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Peut-on définir l'homme par la technique ?

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« Jean-Jacques Rousseau fait une généalogie de la progressions de la technique dans la vie humaine en fonction de l'appartition de nouvelles nécessités : "À mesure que le genre humain s'étendit, les peines se multiplièrent avec les hommes.

La différence des terrains, des climats, des saisons, put les forcer à en mettre dans leurs manières de vivre.

Des années stériles, des hivers longs et rudes, des étés brûlants, qui consument tout, exigèrent d'eux une nouvelle industrie.

Le long de la mer et des rivières, ils inventèrent la ligne et l'hameçon et devinrent pêcheurs et ichtyophages. Dans les forêts, ils se firent des arcs et des flèches et devinrent chasseurs et guerriers.

[...] Dans ce nouvel état, avec une vie simple et solitaire, des besoins très bornés et les instruments qu'ils avaient inventés pour y pourvoir, les hommes jouissant d'un fort grand loisir l'employèrent à se procurer plusieurs sortes de commodités inconnues à leurs pères ; et ce fut là le premier joug qu'ils s'imposèrent sans y songer et la première source de maux qu'ils préparèrent à leurs descendants ; car outre qu'ils continuèrent ainsi à s'amollir le corps et l'esprit, ces commodités ayant par habitude perdu presque tout leur agrément, et étant en même temps dégénérées en de vrais besoins, la privation en devint beaucoup plus cruelle que la possession n'en était douce, et l'on était malheureux de les perdre, sans être heureux de les posséder." Mais qu'est-ce que la technique ? La technique est un art humain qui consiste à une utiliser diverses méthodes en vue d'une modification de son environnement pour l'adapter à ses besoins ou même a ses désirs.

C'est un savoir faire capable d'améliorer les conditions de vie, de les facilités, de faire progresser l'homme.

La technique appartient-elle à la nature humaine ? Est-elle l'élément constitutif de la nature humaine, son être? Comment penser le rapport de l'homme à la technique? I.

Historiquement, on considère que l'homme, l'homo sapiens, est devenu réellement homme, c'est-à-dire s'est différencié de l'animal, lors de l'apparition de la technique comme le souligne Jacques Ellul (La Technique ou l'Enjeu du siècle, 1954) : « Historiquement, la technique a précédé la science, l'homme primitif a connu des techniques.

» C'est pourquoi la technique est au fondement de la nature humaine.

Mais si elle a un rôle clé dans l'émergence de l'humanité, peut-on dire pour autant qu'elle est l'essence de la nature humaine ? II.

La technique permet à l'homme d'étendre son pouvoir d'agir sur le monde, c'est pourquoi elle répond à un besoin naturel et fondamental, celui de domination des forces naturelles; c'est en ce sens que Marcuse (Culture et Société, 1965) écrit que « Ce n'est pas seulement son utilisation, c'est bien la technique elle-même qui est déjà domination (sur la nature et sur les hommes), une domination méthodique, scientifique, calculée et calculante.

» III.

La technique est donc ce qui permet à la nature humaine d'être, en acte, et non plus seulement en puissance, dans la mesure où celle-ci lui permet de se libérer de la nature et de s'élever au delà des nécessités matérielles, comme le souligne Bergson : "L'homme ne se soulèvera au-dessus de la terre que si un outillage puissant lui fournit le point d'appui.

Il devra peser sur la matière s'il veut se détacher d'elle.

En d'autres termes, la mystique appelle la mécanique.

On ne l'a pas assez remarqué, parce que la mécanique, par un accident d'aiguillage, a été lancée sur une voie au bout de laquelle étaient le bien-être exagéré et le luxe pour un certain nombre, plutôt que la libération de tous.

Nous sommes frappés du résultat accidentel, nous ne voyons pas le machinisme dans ce qu'il devrait être, dans ce qui en fait l'essence.

Allons plus loin.

Si nos organes sont des instruments naturels, nos instruments sont par là même des organes artificiels.

L'outil de l'ouvrier continue son bras ; l'outillage de l'humanité est donc un prolongement de son corps.

La nature, en nous dotant d'une intelligence essentiellement fabricatrice, avait ainsi préparé pour nous un certain agrandissement.

Mais des machines qui marchent au pétrole, au charbon, à la « houille blanche et qui convertissent en mouvement des énergies potentielles accumulées pendant des millions d'années, sont venues donner à notre organisme une extension si vaste et une puissance si formidable, si disproportionnée à sa dimension et à sa force, que sûrement il n'en avait rien été prévu dans le plan de structure de notre espèce : ce fut une chance unique, la plus grande réussite matérielle de l'homme sur la planète.

[...] Or, dans ce corps démesurément grossi, l'âme reste ce qu'elle était, trop petite maintenant pour le remplir, trop faible pour le diriger. D'où le vide entre lui et elle.

D'où les redoutables problèmes sociaux, politiques, internationaux, qui sont autant de définitions de ce vide et qui, pour le combler, provoquent aujourd'hui tant d'efforts désordonnés et inefficaces : il y faudrait de nouvelles réserves d'énergie potentielle, cette fois morale.

Ne nous bornons donc pas à dire, comme nous le faisions plus haut, que la mystique appelle la mécanique.

Ajoutons que le corps agrandi attend un supplément d'âme, et que la mécanique exigerait une mystique." La technique permet à l'homme d'effectuer en acte ce qui ne serait qu'en puissance, elle lui permet de s'accomplir, même si elle ne constitue pas l'être même de l'homme, son essence.. »

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