Peut-on croire à la liberté de l'homme et chercher à expliquer scientifiquement son comportement ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet
La croyance consiste en une attitude de l'esprit qui affirme quelque chose sans pouvoir en donner de preuves,
avec un degré plus ou moins grand de probabilité.
La croyance, définie ainsi, est alors synonyme d'opinion.
Pour Kant, croire constitue en réalité le milieu entre l'opinion et le savoir, distinguée de la conviction et de la
persuasion.
Dans un autre sens (pas tout à fait étranger), croire consiste en un assentiment de l'esprit à une vérité
transcendante, sans justification rationnelle.
Dans ce cas, elle est synonyme de foi.
La formule peut-on distingue de plan, à savoir celui-ci de la possibilité en droit et celle de fait (avoir la
capacité de).
En effet, si l'on arrive à étudier le comportement humain de manière scientifique, c'est-à-dire
d'une manière qui repose et qui mette au jour des principes universels à l'origine de comportements déterminés
(que l'on pensait libres), est-il encore seulement légitime de continuer à affirmer que l'homme est un être doué
de liberté ? De la même manière, cette explication scientifique, en tant qu'elle repose sur le principe que tout
ce qui est réel est nécessaire, ruine, dans la pratique, la possibilité de croire en la liberté humaine : une telle
explication désillusionnerait l'homme par rapport à lui-même de sorte qu'il ne serait plus désormais capable de
se penser comme un être libre.
Dans la sphère du droit ce qui va être à la question c'est la spécificité de l'homme : est-il chose parmi les
choses, au même titre et sur le même plan que l'ensemble qui compose la nature ? Dans la sphère du fait, ce
qui sera à la question c'est la nécessité de cette croyance : ne plus croire en la liberté de l'homme, n'est-ce
pas irrémédiablement tomber dans un fatalisme coûteux pour la pratique.
·
C'est le rapport aux sciences qui est interrogé : faut-il partir de principes pour expliquer tout le réel ou
au contraire partir du réel pour en déduire des lois, si tant est qu'elles puissent être déduites ? Cela revient
à remettre en question la légitimité à la fois de notre propre rapport aux phénomènes réels comme toujours
assignables à quelque chose qui les précèdent et celle du postulat de l'existence effective de ce qui est
objet d'expérience, et ainsi à lever l'éventuelle contradiction avec le postulat de liberté humaine.
·
En réalité, ce qui doit être ici mis en rapport c'est la science comme activité prétendant découvrir les
principes qui régissent nécessairement et universellement l'ensemble des phénomènes (parmi lesquels
l'homme), et la liberté en tant que celle-ci suppose la contingence (fait de pouvoir être autrement qu'il
n'est).
C'est donc, au fond, une pensée dialectique liberté/nécessité qui est ici en question à travers la
rationalisation scientifique du comportement humain.
Problématique
L'explication scientifique de l'homme, en tant qu'elle met à jour des principes tout à la fois universels et
nécessaires au fondement de nombre de conduites humaines, et la croyance de la liberté humaine, qui suppose que
tout ne soit pas déterminé (ni le sujet ni le monde dans lequel il s'insère) sont-elles exclusives l'une de l'autre ?
Adopter l'une, est-ce nécessairement renoncer à l'autre ? Comment une conciliation est-elle possible ?
Plan
I.
·
·
L'explication scientifique du comportement de l'homme rend impossible, voire
irrationnelle, la croyance en la liberté de l'homme
Dire que le monde est régit par des principes nécessaires correspond à une attitude « intellectuelle » qui
permet à fortiori de vérifier que tout ce qui est réel existe effectivement en acte (qu'il est donc nécessaire
dans un autre sens encore) : ainsi Leibniz, dans Discours de métaphysique (§ XII, « comment distinguer les
phénomènes réels des imaginaires ») montre que « l'indice le plus puissant de la réalité des phénomènes et
qui même suffit seul, c'est le succès dans la prédiction des phénomènes futurs à partir des phénomènes
passés et présents, que cette prédiction soit fondée en raison ou sur une hypothèse jusque-là couronnée
de succès ou qu'elle se fonde sur la coutume jusque-là observée.
» Comment donc pouvoir former quelque
juste prédiction si précisément tout ce qui est réel n'est pas nécessaire ? C'est bien parce qu'il l'est que l'on
peut en dégager des principes et des lois (qui vont au-delà du présent lui-même) qui deviennent par la
suite eux-mêmes universels et nécessaires.
A cet égard, l'exemple des projections dans le futur à l'échelle
d'une dizaine ou d'une vingtaine d'année, faites notamment par des sociologues, est significatif : nous
sommes capables d'affirmer, selon des paramètres clairement définis, combien de naissances, de décès, de
mort par suicide il pourra y avoir dans le futur à partir des phénomènes réels observés dans le passé et le
présent.
Ceci montre bien davantage à quel point notre mode de penser le réel semble justifié et même
condition de possibilité de toute connaissance juste du monde sensible dans lequel nous évoluons.
De la
même manière, Leibniz ajoute que même si Dieu était « trompeur » et que les phénomènes étaient à la vérité
non réels (par opposition à imaginaires), il avait pourtant fait en sorte qu' « ils s'accordent au moins entre
eux, il nous a garanti quelque chose d'équivalent, pour l'usage de la vie, à des phénomènes réels.
» De
toutes les façons, il nous semble que le réel se définit comme nécessaire en cela que « tout phénomène a
une cause » qui le fait nécessairement advenir.
Dès lors un nouveau problème apparaît : s'il faut du point de vue de la « raison théorique », pour qu'une
explication proprement scientifique de l'homme puisse se mettre en place, penser que tout ce qui est réel
est nécessaire, c'est-à-dire qu'il est le résultat d'un enchaînement causal lui-même nécessaire, « la raison.
»
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