Peut-on encore se révolter contre la société de consommation ?
Extrait du document
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Le thème de cet énoncé porte sur les conditions de possibilités de la révolte contre la société de consommation.
Interroger les conditions de possibilité indique ici qu'il s'agit de penser la légitimité et l'existence de signification et
de sens d'une révolte contre… en ce que telle attitude se trouve d'emblée, dans l'énoncé, limitée dans l'exercice de
son pouvoir par l'intervention temporelle et logique du “ encore ”.
Le trait constitutif majeur du problème posé par l'énoncé consiste ainsi dans le sens ambigu, tant logique que
temporel, revêtu par l'adverbe “ encore ”.
En effet, “ encore ” peut marquer l'idée d'une répétition, de même que la
persistance temporelle, ou encore, et peut-être surtout, indiquer une limitation.
Cette articulation logico-temporelle
de la triple signification de l'adverbe se conjoint dans l'entreprise, plus haut signalée, visant à penser les conditions
(formelles) de légitimité d'un sens (logique) à la révolte contre ce qui se donne à penser comme une totalité
systémique, à savoir la société de consommation.
En conséquence de la position, logique et formelle, d'un tel problème, deux enjeux fondamentaux doivent intervenir
dans la structure du développement de la réflexion : il faut premièrement penser la logique de l'articulation du
système de la consommation afin de déterminer l'objet légitime de la révolte ; puis, dans un second temps,
interroger la relation entretenue par la consommation avec la société en vue d'en délimiter l'emprise.
I.
La trinité de la consommation
La consommation, dans la simplification de son système, peut être organisée de manière ternaire.
Trois pôles sont
supposés et supportent sa dynamique : le consommateur (consommant) – le produit (consommé) – le producteur.
Sans prendre en compte le statut complexe du producteur (la question de l'appartenance ou de l'extériorité au
système en tant que l'organisant ou s'y aliénant, et influant de fait sur le statut consommé, ou aliéné, du
consommateur), il doit être simplement noté que la relation du consommateur à son produit se caractérise par
l'élection, c'est-à-dire le (libre) choix.
La “ consommation ” comme propriété d'une “ société ” est contemporaine de
l'apparition du superflu constituée par la plus-value artificielle générée par le produit (Marx) – il ne s'agit dès lors
plus de consommation relative aux besoins primaires, mais de consommation caractéristique du désir d'excédentaire
(luxe).
Seul le surplus peut assurer la possibilité du choix.
Le choix comme sentiment de la libre possibilité d'élection est le propre des sociétés démocratiques.
En effet, la
démocratie se fonde sur l'établissement en droit de la garantie de l'égale liberté individuelle, et celle-ci s'exprime et
s'éprouve fondamentalement sur le terrain de la consommation (telle la consommation politique, ou encore
idéologique).
Ainsi, la “ société de consommation ” se trouve bien être le produit de la démocratie.
Démocratie
générant ses propres contractions, autrement dits ses paradoxes internes, qu'explicite alors parfaitement le règne
de la consommation, entre ses principes idéaux régulateurs que sont l'égalité et la liberté (Tocqueville).
En conséquence, adopter la posture de la révolte contre la société de consommation, en d'autres termes s'opposer
au produit paradigmatique et constitutif de la société démocratique, en tant que lieu de l'expression et de
manifestation en acte de ses principes, qu'est le choix dans la consommation, exige l'anti-démocratisme.
Comment
dès lors s'opposer à ce dont l'existence est constitutive de la possibilité de l'opposition (interne), c'est-à-dire la
démocratie ? Comment être extérieur à la totalité de la société pour s'y opposer ?
II.
La société et la consommation
“ Se révolter contre la société de consommation ” pose ainsi le problème de la possibilité de s'extraire de ce à quoi il
est nécessaire de participer pour s'y confronter et s'y opposer.
Un tel problème est celui du tout et de la circularité
(logique) en lequel toute tentative de déconstruction (révolte contre…) suppose l'utilisation de moyens de l'objet ou
système à déconstruire (par exemple, les moyens consuméristes de diffusion (médias, internet, …) pour assurer la
propagande de l'opposition à la consommation) : la déconstruction s'organise donc comme révolte endogène – la
démocratie doit tolérer sa contradiction interne.
Mais penser l'endogénéité de l'entreprise de déconstruction conduit à la reconnaissance da la circularité autistique
et logiquement contradictoire de l'internalisme qui risque bien plutôt de confirmer (et de relever dialectiquement
(Aufheben)) l'à-déconstruire.
Penser pouvoir pénétrer l'intériorité du système pour le déconstruire tend à réaffirmer
sa dimension de totalité envers laquelle la prétendue extériorité est dans une relation de dépendance.
La dialectique
intérieur-extérieur propre à la logique de la révolte reconduit la totalité du système à son hégémonie.
La révolte
contre la totalité ne peut plus avoir lieu (sens répétitif du “ encore ”) simplement parce qu'elle n'a encore jamais
(sens temporel restrictif, c'est-à-dire négatif du “ encore ”, voire logique) pu avoir lieu.
Conclusion
-
Seul un déplacement radical du problème de la révolte contre la totalité, dont la société de consommation
est ici symptomatique, peut lui assurer la légitimité d'une signification logique pertinente.
Le plan ne sera alors
plus celui de la société mais de l'individu (individualisme révolté – également produit de la démocratie).
Repensé
dans son processus de subjectivisation en relation aux structures de la gouvernementalité (gouvernement de soi
et des autres) propres à la démocratie, la révolte doit devenir une esthétique de l'existence du soi (Foucault)..
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