Peut-on dire de l'artiste qu'il travaille ?
Extrait du document
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RAPPEL DE COURS: ART, TRAVAIL & GENIE
Dès l'antiquité, l'artiste est présenté comme un messager des dieux,
un être inspiré par les Muses ou un démon, et qui délivre leur
message obscur.
Cette théorie du poète inspiré se trouve déjà dans
Ion de Platon.
Le romantisme, dès la fin du XVIIIe siècle, reprend
cette idée en faisant de l'artiste un génie : le modèle en est Mozart.
Le génie crée des chefs-d'œuvres, mais sans savoir comment, sans
pouvoir l'expliquer.
On naît génial, mais on ne peut l'apprendre.
« Par
le génie, la nature donne ses règles à l'art », dit Kant ; l'artiste serait
le traducteur inconscient de puissances naturelles qui le dépassent,
et le témoin d'une communion de l'homme avec la nature.
Nietzsche critique cette théorie du génie comme effet de la
mauvaise foi, de la part de ceux qui ne veulent pas faire l'effort de
créer.
Valéry ou Edgar Poe se considèrent comme des artisans
capables d'expliquer la fabrication d'un poème.
Le débat demeure
pour savoir si l'art naît d'un pouvoir mystérieux, ou d'un travail lucide
et rationnel.
Analyse du sujet :
Ce sujet est posé sous la forme d'une interrogation totale : soit oui, l'on peut dire de l'artiste qu'il travaille, soit
non on ne peut pas dire que l'artiste travaille.
Notons d'ores et déjà que la question n'est pas : l'artiste
travaille-t-il ? En effet ici ce qui fait question ici, c'est la légitimité ou non de l'expression : « l'artiste
travaille ».
Se poser cette question souligne que l'expression « l'artiste travaille » est loin d'être une évidence,
autrement dit qu'elle fait problème.
Pour comprendre plus précisément ce qui fait problème, attardons-nous sur
les deux concepts qui sont ici en jeu : l'artiste et le travail.
L'artiste :
L'artiste se distingue de l'artisan et de l'ouvrier.
Sans développer ces distinctions dans le détail (Cela sera
l'objet d'un paragraphe ultérieurement), l'artiste est celui qui possède un certain art.
L'artisan aussi, mais à la
différence de ce dernier, l'artiste posséde une technique qui ne se base pas sur un savoir.
De plus il est celui
qui crée, et non produit ce qu'on appelle des oeuvres d'art de façon désintéressée.
En effet malgré le marché
de l'art, on ne peut pas dire que l'artiste crée pour l'argent, mais bien en vue de produire en l'autre
(spectateur pour la peinture ou auditeur pour la musique par exemple) un plaisir esthétique.
De plus, il est
courant de considérer l'artiste non pas comme un professionnel de l'art exerçant l'art comme une profession
sérieuse mais bien plutôt comme un individu exceptionnel s'adonnant à un jeu, autrement dit une activité qui
ne serait pas sérieuse – une activité oisive.
Cette oisiveté qui serait inhérente à sa pratique le distinguerait
de l'ouvrier, du travailleur.
Le travail, travailler :
Le terme travail vient du latin tripalium, trois pieux.
A l'époque de la Grèce antique, le travail est réservé aux
esclaves autrement dit il est considéré comme une tâche subalterne.
Autrement dit le travail est source de
peine.
Mais il est aussi producteur de valeurs.
En effet souvent le travailleur travaille en vue d'une
rémunération, d'un salaire qui correspond au temps et à l'effort de son travail.
Si le travail est souvent
connoté négativement (Cf l'idée d'une activité répétitive, éprouvante, aliénante, et effectuée sous la
contraine ( Ex : le travail en usine)), il peut être en revanche considéré comme le lieu et le moyen par
excellence de l'épanouissement, ainsi que comme un facteur d'identité.
Ainsi une des premières questions que
l'on pose généralement à un individu qu'on ne connaît pas porte sur sa fonction professionnelle.
Le fameux :
« que faites vous dans la vie ? » On le voit la double dimension contradictoire du travail qui serait à la fois
aliénant et épanouissant souligne l'ambivalence de ce concept.
Problématisation
De prime abord le concept de travail et d'artiste semblent radicalement s'opposer.
En effet on a souvent l'image de
l'artiste créateur adepte de « l'art pour l'art », autrement dit d'une activité désintéressée, oisive qui donc s'inscrirait
contre l'idée d'un travail laborieux, sérieux qui aurait pour unique fin celle de fournir un moyen de subsistance.
Cependant nous l'avons vu, l'autre dimension du travail est celle de l'épanouissement, de l'enrichissement en grande
partie due à la prise de conscience que le travail pour l'homme est ce qui lui permet d'informer la nature, tout du
moins de l'adapter.
En cela le travail n'est pas si éloigné que ça de la création.
En outre l'artiste inspiré, oisif n'est-il
que ça ? Ainsi le musicien avant de devenir ce qu'on appelle réellement un artiste, doit répéter, faire des gammes
etc...
Il en est de même pour tous les artistes que ce soit le peintre, le cinéaste...
Il faut répéter, imiter avant de
créer.
En outre il y a ce qu'on appelle un véritable marché de l'art qui fait transiter des sommes colossales.
Aussi le
désintéressement de l'artiste mérite-t-il d'être précisé.
On le voit l'expression « l'artiste travaille » n'est pas sans
poser question.
Dans quelle mesure donc l'activité de l'artiste peut-elle être considérée ( nous retrouvons ici le
« peut-on dire » de notre question initiale) comme un travail ?.
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