les lois de l'honneur, les lois morales.
3.
— Norme à laquelle on ne peut se soustraire : « L'impératif
catégorique seul a valeur de loi pratique » (KANT) ; les lois de la pensée.
4.
— Loi de la nature, loi scientifique : a)
Proposition générale constatant une nécessité objective : tout phénomène a une cause.
b) Fonction math.
permettant, à partir de données initiales, de calculer la valeur de certaines variables, et pouvant servir à la prévision
: « La loi nous donne le rapport numérique de l'effet à la cause » (Cl.
BERNARD) ; les positivistes opposent
l'explication par les causes à celle par les lois dans lesquelles ils voient « des relations constantes qui existent entre
des phénomènes observés » (A.
COMTE).
5.
— Loi naturelle : a) Prescription du droit naturel.
b) Loi de la nature.
MORAL(E):
Moral: 1) qui concerne la morale.
2) qui est conforme aux règles de la morale; opposé à immoral.
Morale: ensemble des règles de conduite -concernant les actions permises ou défendues- tenues pour
universellement et inconditionnellement valables.
« Se soumettre» désigne l'acte d'un être qui se met sous la dépendance, l'autorité, d'un autre, voire de règles
que cet autre lui a imposées.
La servitude est un état de soumission (La volonté, sujet 3, § 1) ; or, dans cet
assujettissement, l'Esclave devient Maître du maître (parce que celui-ci dépend de lui).
Ainsi, en se soumettant à
des obligations, on peut renverser les positions apparentes.
Cela arrive, par exemple, dans l'obéissance aux lois de
l'État : comme l'Esclave, on se glisse peu à peu dans le Pouvoir, du fait que l'on s'est rendu indispensable et que l'on
a rusé pour s'élever dans la hiérarchie sociale.
L'histoire est remplie de ces dialectiques : l'esclave, devenu «
affranchi », puis favori de l'empereur, va diriger l'État ; le prolétaire, monté dans les appareils des syndicats ou des
partis, fera la loi (il déclenche des grèves, paralyse le pays jusqu'à ce que la législation satisfasse ses
revendications).
D'une soumission à une autre : le pouvoir d'imposer sa volonté est extérieur à ceux qu'il domine ; le mouvement
conflictuel se reproduira, et les rôles seront de nouveau retournés.
La paix est impossible.
La loi morale est-elle
aussi une puissance extérieure, soumettant des volontés rebelles ? Certains le croient, n'y voyant que
l'intériorisation des règles imposées par les parents, les éducateurs, la Cité.
Mais peut-on se contenter de désigner
par le mot «intériorisation» le processus psychique par lequel les pressions culturelles viendraient nous imprégner ?
D'abord, toutes les pressions externes ne sont pas intériorisées (la terreur ne parvient pas à écraser les consciences
personnelles, les tyrannies contemporaines en ont fait l'expérience) ; ensuite, Freud place, à côté du «surmoi»
contraignant, obstacle au développement de l'individu, l'idéal du moi, qui est à l'origine d'une bonne intégration
sociale ; mais d'autres y voient une instance psychique originale, formée sur l'image des «objets» (= êtres humains,
dans le vocabulaire psychanalytique) aimés, à laquelle le «moi» se soumet par amour (Nunberg, Principes de
psychanalyse, PUF, p.
155).
Contrainte ou amour ?
Déjà l'analyse du processus de «sublimation» avait mis en lumière l'ambiguïté fondamentale de la psychanalyse (voir
« La volonté», sujet 1, § 3).
Si la soumission à des obligations externes pose de tels problèmes, que sera-ce quand elles découleront de la loi
morale ? De plus, «les» obligations formant une pluralité, comment proviennent-elles de l'unité de la loi morale?
1.
La loi morale, «impératif catégorique»
1.
Dans la méthodologie de la raison pure pratique, Kant raconte à un
enfant de dix ans l'histoire «d'un honnête homme qu'on veut déterminer à se
joindre aux calomniateurs d'une personne innocente, mais n'ayant d'ailleurs
aucun pouvoir (comme par exemple d'Anne de Boleyn, accusée par Henri VIII,
roi d'Angleterre) »...
; il énumère les pressions, de promesses à menaces,
allant jusqu'à s'attaquer à sa propre famille, qui viendra le supplier de céder.
«Mon jeune auditeur» va s'élever de l'admiration à la vénération.
Pourquoi?
Parce qu'il perçoit «la pureté du principe moral », tout à fait autre que le
bonheur : la loi morale se présente dans cet honnête homme comme un
principe intérieur de détermination ; il se détermine par lui-même, en
obéissant à cette loi (sur «se déterminer », voir La volonté, sujet 1, § 3).
Une telle loi, voulue par le sujet malgré tous les inconvénients qu'il va
affronter, s'exprime dans la prosopopée célèbre : «Devoir ! Nom sublime et
grand, toi qui ne renfermes en toi rien d'agréable, rien qui implique insinuation,
mais qui réclame la soumission..., tu poses simplement une loi qui trouve
d'elle-même accès dans l'âme et qui cependant gagne elle-même malgré nous
la vénération (sinon toujours l'obéissance)...
Quelle origine est digne de toi,
et où trouve-t-on la racine de ta noble tige...? » (Des mobiles de la raison
pure pratique).
Quelle est la nature d'un tel Devoir, essentiellement moral? Il ne porte pas sur
un objet du désir (livre I, chap.
1), car ce serait alors quelque chose
d'extérieur qui attirerait notre volonté : celle-ci ne serait pas autonome, mais.
»
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