Peut-on considérer l'homme lui-même comme une espèce naturelle ?
Extrait du document
«
Introduction
-L'homme est, selon la définition d'Aristote, un "animal rationnel".
-Or, ces deux caractérisations sont contradictoires en soi, puisque l'animalité fait référence au monde des sens et
donc du devenir, tandis que la rationalité évoque l'accès possible à un monde peuplé de vérités éternelles.
-L'homme ne saurait donc n'être qu'une espèce naturelle, à part si son accès même à des vérités éternelles ne
constituait qu'une fonction vitale parmi d'autres.
-Ainsi, comment concilier les deux termes de la définition d'Aristote ? L'aspect métaphysique de l'homme est-elle due
à une fonction particulière de sa naturalité constitutive ? Ou bien est-ce au contraire sa nature proprement
métaphysique qui contraint l'homme à se définir selon un paradigme biologique ?
I.
L'homme est un animal métaphysique, en ce qu'il appartient à deux mondes opposés, ceux du devenir
et de l'être éternel (Aristote).
-L'homme a seul la capacité de s'étonner de ce que les choses sont ce qu'elles sont, de ce que rien ne va de soi :
la philosophie vient de cet étonnement et de cette curiosité initiaux, qui dépassent toute naturalité possible en ce
qu'ils sont portés vers un monde qui dépasse précisément le monde du devenir naturel.
-L'âme humaine est constituée de trois parties différentes dans leur essence : les deux premières parties
(végétative et sensible) sont communes aux autres êtres vivants ; mais seul l'homme possède la partie intelligible,
par laquelle il peut accéder à des principes inconditionnés et absolus.
L'homme est donc un animal métaphysique, du
fait de la constitution spécifique de son âme ; il ne se réduit ni à une espèce naturelle, ni à une entité purement
métaphysique.
Dans un passage de la « Métaphysique » (Livre A, chapitre 2), Aristote explique l'origine
de la philosophie et le but qu'elle poursuit.
« Ce qui à l'origine poussa les hommes aux premières
recherches philosophiques, c'était, comme aujourd'hui, l'étonnement .
» L'admiration et
l'incompréhension devant le monde poussent l'homme à chercher à comprendre et à rendre
compte de ce qui l'entoure.
Ainsi naît la philosophie, qui n'a d'autre but que de tendre à expliquer
le monde.
Dans ce passage de la « Métaphysique », Aristote reprend l'enseignement de son maître.
En effet, Platon écrit dans le « Théétète » : « il est tout à fait d'un philosophe, ce sentiment :
s'étonner.
La philosophie n'a point d'autre origine… »
L'étonnement, pour les Grecs, est donc l'origine véritable de la recherche philosophique.
L'étonnement consiste en l'arrêt admiratif devant une chose que l'on ne comprend pas.
Le mot
n'est pas à comprendre au sens moderne cad la stupéfaction devant quelque chose d'inhabituel.
Le sens commun, la plupart des hommes ne s'étonnent que devant un phénomène
extraordinaire, qui échappe à la routine, et dont il est clair qu'on ne le comprend pas, qu'on ne peut
le classer dans les rubriques habituelles.
Or les phénomènes les plus communs ne sont pas les
plus connus, tant sen faut, et le sentiment de connaître ce que l'on voit souvent n'est qu'une
illusion.
L'étonnement qui frappe le philosophe concerne n'importe quelle chose, aussi banale
soit-elle en apparence.
C'est d'abord l'admiration devant la nature, et l'aveu de son
incompréhension devant ses mécanismes.
« Or apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est
reconnaître sa propre ignorance […] ainsi donc ce fut pour échapper à l'ignorance que les
premiers philosophes se livrèrent à la philosophie.
»
Les exemples que donne Aristote sont éclairants ; les premières recherches se concentrèrent sur les objets à notre portée, puis les
phases lunaires, puis le cours du Soleil, puis la formation de l'Univers.
Deux points sont remarquables :
Þ
D'une part, la philosophie n'est pas ici séparée de la science ; les exemples de recherches philosophiques
sont des exemples qu'on qualifierait aujourd'hui d'astronomiques.
En fait la séparation de la science d'avec
la philosophie est très tardive.
Elle date du XVIII ème siècle, et tous les grands noms de la philosophie
furent aussi, jusqu'à cette époque au moins, des grands noms des sciences.
Þ
D'autre part, l'étonnement e s'exerce pas sur des choses extraordinaires, mais tout simplement devant
ce qui est, et dont la nature nous offre chaque jour le spectacle comme la course du Soleil, les marées,
etc.
La philosophie essaie, tente, de rendre compte de ce qui est.
C'est-à-dire de l'expliquer.
Soit
simplement en en énonçant les mécanisme, soit en essayant d'en donner le sens.
On en arrivera ainsi à
des questions dites métaphysiques : « Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » (Leibniz).
Enfin, si la philosophie, selon Platon, commence par l'aveu de l'ignorance, son but est de faire cesser celle-ci.
Son but est la connaissance.
Aristote insiste sur ce point essentiel, sur l'image que la science et la philosophie se font d'elles-mêmes : « Il est évident qu'ils poursuivaient la
science pour savoir, et non en vue de quelque autre utilité.
»
Les philosophes recherchent le savoir pour le savoir et non pour une quelconque utilité pratique immédiate.
Cela ne veut en aucun cas dire que la
philosophie n'a aucun intérêt.
Mais d'abord, qu'elle n'a pas pour but de satisfaire un besoin, qu'il soit vital ou de confort.
C'est la preuve que
donne Aristote : « Presque tous les arts qui regardent les besoins et ceux qui s'appliquent au bien-être, étaient connus déjà quand on commença à
chercher les explications de ce genre.
» C'est quand les problèmes urgents de la vie sont résolus, que l'on se lance dans les sciences ou la
recherche.
La philosophie n'est donc pas une discipline asservie, liée aux nécessités vitales ou à la recherche d'un confort matériel.
Elle est une
activité libre, qu'on exerce pour son propre plaisir, pour son intérêt intrinsèque.
En clair, c'est une activité libre parce que désintéressée.
« Ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit une discipline libérale, puisque seule elle est à elle-même sa propre fin.
Aussi est-ce encore à bon droit qu'on peut qualifier de plus qu'humaine sa possession.
».
»
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