Peut-on dire que l'essentiel de la vie psychique c'est la vie de l'inconscient ?
Extrait du document
«
Comment caractériser la vie psychique? C'est bien la vie de l'esprit dont il s'agit, soit le sujet de la représentation
doué de son activité propre, opposé en ce sens à l'objet même de la représentation.
Or la vie psychique, ce sont
ces pensées qui peuplent précisément cette vie mentale, cette circulation ordonnée, organisée dans son flux par un
sujet.
Mais le sujet nous propose ici de nous interroger sur la conscience que nous avons de ces processus mentaux
qui se déroulent à l'intérieur même de notre esprit.
Avons-nous une intuition plus ou moins claire de ces états ou
actes de pensée dans leur plus grande majorité, où la plupart d'entre eux restent-ils en dehors du champ de notre
conscience ? Dans la deuxième branche de cette alternative, à quel champ appartiendrait alors ces contenus
psychiques? Penser alors à l'inconscient, ce n'est pas simplement penser à une sphère qui ne relève pas de la
conscience – à un regard de l'esprit sur lui même – mais c'est également penser à une sphère qui échappe à la
conscience et à son action, une sphère sur laquelle le sujet n'a aucun pouvoir.
Parler de « l'inconscient », c'est
penser qu'il existe au sein de l'esprit même une région que le sujet ne contrôle pas, une région ayant ces propres
représentations et impulsions.
Or, comment est-ce encore alors mon esprit puisqu'il ne m'appartient pas en propre,
ni dans sa logique, ni dans son évolution?
I.
Descartes: une vie psychique consciente.
Descartes est parti de cette simple équation selon laquelle conscience =
pensée.
Toute phase de la pensée est foncièrement consciente pour
Descartes.
Toutes les idées qui composent ma vie psychique ont quelque
chose de similaire, et ce quelque soit leur objet.
Ce qu'elles ont de commun,
c'est leur forme.
Rappelons-nous ce qu'énonce Descartes: « Par le nom
d'idée, j'entends la forme de chacune de nos pensées par la perception
immédiate desquelles nous avons conscience de ces mêmes pensées ».
C'est
donc par un rapport conscient à notre pensée que nos pensées sont des
idées.
C'est parce que j'ai conscience qu'il s'agit d'une pensée en générale
que cette pensée devient une idée.
La conscience est donc une expérience
formelle qui me livre un contenu toujours similaire, à savoir le contenu idéelle
de chacune de nos pensées.
Cependant, c'est ici un contenu fondamental qui
nous est livré: quelque soit l'idée que j'ai, c'est-à-dire, quelque soit son objet
(un objet réel, une chimère...), ce contenu idéel qui m'est livré témoigne en
fait de ma nature de substance pensante.
Ce dont j'ai conscience dans chacune de mes pensées, c'est qu'elles sont
constituées d'une même matière, une matière métaphysique.
Toutes mes
idées sont faites de la même matière qui constitue la substance même de mon
être: je suis un être pensant.
Il peut paraître étonnant selon cette idée, que
je sois en vérité conscient de tout ce qui se trame en mon esprit.
Je n'ai
d'ailleurs moi-même pas l'impression d'être « connecté » par ma conscience à
tout ce qui se passe dans mon esprit.
Il m'arrive bien souvent, face à une scène quelconque, d'enregistrer des
détails dont je n'ai pas pour autant conscience.
Mais Descartes nous rappelle que ceci vient d'une défaillance, si
toute fois on peut appeler ça ainsi, de la mémoire: je ne me souviens pas de tout.
Une foule de détails vient à
chaque instant envahir mon esprit, ma conscience, mais il s'agit de saisir que je ne m'en souvient tout simplement
pas après coup.
Il peut d'ailleurs m'arriver de me souvenir d'un détail dont je ne crois pas avoir eu conscience sur le coup: pourtant,
il a bien fallut qu'une trace soit imprimée dans mon cerveau pour que ma conscience puisse dans le présent la
réactualiser.
Les défaillances de la mémoire peuvent en ce sens expliquer bien des choses.
Ainsi Descartes expliquet-il que pendant bien longtemps il se sentait attiré par les filles ayant un strabisme.
Puis, il se rappela soudainement
un jour, qu'étant enfant, il avait eu pour premier amour une jeune fille possédant cet attribut.
Ce pli perdura dans
son esprit, et la mémoire et sa défaillance fût la seule raison pour laquelle il n'en avait pas conscience.
Le jour où il
saisit cela, cette attirance cessa.
Une partie de la vie psychique est donc oubliée mais toujours potentiellement
réactualisable, et non véritablement inconsciente.
II.
Les multiples déterminismes
Je ne suis pas seul, où plus exactement, je ne suis pas une res cogitan, une chose pensante seule au monde.
Autours de moi, il y a les autres, donc une organisation sociétale avec ces lois, des traditions, ses hiérarchies.
Tant
et si bien que, étant inséré à l'intérieur, cette structure me conditionne forcément.
La société agit sur moi, sur mes
pensées, mes décisions, et cela bien souvent sans même que je m'en aperçoive.
Durkheim, que l'on peut considérer
comme l'inventeur de la sociologie, nous donne un exemple flagrant dans son oeuvre Les règles de la méthode
sociologique (1895): Si je suis dans un stade, et que soudainement tout le monde se lève pour applaudir l'exploit de
l'un des joueurs, moi même, je me lève, et j'applaudis.
Si jamais quelqu'un venait à me demander si je suis libre en
faisant ça, en me levant et applaudissant, je lui répondrait que de tout évidence j'ai choisi de me lever, et
d'applaudir.
Mais alors, nous dit Durkheim, qu'adviendrait-il si je restais assis en cet instant de victoire? On me
regarderait, me pointerait peut-être du doigt, ou je serai mal à l'aise de me retrouver dans cette posture
d'exception.
Preuve en est qu'un fait social traverse cette foule qui se lève et applaudit, un fait social qui la
conditionne sans même que les individus pris un à un s'en rendent compte; pis, chaque individu se croit libre dans.
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