Peut-on connaitre l'inconscient?
Extrait du document
«
• La psychanalyse freudienne accorde une grande importance à l'étude des rêves, des lapsus et des actes
manqués, qu'elle considère comme des manifestations travesties de l'inconscient.
• Certains philosophes nient
l'existence de l'inconscient.
Alain, par exemple, y voit une dangereuse valorisation de nos pulsions et de nos
instincts, tandis que Sartre lui substitue la notion de mauvaise foi.
Situé hors du champ de la conscience, l'inconscient échappe à toute pensée consciente.
Comment donc ce qui
échappe à la conscience pourrait-il être objet de connaissance, puisque toute connaissance présuppose
nécessairement une conscience de l'objet à connaître ?
Pourtant, la psychanalyse fait de l'inconscient un objet d'étude qu'elle analyse à travers diverses manifestations :
rêves, actes manqués ou encore maladies mentales.
La question de la possibilité de la connaissance de l'inconscient
ne trouvera sa réponse qu'au terme d'un examen attentif des moyens de connaissance que propose la psychanalyse
et d'une appréciation critique de la valeur théorique de cette connaissance.
L'inconscient ne se confond pas avec l'inconscience du corps, qui désigne une absence constitutive de conscience
(on parlera de l'inconscience de la matière, des objets inanimés ou encore des mouvements corporels involontaires
comme l'instinct ou le réflexe).
Le concept d'inconscient se définit d'abord par rapport à l'âme et non par rapport au
corps.
C'est donc un phénomène psychique (du grec psyché : âme) dont Leibniz avait signalé l'existence en
reconnaissant que l'âme renferme, en deçà des perceptions claires et distinctes, des perceptions obscures et
confuses, des perceptions « insensibles » dont la conscience ne s'aperçoit pas en pensant.
Ainsi, par exemple, l'âme
perçoit le bruit de la mer mais sans avoir conscience du bruit particulier de chaque vague qu'elle perçoit pourtant
nécessairement d'une manière indistincte pour pouvoir percevoir le bruit total de la mer.
Ces perceptions insensibles
de l'âme sont dites alors inconscientes, néanmoins efficaces et agissantes dans une partie obscure du psychisme.
Leibniz dans l'Essai sur l'entendement humain lorsqu'il évoque les petites perceptions.
Il montre ainsi que notre
perception consciente est composée d'une infinité de petites perceptions.
Notre appétit conscient est composé d'une infinité de petits appétits.
Qu'estce qu'il veut dire quand il dit que notre perception consciente est composée
d'une infinité de petites perceptions, exactement comme la perception du
bruit de la mer est composée de la perception de toutes les gouttes d'eau ?
Les passages du conscient à l'inconscient et de l'inconscient au conscient
renvoient à un inconscient différentiel et pas à un inconscient d'opposition.
Or, c'est complètement différent de concevoir un inconscient qui exprime des
différentiels de la conscience ou de concevoir un inconscient qui exprime une
force qui s'oppose à la conscience et qui entre en conflit avec elle.
En
d'autres termes, chez Leibniz, il y a un rapport entre la conscience et
l'inconscient, un rapport de différence à différences évanouissantes, chez
Freud il y a un rapport d'opposition de forces.
"D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une
infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion,
c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous
apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites ou en trop
grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à
part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se
faire sentir au moins confusément dans l'assemblage.
C'est ainsi que
l'accoutumance fait que nous ne prenons pas garde au mouvement d'un
moulin ou à une chute d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps.
Ce n'est pas que ce
mouvement ne frappe toujours nos organes, et qu'il ne se passe encore quelque chose dans l'âme qui y réponde, à
cause de l'harmonie de l'âme et du corps, mais ces impressions qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des
attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, attachées à des
objets plus occupants.
Car toute attention demande de la mémoire, et souvent quand nous ne sommes plus
admonestés pour ainsi dire et avertis de prendre garde, à quelques-unes de nos propres perceptions présentes,
nous les laissons passer sans réflexion et même sans être remarquées ; mais si quelqu'un nous en avertit incontinent
après et nous fait remarquer par exemple, quelque bruit qu'on vient d'entendre, nous nous en souvenons et nous
nous apercevons d'en avoir eu tantôt quelque sentiment (...).
Et pour juger encore mieux des petites perceptions
que nous ne saurions distinguer dans la foule, j'ai coutume de me servir de l'exemple du mugissement ou du bruit de
la mer dont on est frappé quand on est au rivage.
Pour entendre ce bruit comme l'on fait, il faut bien qu'on entende
les parties qui composent ce tout, c'est-à-dire les bruits de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne
se fasse connaître que dans l'assemblage confus de tous les autres ensemble, c'est-à-dire dans ce mugissement
même, et ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait était seule." Leibniz, Nouveaux Essais sur
l'entendement humain
Cette localisation de l'inconscient au sein même du psychisme soulève une première difficulté : comment connaître
ce qui échappe à l'observation ? Sa connaissance ne pourra donc pas être descriptive comme celle d'un objet
physique ou d'un mouvement corporel que l'on peut constater et dont on peut déterminer la nature, les propriétés
et les lois.
L'acte de connaître suppose, en effet, que l'objet de connaissance soit non seulement donné mais encore.
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