Peut-on dire que la liberté est d'abord la reconnaissance de la nécessité ?
Extrait du document
«
Problème
Est-il légitime de dire que l'acceptation des contraintes et déterminismes imposés par la nature et la société nous
permet, par l'obéissance aux lois rationnelles, d'agir librement?
La contradiction apparente entre la liberté et la reconnaissance de la nécessité comme fondement de celle-ci
représente le paradoxe qui doit être levé par la discussion.
Il faut venir progressivement à l'idée que la nécessité
n'est une contrainte aveugle que dans la mesure où elle n'est pas comprise.
Le plan proposé sera ainsi du type
progressif.
Plan
1.
L'ordre nécessaire des choses.
L'ordre de la nature.
Devant là nature, ce que j'expérimente, au premier chef, c'est un ordre qui ne se laisse point modeler par une
volonté, une puissance qui me résiste.
Les phénomènes obéissent, en effet, à des lois indépendantes de nous, à des
relations qui paraissent inflexibles.
Nul ne peut échapper à la pesanteur, ni aux lois entropiques qui règlent le vivant.
Une loi physique, par exemple, est une proposition qui établit un lien impossible à rompre entre des grandeurs
physiques mesurables.
Un aveugle déterminisme paraît organiser le monde.
L'ordre de la nature est une nécessité
apparemment incontournable.
2.
La nécessité dans la vie sociale : les lois.
La contrainte des lois de la cité.
La contrainte des lois civiles représente un nouvel obstacle les lois civiles, règles impératives formulées par l'autorité
souveraine d'une société, commandent pour tous.
En effet, elles sont, d'abord, l'expression de l'organisation
nécessaire de la vie sociale à laquelle l'homme ne peut échapper.
Par conséquent, le citoyen qui obéit aux lois civiles
voit sa subjectivité humiliée et domptée.
Loin d'agir selon son bon plaisir, il se soumet à des lois qui rabaissent le
principe de la subjectivité.
Dès lors, il semble qu'à ce niveau d'analyse également, l'obéissance aux lois réduise
l'homme en esclavage.
L'ordre universel des lois civiles dompte l'homme et l'asservit.
Cet ordre universel s'appuie sur
la violence du pouvoir d'État qui s'exerce à travers différents corps d'administration.
Les lois de l'État représentent
ainsi un pouvoir paraissant limiter nos libres penchants ; elles semblent, elles aussi, nous enchaîner et nous asservir,
faire de nous des esclaves, des animaux domestiques.
Dans la sphère civile et politique, la volonté générale, chère à Rousseau, volonté de tous faisant abstraction des
intérêts particuliers, peut aussi représenter un danger et un obstacle, puisqu'alors l'individu n'existe plus vraiment.
La liberté idéale tombe en poussière quand le citoyen obéit à une volonté où il ne se retrouve pas.
3.
Par la compréhension des lois (naturelles et sociales), on admet et on accepte la nécessité que l'on
utilise pour agir.
L'autonomie par compréhension de l'ordre des choses et obéissance à cet ordre.
Si les phénomènes s'enchaînent nécessairement, l'homme qui acquiesce à ces liaisons semble courbé, dira-t-on,
sous un aveugle destin.
0r cette vision paraît naïve et unilatérale.
Elle confond le fatalisme, qui enchaîne l'homme, et le déterminisme qui, au contraire, la libère.
Par le travail et la
technique l'homme peut, précisément, sans supprimer la légalité de la nature, sans tenter de lever la contrainte de
ses lois, se libérer par l'obéissance elle-même.
Hegel a fort bien analysé ce
processus par lequel l'homme, sans jamais changer en son fond la contrainte des lois de la nature, peut ruser avec
elle et, ainsi s'en rendre maître : C'est la ruse de l'homme : l'activité aveugle des forces naturelles dont on connaît
les lois, est mobilisée au service de l'homme.
Celui-ci, connaissant les lois et leur obéissant, laisse la nature s'user à
son profit.
La large face de la force est attaquée par la pointe fine de l'intelligence humaine.
Par l'utilisation des lois
naturelles, les hommes rusent.
Sans jamais éliminer cette légalité naturelle, ils la canalisent à leur profit.
Ainsi, pour
reprendre un exemple d'Alain, qui présente des idées fort semblables, l'homme avance contre le vent par la force
même du vent.
Il se libère par l'action, en dominant les choses.
Par le travail et la technique, l'homme domestique la
nature et construit sa liberté (se libère) ; il s'affranchit sans jamais s'attaquer à la légalité.
Il se rend maître de la
nature en lui obéissant.
L'affranchissement se réalise parce que l'homme, rusé, s'adjoint les lois naturelles comme
une médiation.
Hegel a donc fort bien saisi que l'obéissance aux lois permet la vraie liberté, celle qui est une
conquête et un affranchissement.
Engels, dans l'Anti-Dühring, reprendra, en des formules célèbres, ce même thème,
soulignant que la liberté n'est pas dans une indépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans la
connaissance de ces lois et dans le fait de leur obéir et de les mettre en oeuvre méthodiquement.
« Cela est vrai
aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l'existence physique et psychique de l'homme
lui-même » (Engels, Anti-Dühring).
A ce premier niveau d'analyse, paradoxalement, c'est donc la soumission qui
conditionne l'autonomie..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Spinoza Peut-on dire que la liberté est d'abord la reconnaissance de la nécessité ?
- La liberté est-elle d'abord la reconnaissance de la nécessité?
- Rousseau: «...Je n'imagine pas comment [les hommes] auraient jamais renoncé à leur liberté primitive et quitté la vie naturelle, pour s'imposer sans nécessité l'esclavage, les travaux, les misères inséparables de l'état social.»
- Stoïcisme: Liberté et nécessité
- La nécessité de travailler rend-elle la liberté humaine illusoire ?