Peut-on être libre devant la vérité ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
VÉRITÉ
La vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité.
Elle se définit traditionnellement
comme l'adéquation entre le réel et le discours.
Qualité d'une proposition en accord avec son objet.
La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord
de l'esprit avec ses propres conventions.
La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements,
l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel.
On distinguera soigneusement la réalité qui
concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement.
Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux.
La vérité ou la fausseté
qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion.
La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du
jugement vrai.
APPROCHE: Est-ce que Galilée était libre de dire que la terre tourne autour du soleil ? S'il était libre de le dire,
était-il libre "en face" de cette vérité ? Est-ce que c'était une manifestation de sa liberté ? Il n'a pas "choisi" de
faire que la terre tourne autour du soleil, il n'a pas choisi de croire à ça, il a compris, montré, su que c'était ainsi.
Le
problème donc est le suivant : la vérité semble être par définition indépendante de moi.
La vérité en ce sens ne
contraint-elle pas la liberté ? "1+1=2" : cette vérité n'attend pas que je choisisse de la croire vraie pour être vraie.
Il n'y a pas "deux vérités" entre lesquelles je pourrais choisir, la vérité n'est pas l'objet d'un choix, elle est par
définition indépendante de moi.
Pourtant la vérité s'oppose-t-elle nécessairement à l'exercice de la liberté ? En quel
sens la vérité, suppose-t-elle une construction libre ? Ne puis-je pas toujours refuser la vérité qui est devant moi ?
La question qui se pose alors est celle du devoir.
Dois-je garder ma liberté devant la liberté, pour la remettre en
question avant de l'accepter par exemple, ou au contraire par scepticisme ? Ne doit-on pas garder sa liberté devant
ce que l'on nous donne comme vrai ? Référence utile : "La liberté cartésienne" dans Critiques littéraires-Situations I
de Jean-Paul Sartre.
Peut-on dire non au Vrai ? Tel est le sens du sujet.
Soutenir ou réfuter des propositions, ce sont des actes de la
volonté.
Mais le consentement intérieur dépend-il de la
volonté ?
Lorsqu'il s'agit d'une évidence, comme la somme des angles d'un triangle est égale à deux angles droits, l'expérience
immédiate semble m'enseigner que mon jugement est nécessaire et non libre.
Il en est de même lorsque quelque
chose m'est prouvé par de bons arguments.
Dans la pratique, il me semble difficile de résister au vrai, lorsque je le
connais.
Pourtant, j'ai aussi le sentiment immédiat d'une liberté infinie de ma volonté.
Ne puis-je pas affirmer ou nier,
vouloir ou ne pas vouloir en toute indépendance ? Cette certitude que j'ai, concernant ma volonté, m'amène à
conclure que je dois pouvoir, bien que l'expérience atteste que cela n'ait sérieusement jamais lieu, refuser librement
mon consentement, même lorsqu'il s'agit d'une évidence intellectuelle ou d'une vérité bien établie.
Autrement dit, si, dans la pratique, il m'est difficile d'être libre face à la vérité, dans l'absolu, il me semble que c'est
possible.
C'est, en tout cas, ce qu'affirme Descartes:
Pour ce qui est du libre-arbitre, je suis complètement d'accord
avec ce qu'en a écrit le Révérend Père.
Et, pour exposer plus
complètement mon opinion, je voudrais noter à ce sujet que
l'indifférence me semble signifier proprement l'état dans lequel
est la volonté lorsqu'elle n'est pas poussée d'un côté plutôt que de
l'autre par la perception du vrai ou du bien ; et c'est en se sens
que je l'ai prise lorsque j'ai écrit que le plus bas degré de la liberté
est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles
nous sommes indifférents.
Mais peut-être que d'autres entendent
par indifférence une faculté positive de se déterminer pour l'un ou
l'autre de deux contraires, c'est-à-dire pour poursuivre ou pour
fuir, pour affirmer ou pour nier.
Cette faculté positive, je n'ai pas
nié qu'elle fût dans la volonté.
Bien plus, j'estime qu'elle y est, non
seulement dans ces actes où elle n'est pas poussée par des
raisons évidentes d'un côté plutôt que de l'autre, mais aussi dans
tous les autres ; à ce point que, lorsqu'une raison très évidente
nous porte d'un côté, bien que, moralement parlant, nous ne
puissions guère aller à l'opposé, absolument parlant, néanmoins,
nous le pourrions.
En effet, il nous est toujours possible de nous
retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d'admettre une
vérité évidente, pourvu que nous pensions que c'est un bien
d'affirmer par là notre libre-arbitre.
DESCARTES
Ce texte est extrait d'une réponse de Descartes à la lettre d'un de ses correspondants qui l'interrogeait à
propos d'un passage de la quatrième méditation métaphysique dans laquelle il disait : « de façon que cette.
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