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PEUT-ON ÊTRE L'HISTORIEN DE SON TEMPS ?

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« INTRODUCTION Le XIXe siècle fut le siècle de l'histoire, une période euphorique « durant laquelle l'histoire a constitué le motif le plus puissant de l'action et de la réflexion » (Christian Ruby, L'Histoire). Tout s'expliquait par et dans l'histoire qui manifestait la réalisation de l'Esprit, d'après les hégéliens, ou la marche dialectique vers une société sans classe, d'après les marxistes.

On sanctifiait les grands acteurs de l'histoire.

Qu'en est-il aujourd'hui ? L'historien possède des matériaux de base importants pour nous éclairer sur l'histoire des siècles passés, mais peut-il nous éclairer sur notre histoire quotidienne ? A moins que l'histoire ne soit une science et obéisse à des règles rigoureuses valables pour le passé comme pour le présent. I.

L'objet de l'histoire • L'historien élabore une hypothèse de travail à vérifier.

Il ne va pas « rôdant au hasard à travers le passé, comme un chiffonnier en quête de trouvailles, mais part avec en tête un dessein précis, un problème à résoudre, une hypothèse de travail à vérifier » (L.

Febvre, Combats pour l'histoire). Il s'attache à éclairer les choix des hommes et comment ces choix engendrent des changements, des bouleversements. • Puisque tout comme le scientifique l'historien construit son objet, l'histoire à ce titre est une science qui rend intelligible un ensemble de faits.

« Elle a pour objectif la "compréhension imaginative" (E.H.

Carr, Qu'est-ce que l'histoire ?) des processus de changements des sociétés et des individus en société, en expliquant les passages d'une forme sociale à une autre, déployant les forces qui s'opposent et se disposent comme d'elles-mêmes pour maintenir, étendre ou combattre une hégémonie.

» (C.

Ruby, opus cité.) L'historien confronte, rapproche, institue des liens.

C'est grâce à l'École des annales, fondée en 1929 par Marc Bloch et Lucien Febvre, que l'histoire n'est plus le récit des faits passés, c'est-à-dire qu'elle n'est plus événementielle (cf.

le texte de Rousseau qui critique justement ce genre d'histoire). Cette « nouvelle histoire » essaie de penser les séries dont un événement peut être issu ? « [...] Le moment est venu de réinsérer l'événement dans les structures.

On revient donc à une interrogation sur l'événement, cette écume de l'histoire » écrit G.

Duby.

L'événement est ce qui se voit d'une lame de fond, telle l'écume qui reste sur la plage, un peu plus longtemps que la vague. • Cette science de l'histoire a pour fonction de « déterminer des conditions de compréhension d'un moment de la vie des hommes » (C.

Ruby). Pourquoi ne pourrait-elle pas s'intéresser aux conditions de son époque ?/Car « ce n'est pas tant la quantité de documents ni le temps, qui définissent l'histoire, que son objet : les rapports conflictuels de l'homme et de son environnement, de l'homme avec l'homme, le mouvement des sociétés engendrant dans leurs propres actions les conditions de leur dépassement.

L'histoire considère au premier chef des processus sociaux.

Elle promeut notre compréhension des engagements présents qui, en retour, s'éclairent de ce passé là.

» (C.

Ruby) II.

L'historien se sert du passé pour éclairer le présent • L'histoire est inséparable de l'historien.

L'historien est toujours un homme de son époque, avec les préoccupations de son temps.

Sa compréhension nous montre que le passé ne se réduit pas à n'être plus, mais il nous permet de comprendre pourquoi une émeute intervient dans telle conjoncture.

Que visaient les hommes de cette époque ? Bien que le discours de l'historien ne soit pas complètement objectif, il nous permet de saisir, de rendre intelligible le sens des événements( • Notre situation actuelle dépend du passé.

L'histoire explique, en partie, ce que nous sommes.

Pourtant, seul l'avenir donnera sa véritable signification au présent/Raymond Aron écrivait en 1938: « L'expérience du Front populaire révèlera progressivement sa véritable portée aux historiens à venir : selon qu'elle mènera à un régime social nouveau ou à la réaction [...].

Les contemporains sont partisans et aveugles, comme les acteurs ou les victimes.

» (Introduction à la philosophie de l'histoire) III.

L'historien peut essayer d'être l'historien de son temps : mais il n'y a pas de leçons de l'histoire • « On dit aux gouvernants, aux hommes d'État, aux peuples de s'instruire principalement par l'expérience de l'histoire. Mais ce qu'enseignent l'expérience et l'histoire, c'est que peuples et gouvernements n'ont jamais rien appris de l'histoire, et n'ont jamais agi suivant des maximes qu'on en aurait pu tirer.

» (Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire.) A quoi sert de faire l'histoire de son temps si le passé n'a pas donné de leçons au présent ? • Paul Valéry ira jusqu'à condamner l'histoire : « L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré.

Ses propriétés sont bien connues.

Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines.

L'histoire justifie ce que l'on veut.

Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout.

» (Regards sur le monde actuel) CONCLUSION Il ne faut peut-être pas malgré tout renoncer à l'histoire, ni à comprendre notre présent.

L'histoire « stipule que tout se meut et que rien n'est jamais acquis une fois pour toutes ».

Sa tentative d'intelligibilité des événements la rend parfois suspecte, dangereuse.

Alors on la chasse de l'enseignement comme sous le Second Empire, on la censure comme en exURSS, on la simplifie comme aux Etats-Unis.

La connaissance de l'histoire engage notre présent à prendre la mesure de notre avenir.

Nous ne pourrons plus dire : je ne savais pas.

L'historien non seulement peut, mais doit essayer de comprendre son temps.. »

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