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Peut-on être heureux sans vertu ?

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« Notre sujet pose implicitement le problème des rapports entre bonheur et vertu en termes de condition.

Ainsi, peut-on être heureux sans vertu ? Autrement dit, la vertu est-elle une condition du bonheur ? Il est ainsi possible que la vertu soit une condition nécessaire mais non suffisante : la vertu permettrait le bonheur, mais pas à elle toute seule.

À l'inverse, il est concevable que la vertu ne soit une condition ni nécessaire ni suffisante du bonheur, auquel cas il serait possible d'être heureux sans être vertueux.

Toutefois, afin d'envisager pleinement ces rapports, il nous faut établir clairement ce que l'on peut entendre par vertu et bonheur.

Ainsi, qu'est-ce qu'être vertueux et en quoi cela est-il (ou non lié) à la problématique du bonheur ? Dès lors, comment le bonheur peut-il se définir ? Est-ce en rapport avec la morale ou l'éthique (la vertu) ou bien d'une autre manière ? I – Epicure et l'usage réglé des désirs La conception antique de la vertu se retrouve dans l'usage courant que l'on fait encore de ce terme.

En effet, nous parlons volontiers de la vertu d'une plante (médicinale, par exemple), entendant par-là la force agissante qui réside en elle.

La terme latin de vertu traduit alors le grec arétè, qui renvoie à la qualité propre d'une chose ; en ce sens, la vertu du poison, c'est de bien tuer. La pensée antique se fonde volontiers sur l'éthique, qui consiste à développer sa vertu, c'est-à-dire sa nature propre.

Ainsi, l'homme – être rationnel – se doit d'agir conformément à la raison.

Épicure montre ainsi qu'en accomplissant sa nature d'être rationnel, notamment par l'usage réglé des désirs, l'homme atteint l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de troubles dans son âme ou, en d'autres termes, le bonheur.

Précisons cela. Pour Épicure, le bonheur s'atteint dès que l'âme quitte l'état d'anxiété naturelle dans lequel elle se trouve.

Il s'agit alors d'éloigner les troubles liés à l'âme en distinguant, par exemple, les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturels non nécessaires et les désirs ni naturels ni nécessaires.

En se pliant aux premiers (comme boire de l'eau) et en refusant les derniers (comme chercher la richesse ou la gloire), l'homme accomplit alors ce qui est vraiment en son pouvoir.

Il poursuit des buts raisonnables, et ce faisant il exprime sa vertu, ce qui lui permet d'accéder au bonheur compris comme quiétude, absence de troubles, ataraxie.

De ce point de vue-là, il n'est pas possible d'être heureux sans vertu, puisque la vertu est un moyen d'accéder au bonheur. Épicure constate que le plaisir, recherché par tous, est l'élément essentiel de la vie heureuse.

Conforme à la nature humaine, il procure un critère parfait de tous les choix que nous avons à faire.

Il réside dans la sensation qui, nous mettant en rapport avec le monde, est la règle qui nous fait choisir ou exclure.

Ce bien est inné et personnel, puisque chacun est juge de ce qui lui convient : c'est de notre propre point de vue sensible que nous jugeons de ce qui est pour nous un plaisir ou une douleur.

Ainsi, nous ne recherchons pas les plaisirs qui engendrent de l'ennui, et l'on peut préférer endurer certaines douleurs si elles sont le moyen d'accéder à un plus grand plaisir.

L'épicurisme n'est pas une philosophie simpliste qui recherche le plaisir à tout prix et fuit la douleur ; elle repose sur un principe de détermination, qui est la sensation, critère complexe d'estimation des valeurs, puisqu'il aboutit à un paradoxe : "Nous en usons parfois avec le bien comme s'il était le mal, et avec le mal comme s'il était le bien", (Épicure). II – Kant : seule compte la bonne volonté Toutefois, dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant tente de débarrasser la morale de la notion de bonheur.

En cela, il s'appuie sur une nouvelle conception de la vertu, qui ne ressortit plus à l'éthique, mais à la morale proprement dite.

En effet, alors que la vertu, au sein de l'éthique, renvoyait à un comportement de l'homme en accord avec sa nature propre, la vertu kantienne, placée au sein de la morale, renvoie à la notion de volonté.

Qu'est-ce à dire ? Pour Kant, la vertu ne se définit plus à proprement parler comme l'accomplissement d'une nature propre.

Elle se comprend désormais à partir d'impératifs catégoriques de la raison, c'est-à-dire des devoirs qui conditionnent la forme de la volonté.

En effet, l'exigence de moralité ne doit pas, selon Kant, dépendre du bonheur des individus.

En somme, je ne dois pas agir moralement afin d'être heureux, car je ne considère alors que mon profit propre, tandis que la morale renvoie à des impératifs universels.

Ces impératifs, avons-nous dit, conditionne la forme de la volonté.

En effet, ils ne conseillent pas la volonté sur ce qu'elle doit faire ou quel but particulier elle doit suivre (comme le bonheur, par exemple).

Plutôt, les impératifs, catégoriques et universels, doivent pouvoir s'appliquer dans n'importe quelle situation.

Par exemple, l'impératif « Tu ne dois pas mentir » indique la forme que doit prendre la volonté, sans se soucier des cas particuliers.

Ainsi, il est probable que se présente une situation où, n'ayant pas menti, je n'en retire rien, voire j'en ressors malheureux.. »

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