Peut-on critiquer la puissance de la technique?
Extrait du document
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Vocabulaire:
TECHNIQUE
Tout ensemble de procédés pour produire un résultat utile.
La technique moderne s'appuie sur la science; mais elle
s'en distingue puisque la science est un effort pour expliquer ce qui existe tandis que la technique cherche à
produire ce qu'on souhaite qui soit — qui n'est pas.
La technique peut se définir comme un vouloir, incarné en un
pouvoir par l'intermédiaire d'un savoir.
Comme adjectif: par opposition à esthétique, qui concerne des procédés susceptibles d'être développés et transmis,
et non des dons ou capacités innées.
POUR DÉMARRER
Est-il possible et légitime de formuler des jugements d'appréciation défavorables sur le pouvoir des procédés
appliquant des connaissances scientifiques pour obtenir des résultats déterminés ?
CONSEILS PRATIQUES
Notez qu'il s'agit dans ce sujet de la puissance de la technique et non de celle-ci en général.
Le terme de critiquer
est, remarquez-le, ambigu : ce peut être examiner la valeur de.
Or, en ce sens, il est légitime de critiquer la
puissance de la technique.
Mais critiquer, c'est aussi porter un jugement défavorable.
Ici, ce n'est pas la puissance
de la technique qu'il faut critiquer, mais le vouloir défectueux de l'homme ou le mal-être d'une civilisation.
BIBLIOGRAPHIE
HEIDEGGER, Essais et conférences, La question de la technique, NRF-Gallimard.
S'il est un domaine où le progrès semble à la fois considérable et incontestable, c'est bien celui des techniques.
Quel chemin parcouru depuis la diligence portant les messages d'un bout à l'autre de la France, à Internet
permettant de joindre instantanément un correspondant situé à l'autre bout du monde! Compte-tenu du gain de
temps, d'efforts, de confort et d'argent, il semble bien difficile de trouver des motifs légitimes pour critiquer, au sens
de désapprouver et de condamner, le progrès technique.
Mais devant l'usage de certaines inventions, comme la
bombe atomique, on constate que la technique peut aussi réveiller ce que l'homme a en lui de plus bestial.
Dans ces
conditions, une critique, comprise cette fois comme un examen rationnel des conditions de légitimité du progrès
technique, s'avère nécessaire.
Mais comment la concevoir?
1.
Il est déraisonnable de critiquer le progrès technique en tant que tel.
• La technique est révélatrice d'une intelligence spécifiquement humaine.
Son progrès traduit la complexification de
cette intelligence.
La condamner reviendrait en ce cas à faire rétrograder l'homme pour le ramener au stade animal.
• On peut certes louer le retour aux techniques ancestrales.
Cela présente un intérêt historique, exotique voire
affectif, mais ne peut être généralisé d'un point de vue économique.
Le progrès technique fait gagner aux hommes
du temps, des efforts et de l'argent, et le libère pour la réflexion et les loisirs.
• Enfin, les quelques «ratés» du progrès technique, si ratés il y a, sont négligeables par rapport aux gains.
La mise
en circulation d'un nouveau Tramway à Bordeaux nécessite certes des réglages.
Mais ceux-ci sont infimes par
rapport au confort procuré aux habitants de la ville.
Cela signifie-t-il pour autant que le progrès technique n'a pas à être pensé ni contrôlé?
2.
L'usage de la technique doit être réglementé par l'éthique.
• L'intérêt pour les moyens ou le progrès en lui-même finit par prendre le pas sur l'examen de la finalité et de l'usage
possible de la technique.
On assiste alors à une extraordinaire perversion : c'est la technique qui se place en juge
de la morale et non l'inverse.
Ellul le souligne avec force dans le Système technicien : «La puissance et l'autonomie
de la technique sont si bien assurées que, maintenant, elle se transforme à son tour en juge de la morale : une
proposition morale ne sera considérée comme valable pour ce temps que si elle peut entrer dans le système
technique, si elle s'accorde avec lui ».
• L'histoire des techniques regorge d'exemples d'utilisations catastrophiques d'inventions signalant en elles-mêmes
un véritable progrès technique.
On pense par exemple au clonage, qui en tant que tel permettra de guérir des
maladies neurologiques actuellement incurables, mais que certains savants fous veulent utiliser pour reproduire à
l'identique des individus par définition singuliers.
• Une critique des conditions de légitimité du progrès technique est ainsi nécessaire pour rendre ce progrès
pleinement humain.
C'est ce que Jonas nomme le « principe de responsabilité ».
— La responsabilité à l'égard de l'humanité à venir est un principe.
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