Peut-on établir une différence entre le temps mesuré par le physicien et le temps vécu par la conscience ?
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Doit-on distinguer entre plusieurs temps, un temps objectif, celui de la science et un temps subjectif qui
renverrait à la succession des états de conscience ? Ne serait-ce pas là une violence faite à l'essence même du
temps, en effet, si chacun vit selon une temporalité qui lui est propre, nous vivons tous dans le même temps, aussi
comment peut-on conséquemment distinguer entre plusieurs temps ? Faut-il dire que le temps du physicien et celui
de la conscience sont le même temps mais vu sous deux aspects différents ? Nous verrons qu'en fait seul le temps
vécu est réellement le temps, les mesures de la physique trahissent l'essence même du temps qui, au contraire de
l'espace, échappe à la logique du nombre, le temps c'est du qualitatif, mesurer le temps c'est certainement
s'occuper déjà d'autre chose que du temps.
I- Mesurer le temps c'est le spatialiser.
Le physicien multiplie les manières d'intégrer le temps à ses recherches, il l'utilise souvent comme un outil :
en calculant le temps de chute d'un objet on peut déterminer une hauteur ou bien encore en calculant les
oscillations d'un pendule, mais le temps intervient aussi dans le calcul des vitesses ou dans l'étude du comportement
d'un mobile.
Le temps de la physique revêt deux formes majeures : soit il est une certaine quantité ou bien il
intervient comme instant, moment où une mesure est prise.
Ce temps, le physicien le traduit en chiffre ou en symbole (instant t, t+n,...), mais le temps est-il la mesure
du temps ? Mesurer le temps est-ce encore parler du temps ? La mesure implique l'idée de spatialité, découper le
temps c'est le faire rentrer dans l'espace, le spatialiser.
Il s'avère que le physicien prend peut-être en compte ce qui se révèle être davantage une abstraction que
le temps lui-même, lequel reste pour nous indéterminé.
Comme l'a montré Bergson, le temps de la physique c'est un
temps spatialisé, découpé, un temps réduit à sa dimension quantitative, réduit à la figure classique de l'étendue
partes extra partes, c'est-à-dire, ce qui est décomposable à l'infini et dont toutes les parties se valent.
II- Le temps de la conscience est une multiplicité hétérogène et
continue.
Le temps « intérieur » au sens où dans la Critique de la raison pure
Kant montrait que le temps est davantage en nous que nous ne sommes dans
le temps (le temps étant pour Kant une forme a priori de la sensibilité), est un
temps continu mais rythmé, non linéaire et neutre comme le temps physique.
Le temps de la conscience est qualitatif, son écoulement n'est pas
homogène, c'est-à-dire que nous ne ressentons pas toujours le temps de la
même façon.
Tantôt nous sommes angoissé par son passage, exalté par un
temps à venir, impatients,...
Selon Bergson le temps véritable est une multiplicité hétérogène et
continu (son étoffe comporte des éléments qui ne valent pas tous la même
chose et en même temps c'est toujours du même temps qu'il s'agit), le temps
s'oppose à l'espace qui est une multiplicité homogène (tout se vaut dans
l'étendue, conception cartésienne) et discontinue (les choses sont
extérieures les unes aux autres, tandis que les éléments du temps
s'imbriquent les uns dans les autres).
(Cf les Données immédiates de la
conscience).
Le temps vécu, celui de la conscience est donc caractérisé par la
non extériorité des parties qui le composent au point qu'il devient impropre de
parler de parties.
Le temps de la conscience n'est pas unité de mesure
physique, le vivre est passage du temps, vie de l'être temporel, mais ce passage est irréductible et intraduisible par
le physicien.
C'est une chose de mesurer combien de temps dure un vécu, autre chose que de vivre cette durée.
Selon Bergson, la durée est la réalité même : c'est-à-dire la durée pensée et concrètement vécue, le temps de la
conscience intime, et non la durée mesurée comme une distance d'un point à un autre.
Afin de saisir cette durée, le
philosophe doit se réconcilier avec ce qu'il vit concrètement et faire prévaloir la perception des choses sur leur
conceptualisation.
Comment appréhender cette durée qui semble toute intime ? Il convient d'opérer une conversion, de nous défaire
des habitudes de pensées qui réduisent le réel à une ombre de lui-même, en ne faisant que le mesurer et le diviser
par pur intérêt.
Si nous n'avons de la durée que cette perception réduite, cela signifie que, pour nous, la durée est
d'abord ce qui nous sépare de quelque chose ou, si l'on veut, un moyen terme entre un début et une fin.
Ce moyen
terme n'est donc pas perçu pour lui-même, mais en vue d'autre chose, et la réduction de la durée à de l'espace
signale d'abord une conception utilitaire du monde, bien loin du désintéressement qui devrait être celui du
philosophe.
Si nous voulons saisir ou contempler la durée en son absoluité, ou du moins nous en rapprocher, il nous
faut nous défaire de notre obsession pour l'action.
II-La différence entre le temps du physicien et le temps de la conscience : la durée..
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