Peut-on connaître l'inconscient ?
Extrait du document
«
Situé hors du champ de la conscience, l'inconscient échappe à toute pensée consciente.
Comment donc ce qui
échappe à la conscience pourrait-il être objet de connaissance, puisque toute connaissance présuppose
nécessairement une conscience de l'objet à connaître ?
Pourtant, la psychanalyse fait de l'inconscient un objet d'étude qu'elle analyse à travers diverses manifestations :
rêves, actes manqués ou encore maladies mentales.
La question de la possibilité de la connaissance de l'inconscient
ne trouvera sa réponse qu'au terme d'un examen attentif des moyens de connaissance que propose la psychanalyse
et d'une appréciation critique de la valeur théorique de cette connaissance.
L'inconscient ne se confond pas avec l'inconscience du corps, qui désigne une absence constitutive de conscience
(on parlera de l'inconscience de la matière, des objets inanimés ou encore des mouvements corporels involontaires
comme l'instinct ou le réflexe).
Le concept d'inconscient se définit d'abord par rapport à l'âme et non par rapport au
corps.
C'est donc un phénomène psychique (du grec psyché : âme) dont Leibniz avait signalé l'existence en
reconnaissant que l'âme renferme, en deçà des perceptions claires et distinctes, des perceptions obscures et
confuses, des perceptions « insensibles » dont la conscience ne s'aperçoit pas en pensant.
Ainsi, par exemple, l'âme
perçoit le bruit de la mer mais sans avoir conscience du bruit particulier de chaque vague qu'elle perçoit pourtant
nécessairement d'une manière indistincte pour pouvoir percevoir le bruit total de la mer.
Ces perceptions insensibles
de l'âme sont dites alors inconscientes, néanmoins efficaces et agissantes dans une partie obscure du psychisme.
Cette localisation de l'inconscient au sein même du psychisme soulève une première difficulté : comment connaître
ce qui échappe à l'observation ? Sa connaissance ne pourra donc pas être descriptive comme celle d'un objet
physique ou d'un mouvement corporel que l'on peut constater et dont on peut déterminer la nature, les propriétés
et les lois.
L'acte de connaître suppose, en effet, que l'objet de connaissance soit non seulement donné mais encore
qu'il puisse être saisi dans sa vérité.
Peut-on franchir ce premier obstacle épistémologique (du grec epistêmê : connaissance, science) en ayant recours
à la méthode psychologique de l'introspection ?
L'introspection, méthode d'observation des faits psychique, permet au sujet de connaître ses états de conscience,
parfois même les plus obscurs.
Permet-elle de connaître l'inconscient ?
Si on entend par inconscient l'ensemble des perceptions confuses ou obscures de l'âme, au sens de Leibniz, on peut
penser que par un travail réflexif de soi sur soi, par un effort d'attention, certaines perceptions pourront devenir
conscientes et faire l'objet d'une connaissance.
Ainsi, l'âme renferme des perceptions insensibles que la conscience
attentive peut connaître.
La mémoire, l'attention permettent à ces perceptions inconscientes de devenir
conscientes, c'est-à-dire claires et distinctes, rendant possible une connaissance de soi.
Freud opère une distinction dans le psychisme entre le préconscient et l'inconscient.
Les phénomènes inconscients ne relèvent pas du préconscient et ne sont pas seulement des phénomènes plus ou .
moins obscurs ou confus en raison de la faiblesse de nos facultés de connaissance.
L'inconscient devient un lieu psychique autonome par rapport à la conscience et au préconscient.
« La division du
psychique en un psychique conscient et un psychique inconscient constitue la prémisse fondamentale de la
psychanalyse » (Freud, Essais de psychanalyse).
Cette scission entre la conscience et l'inconscient constitue le
second obstacle épistémologique qui semble insurmontable, puisque l'inconscient se définit par son caractère
d'inaccessibilité qui s'explique par le contenu original des représentations inconscientes.
En effet, l'inconscient
comprend l'ensemble des représentations qui sont, par nature, inaccessibles à la conscience en raison de leur
caractère inavouable (comme certains de nos désirs) ou douloureux (comme les événements traumatiques).
Ce caractère inaccessible des phénomènes inconscients résulte de ce que Freud appelle le processus de
refoulement.
Le refoulement est un processus de maintien hors de la conscience des représentations inacceptables.
En ternies
dynamiques.
Freud appelle inconscient ce qui est refoulé par une « censure ».
Sain ou pathologique, le sujet ne sait pas ce qu'il refoule, car la censure n'est pas un mode de répression conscient
et volontaire.
L'inconscient reste, pour la conscience, inconnaissable, par nature, et non en raison d'une mauvaise
foi du sujet qui ne voudrait pas reconnaître ce qui lui déplaît (comme Sartre le soutiendra).
L'inconscient devient
donc un lieu interdit.
Le refoulement inconscient constitue un troisième obstacle épistémologique puisqu'il introduit une dynamique
contradictoire entre l'intention de connaissance du sujet et le mouvement de maintien hors de la conscience des
phénomènes inconscient.
La conséquence de cette contradiction entre le processus de refoulement constitutif de l'inconscient et l'acte de la
conscience cognitive, c'est l'ignorance complète dans laquelle se trouve le sujet qui ne peut ni décrire ni découvrir
par introspection son être le plus intime.
Si le sujet ignore tout de son propre inconscient, le psychanalyste ne peut-il pas le connaître en reconnaissant et
en analysant ses manifestations ?
Pour qu'il y ait connaissance, il faut nécessairement que l'objet de la connaissance se présente dans l'expérience.
Si
l'inconscient, c'est le refoulé, cela suppose d'abord une tendance naturelle de l'inconscient à se manifester.
Freud
remarquera ainsi que l'inconscient se manifeste dans la vie quotidienne : actes manqués (lapsus, oublis) et rêves, et
dans la vie pathologique : névroses et psychoses.
Ces diverses manifestations lui font connaître le principe .
qui gouverne l'inconscient : le principe de plaisir..
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