Peut-on définir ce qu'est un progrès technique ?
Extrait du document
«
La technique est l'ensemble des procédés qui, fondés sur la connaissance scientifique, permettent à l'homme d'agir
sur la nature.
Elle doit nous rendre, selon le mot célèbre de Descartes, « maîtres et possesseurs de la nature ».
Tel est le rêve
prométhéen qui définit largement la civilisation occidentale et a façonné le monde dans lequel nous vivons.
Non sans
poser toutefois un nombre croissant de problèmes que seule la soumission de la technique à l'éthique permettra de
véritablement résoudre.
Maîtres et possesseurs de la nature
En un passage célèbre de son Discours de la méthode, Descartes, plaidant pour lui-même et pour son ouvrage,
affirme qu'il est une science qui, loin de nous éloigner du monde, nous permet
de saisir celui-ci, d'agir sur lui et de nous rendre, selon une formule célèbre,
«maîtres et possesseurs de la nature».
Il écrit à la sixième partie de son
ouvrage :
«...
sitôt que j'ai eu acquis quelques notions générales touchant la
physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés
particulières, j'ai remarqué jusques où elles peuvent conduire et
combien elles diffèrent des principes dont on s'est servi jusqu'à
présent, j'ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher
grandement contre la loi qui nous oblige à' procurer autant qu'il est en
nous le bien général de tous les hommes.
Car elles m'ont fait voir qu'il
est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la
vie; et qu'au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans
les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la
force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des deux et de
tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que
nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions
employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres,
et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.
»
Ainsi que le faisait remarquer Etienne Gilson dans son commentaire de 1925 du
Discours de la méthode:
«Notre époque, marquée par le triomphe de l'ingénieur, serait chère au cœur de Descartes et rien ne l'y
passionnerait davantage que le nombre sans cesse accru des «automates» dont les hommes se servent
aujourd'hui.
»
Avec ce texte de Descartes — qui traduit la conviction de bien d'autres théoriciens de son temps —, le ton, en
effet, est donné.
La science, loin de s'enfermer en elle-même en des spéculations toujours plus éloignées du réel,
doit participer à la lutte de l'homme pour l'amélioration de son bien-être et la maîtrise de son environnement.
Le
progrès scientifique doit aller de pair avec le progrès technique.
Tel est le projet prométhéen qui largement définit la civilisation occidentale.
Il s'agit de voler le feu de la
connaissance pour alimenter à sa flamme les fourneaux de l'industrie.
La révolution industrielle et technique du XIXe siècle donnera un commencement de réalité à ce qui, du temps de
Descartes, ne pouvait être encore qu'un rêve ou un projet.
Avec le développement des connaissances, du savoirfaire et des structures économiques, la perspective semble désormais ouverte d'une humanité avançant sans fin sur
la voie du progrès des techniques et de l'amélioration corrélative des conditions de vie.
Telle est, par exemple, au tout début du XIXe siècle, la conviction du comte de Saint-Simon dont la pensée traduit
de manière significative le scientisme et l'optimisme de son temps.
Scientifiques et industriels doivent marcher la
main dans la main, car c'est à eux qu'appartient l'avenir radieux de l'humanité.
A condition que soient mises en place
les structures sociales justes et appropriées, l'homme, par la technique, pourra dominer la nature :
«Jusqu'à présent, les hommes n'ont exercé, pour ainsi dire, sur la nature que des efforts purement
individuels et isolés...
Il est certain, néanmoins, que, malgré cette énorme perte de forces, l'espèce
humaine est parvenue, dans les pays les plus civilisés, à un degré assez remarquable d'aisance et de
prospérité.
Qu'on juge, d'après cela, à quel point elle atteindrait s'il n'y avait presque aucune force perdue,
si les hommes, cessant de se commander les uns aux autres, s'organisaient pour exercer sur la nature des
efforts combinés, et si les nations suivaient entre elles le même système.
»
Le grand espoir du XXe siècle
L'évolution moderne n'a fait que confirmer les espoirs que le XIXe siècle avait placés dans le progrès technique.
Tout
individu vivant aujourd'hui dans un pays développé peut, par sa seule mémoire, mesurer les bouleversements
considérables qui ont été apportés au monde dans lequel il vit et à son existence la plus quotidienne.
Rappelons,
pour nous contenter de quelques évidences, qu'un homme né avec le siècle a vu l'invention de la télévision et de
l'ordinateur, de l'avion et de la fusée.
Comme l'écrit Louis Aragon :.
»
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