Peut-on considérer que l'histoire est rationnelle ?
Extrait du document
«
Le mot « Histoire » désigne toute connaissance basée sur l'observation, la description de faits advenus dans le
passé.
Il y a lieu de distinguer entre l'histoire, récit véridique du passé, et l'Histoire, comme réalité historique,
totalité de ce qui a eu lieu et de ce qui aura lieu dans l'avenir.
Le terme « raison » provient du latin ratio, « calcul », « faculté de calculer », ce qui fait d'elle un mode de penser
propre à l'homme.
La raison s'oppose à l'intuition, en ceci qu'elle est la faculté de combiner des jugements, de
déduire des conséquences.
Mais elle s'oppose également à la passion ou à la folie, puisqu'elle permet de bien juger
et de distinguer efficacement le bien du mal, le vrai du faux.
Enfin, par raison, nous pouvons entendre une faculté
qui s'oppose par définition à la foi, dans la mesure où elle incarne ce bon sens naturellement présent dans tout
homme alors que la foi est une espèce de « lumière naturelle » distincte du bon sens.
Ainsi, dire de quelque chose
qu'elle est rationnelle signifie qu'elle est conforme à la raison.
Le verbe « considérer » désigne l'activité du jugement sur une chose, c'est-à-dire l'opinion formulée par quelqu'un
sur quelque chose.
Ainsi, en disant « Je considère que Jean a bien raison », j'émets un jugement sur la conduite de
Jean, je statue sur celui-ci en faisant part, en l'occurrence, de mon adhésion vis-à-vis de son comportement.
En posant la question « Peut-on considérer que l'histoire est rationnelle ? » nous cherchons en vérité à savoir si
l'histoire obéit aux règles de la raison, si son cours n'est pas insensé, mais au contraire ordonné, orienté, vers des
fins précises et identifiables.
Or, une telle thèse parait se heurter immédiatement à notre rapport instinctif à
l'histoire, qui n'est pas pour nous rationnelle, mais plutôt insensée, obéissant à un développement hasardeux et
chaotique.
Nous nous demanderons donc si l'histoire obéit à des règles rationnelles ou si, au contraire, l'histoire est entièrement
chaotique et soumise à la contingence.
I.
L'Histoire n'obéit à aucune raison
La pensée historique des antis lumières
Dans un premier temps, nous commencerons par soutenir la thèse qu'il est impossible de considérer que l'Histoire est
rationnelle.
En effet, tout un courant philosophique nommé les « Anti lumières » et étudié par l'historien des idées
Zeev Sternhell présente l'histoire comme un devenir non pas linéaire, progressif, et orienté en fonction de lois
rationnelles, mais au contraire comme un champ de forces ou s'affrontent les membres de l'humanité, dont la nature
n'évolue jamais au cours du temps.
Comme l'écrit Zeev Sternhell à propos de Herder, l'un des théoriciens de cette
doctrine :
« Herder était amené ainsi à s'opposer à la plus récente doctrine des lumières dont Voltaire était le champion.
Cette doctrine représentait l'histoire comme un affrontement constant entre la raison et toutes les forces qui lui
sont opposées, et la jugeait en fonction de la « perfection » atteinte par le XVIIIe siècle.
De même Herder ne
pouvait que s'opposer à la vision optimiste d'un progrès continu du genre humain.
Toutes ces doctrines étaient
enracinées dans la vieille conception du droit naturel, et de l'existence d'une nature humaine de tout temps égale à
elle-même».
Les antis lumières, Zeev Sternhell.
L'histoire, un déchaînement de forces n'obéissant à aucune raison
A la lumière de cette théorie, nous pouvons dire que l'histoire n'est pas rationnelle, n'obéit nullement à la raison,
mais qu'elle est au contraire le théâtre d'un devenir chaotique, ou des évènements contingents se produisent, de
sorte qu'il est impossible d'y distinguer la moindre progression raisonnable.
L'œuvre littéraire du marquis de Sade
donne toute sa portée à cette thèse : dans l'Histoire de Juliette, Sade dresse des listes impressionnantes
récapitulant toutes les débauches, tous les vices et toutes les atrocités commises par les hommes.
Or, ce qu'il faut
bien remarquer, c'est que la violence a cours partout, dans tous les pays, dans toutes les époques, de sorte qu'elle
parait omniprésente dans le temps aussi bien que dans l'espace.
Nous dirons donc que l'on ne peut considérer que
l'Histoire est rationnelle, puisqu'elle ne peut que nous paraître le théâtre de la folie et de la cruauté humaine.
II.
L'Histoire est profondément rationnelle
La raison est à l'œuvre dans l'Histoire….
»
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