Peut-on dire que ce sont les hommes qui font l'histoire ?
Extrait du document
«
DIRECTION DE RECHERCHE
• II est difficile d'admettre que « l'histoire » dont il s'agit ici est ce qu'on peut appeler « l'historiographie », les « études
historiques ».
• On ne peut pas non plus réduire le sujet au rôle possible des « grands hommes » bien que cette interrogation fasse «
partie » du sujet (c'est même dans la mesure où elle en est une partie qu'elle ne saurait constituer le tout).
• II y a lieu ici de relever l'ambiguïté de « font ».
On peut parfaitement soutenir que les hommes font l'histoire au sens où
ils seraient agents de l'histoire sans pour autant admettre qu'ils en sont les auteurs, les créateurs.
(Bien que «
comparaison ne soit pas raison », il est peut-être éclairant d'appréhender que les acteurs d'une pièce ne « font » pas la
pièce au même sens que l'auteur).
• Il y a sans doute lieu de distinguer le rôle différent (au moins en degré) que pourraient jouer les hommes (y compris «les
grands hommes ») dans les différents « lieux », les différentes « instances » de l'histoire.
Par exemple l'importance du rôle d'un « grand homme politique » peut-elle être identique dans l'instance économique et
dans l'instance politique ?
Il serait opportun également de s'interroger sur la notion de « grand homme ».
Qui dit qu'il est « grand » ? Pourquoi ?
Dans quelle(s) sphère(s) d'activité ?
• Peut-on être « un grand homme » sans certaines conditions ?
• Pour en revenir à la question tournant autour de l'élucidation de « font » peut-on dire que les hommes font l'histoire
alors même qu'ils ne sauraient pas l'histoire qu'ils font ?
Par exemple, ne pourrait-on en effet soutenir que « les hommes » certes ont des projets, et des projets « historiques »,
mais que les résultats de ces projets se contrecarrent si bien que le résultat final n'a rien à voir avec les différents projets
initiaux ?
INDICATIONS DE LECTURE
Le « matérialisme historique » étant, en quelque sorte, le centre de référence sur cette question (qu'on l'admette ou qu'on
le refuse) nous croyons opportun de citer le long texte suivant :
« Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d'abord, avec des prémisses et dans des conditions très
déterminées.
Entre toutes ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes.
Mais les conditions
politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes jouent également un rôle, bien que non
décisif...
Mais deuxièmement, l'histoire se fait de telle façon que le résultat final se dégage toujours des conflits d'un grand nombre
de volontés individuelles, dont chacune à son tour est faite telle qu'elle est par une foule de conditions particulières
d'existence...
C'est ainsi que l'histoire jusqu'à nos jours se déroule à la façon d'un processus de la nature et est soumise
aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu'elle.
Mais de ce que les diverses volontés — dont chacune veut ce
à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses
propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales) — n'arrivent pas à ce qu'elles veulent, mais se
fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n'a pas le droit de conclure qu'elles sont égales à
zéro.
Au contraire, chacune contribue à la résultante, et à ce titre, est incluse en elle.»
Extrait de : Engels, Études philosophiques, (Éditions sociales, p.
155).
(Les mots mis en relief (gras) le sont par nous).
• La Critique de la raison dialectique de Sartre.
• Leçons sur la philosophie de l'Histoire de Hegel (Vrin).
PROBLÉMATIQUE
Pouvons-nous agir sur l'avenir, ou sommes-nous déterminés à être ce que nous sommes ?
On peut remarquer que, dès notre naissance, nous sommes le produit de l'histoire de notre famille.
L'homme est ce qu'il
est parce qu'il naît dans une histoire : déterminé par son histoire personnelle, il l'est aussi par l'époque dans laquelle il vit.
C'est ce que pense Hegel : l'essence de l'homme est l'histoire.
L'homme est le produit des expériences historiques
passées.
L'homme n'est que le moyen de l'histoire, il en est le produit.
Il ne fait pas librement l'histoire.
Faut-il en conclure
que nous ne sommes que le produit de l'histoire ? Déterminé par son passé, l'homme n'est-il et ne sera-t-il que le produit
de ce passé, incapable de créer son avenir ? Ne peut-il pas, par la volonté, construire un projet ?
Certes, l'homme est le résultat de déterminations historiques.
Mais le réduire à cela, c'est oublier que l'homme est avant
tout un être de projet, libre de ses choix.
Il n'est déterminé que par lui-même : il n'y a pas d'histoire en dehors de l'homme
qui la fait.
L'histoire est ce que les hommes la font être.
C'est l'homme qui construit l'histoire et non l'inverse.
C'est
l'homme, la société, qui décident des valeurs au nom desquelles il faut, par exemple, faire la guerre.
C'est sur ce point que Marx a particulièrement insisté.
Pour lui, ce ne sont pas les idées qui font l'histoire, mais l'action
concrète des hommes qui travaillent.
Contrairement à Hegel, il pense que l'histoire n'est pas la réalisation de l'Esprit, mais
qu'elle s'effectue en fonction des modifications matérielles qui interviennent dans la vie.
Les individus agissent
collectivement : c'est l'action révolutionnaire des hommes qui fait l'histoire, une histoire qui se confond avec la libération de
l'homme aliéné.
Le matérialisme historique part donc des hommes réels, actifs : «Ce n'est pas la conscience qui détermine
la vie, c'est la vie qui détermine la conscience » écrit Marx.
Au contraire, les idéalistes séparent l'histoire des forces
productives, des données physiques, techniques, religieuses, etc.
L'homme n'est pas le résultat de circonstances qui le détermineraient absolument, mais, homme d'une époque, il est
totalement libre, dans cette époque et en tenant compte de son environnement, de faire l'histoire et son histoire.
L'homme
est ainsi indissociable de son histoire, tout comme l'histoire est indissociable de l'homme.
L'homme construit son histoire
en fabriquant sa vie par ses choix.
L'histoire n'est pas une réalité indépendante de l'homme.
Produit en un certain sens de
l'histoire, l'homme est producteur de lui-même.
C'est ainsi qu'il peut envisager la liberté de construire l'avenir et de faire
l'histoire..
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