Peut-on dire que "tout travail travaille à faire un homme en même temps qu'une chose" ?
Extrait du document
«
ANALYSE DU SUJET
• L'énoncé demande de mettre en évidence la double fonction du travail.
Nous avons à nous interroger sur la
première partie de l'énoncé : « tout travail travaille à faire un homme.
»
• Que devons-nous entendre ici par « faire un homme ».
• Le travail est de part en part une activité naturelle : « L'ouvrier ne peut rien créer sans la nature, sans le monde
extérieur sensible.
Elle est la matière dans laquelle son travail se réalise, au sein de laquelle il s'exerce, à partir de
laquelle et au moyen de laquelle il produit.
» Marx.
Manuscrits de 1844.
• Le travail comme critère qui permet de distinguer l'homme de l'animal.
Qu'est-ce qui fait la spécificité du travail
humain ? Analysez le mythe de Prométhée dans Platon — Protagoras 320 d.t et le célèbre texte de Marx sur le
travail de l'architecte et le travail de l'abeille Capital, Livre I, section 3, chap.
VII, Éd.
Sociales, p.
180.
• Le travail comme activité codifiée qui transforme la nature, et, en l'homme, l'homme naturel.
Par le travail, l'homme
se libère de la nature et de sa propre nature.
— Dans sa consommation, l'homme rencontre surtout des productions humaines.
— Dans sa production, il est amené à produire et à utiliser des outils et des règles d'utilisation de ces outils.
« Dans la diversité des conditions et des objets qui interviennent, se développe la culture théorique.
C'est non
seulement un ensemble varié de représentations et de connaissances, mais aussi une mobilité et une rapidité des
représentations et de leur enchaînement, la compréhension des relations compliquées et universelles.
C'est la
culture de l'esprit en général et aussi du langage.
La culture pratique par le travail consiste dans le besoin qui se
reproduit lui-même et dans l'habitude de l'occupation en général.
Elle consiste aussi dans la limitation de l'activité
par la nature de la matière, par la volonté des autres, ce dressage faisant gagner l'habitude d'une activité objective
et de qualités universelles ».
Hegel : Principes de la philosophie du droit.
Troisième partie, article 197.
• Le travail comme origine de la cité, de l'échange et de l'homme comme «
animal politique » — Platon : La République.
Livre II.
— Cf.
aussi Rousseau :
Origine de l'inégalité.
• Le travail comme satisfaction retardée, désir refréné et agent de
moralisation.
« Le travail, au contraire, est désir refréné, disparition retardée: le travail
forme.
Le rapport négatif à l'objet devient forme de cet objet même il devient
quelque chose de permanent, puisque justement, à 1 égard du travailleur,
l'objet a une indépendance.
» Hegel.
Phénoménologie de l'esprit.
Aubier.
T.
1,
p.
164-165.
Et ce texte de Freud : « L'édifice de la civilisation repose sur le
principe du renoncement aux pulsions instinctives, et postule la non
satisfaction de puissants instincts » Malaise dans la civilisation.
• Citation d'Engels qui fait écho à l'énoncé du sujet : « Le travail est la
source de toute richesse...
mais il est infiniment plus encore.
Il est la
condition fondamentale, première de toute vie humaine, et il est à un point tel
que, dans un certain sens, il nous faut dire le travail a créé l'homme lui-même.
» Mais le travail n'est-il pas aussi ce qui «défait » un homme ? De façon
générale par la fatigue et la peine qu il impose et plus spécialement par
certaines conditions du travail Pensez au travail de l'esclave ou à ce que Marx a appelé le travail aliéné.
Méditez ce texte de Marx extrait des Manuscrits de 1844: « Or, en quoi consiste l'aliénation du travail ? D'abord,
dans le fait que le travail est extérieur à l'ouvrier, c'est-à-dire qu'il n'appartient pas à son essence, que donc, dans
son travail, celui-ci ne s'affirme pas, mais se nie, ne se sent pas à l'aise, mais malheureux, ne déploie pas une libre
activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit.
En conséquence, l'ouvrier n'a le
sentiment d'être auprès de lui-même qu'en dehors du travail et, dans le travail, il se sent en dehors de soi.
Il est
comme chez lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il ne se sent pas chez lui.
Son travail n'est donc pas
volontaire, mais contraint; c'est du travail forcé.
Il n'est donc pas la satisfaction d'un besoin, mais seulement un
moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail.
Le caractère étranger du travail apparaît nettement dans le
fait que, dès qu'il n'existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste.
Le travail
extérieur, le travail dans lequel l'homme s'aliène, est un travail de sacrifice de soi, de mortification.
Enfin, le
caractère extérieur à l'ouvrier du travail apparaît dans le fait qu'il n'est pas son bien propre, mais celui d'un autre,
qu'il ne lui appartient pas, que dans le travail l'ouvrier ne s'appartient pas lui-même, mais appartient à un autre.
[...]
On en vient donc à ce résultat que l'homme (l'ouvrier) ne se sent plus librement actif que dans ses fonctions
animales, manger, boire et procréer, tout au plus encore dans l'habitation, la parure, etc., et que, dans ses
fonctions d'homme, il ne se sent plus qu'animal.
Le bestial devient l'humain et l'humain devient le bestial.
Manger, boire et procréer, etc., sont certes aussi des fonctions authentiquement humaines.
Mais, séparées
abstraitement du reste du champ des activités humaines et devenues ainsi la fin dernière et unique, elles sont
bestiales.
».
»
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