Peut-on connaître les autres consciences ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
CONNAÎTRE / CONNAISSANCE: 1.
— Être familier de quelqu'un ou quelque chose.
2.
— Discerner, distinguer
quelque chose : « Le premier et le moindre degré de connaissance, c'est d'apercevoir » (CONDILLAC) 3.
— Posséder
une représentation de quelque chose, en part.
une représentation exacte.
4.
— Connaissance: a) Acte par lequel un
sujet s'efforce de saisir de saisir et de se représenter les objets qui se présentent à lui.
b) Résultat de cet acte.
La conscience vient du latin conscientia, qui signifie « accompagné » (cum) de « savoir » (scire).
Être conscient
signifie donc que lorsque l'on sent, pense, agit, on sait que l'on sent, pense ou agit.
Mais il convient de distinguer la
conscience directe ou immédiate, qui accompagne ainsi tous les actes du sujet, de la conscience réfléchie,
conscience qui se saisit elle-même comme conscience.
La première consiste à « avoir conscience », tandis que la
seconde consiste à « être conscient d'avoir conscience ».
Le passage de l'un à l'autre serait le fait de « prendre
conscience ».
Si la conscience est sujet et en tant que telle inobjectivable, si elle est toute intériorité et inobservable, c'est,
remarque Sartre, qu'on n'y accède jamais de l'extérieur.
C'est le cas aussi bien pour la conscience d'autrui : elle
n'est ni constatable, ni observable directement.
On en est toujours réduit à inférer des expressions de l'autre (ses
attitudes, ses gestes, ses paroles) la présence d'une conscience en lui : aucun sujet conscient n'expérimente
directement les vécus de conscience d'un autre sujet.
La bonne volonté d'autrui à délivrer des signes et la capacité
de chacun à en interpréter le sens fixent les bornes de toute psychologie d'observation.
Certes, on peut poser en
principe d'une psychologie comportementale qu'une conscience se connaît à partir de ses conduites constatables ou
de faits mentaux qu'on analysera comme tout autre fait.
Cela revient à nier en un sens le fait de conscience, en
tout cas à considérer qu'il ne saurait servir de principe à une science positive.
C'est d'ailleurs là un principe de ce
courant de la psychologie qu'est le béhaviorisme dont la version la plus radicale, défendue par John B.
Watson, et
par certains neurobiologistes et défenseurs des sciences cognitives contemporains, réduisent les faits dits
psychiques à une interaction entre l'organisme et le milieu.
A moins qu'on ne soutienne avec Husserl, que la conscience d'autrui m'est accessible en ceci que les hommes
forment originellement une communauté de consciences, une intersubjectivité.
Celle-ci est subordonnée à
l'expérience que chacun peut faire de l'autre comme étant un alter ego, un autre moi ; autre certes, mais même que
moi précisément parce qu'il est comme moi, un sujet, une conscience douée d'une volonté et capable de liberté, et
de ce fait une personne digne de respect.
Si je me demande comment des corps étrangers comme tels, c'est-àdire des animaux et d'autres hommes en tant que tels, sont donnés
dans mon expérience et comment ils peuvent l'être dans le cadre
universel de ma perception du monde, alors la réponse est celle-ci :
mon corps propre joue dans ce cadre (...) le rôle du corps primordial
dont dérive l'expérience de tous les autres corps ; et ainsi je ne cesse
d'être pour moi et mon expérience l'homme primordial dont
l'expérience de tous les autres hommes dérive son sens et sa
possibilité perceptive (...).
La perception d'un corps organique étranger est perception pour autant
que je saisisse précisément l'existence de ce corps comme étant
immédiatement là «en personne».
Et de la même façon l'autre homme
en tant qu'homme est là pour moi dans la perception.
J'exprime en
effet sa présence perceptive immédiate en l'accentuant au maximum
en disant justement: ici devant moi se trouve donné en chair et en os
un homme.
Ce n'est pas une déduction, quelque pensée médiate qui
conduit à la position de la corporéité étrangère et de mon semblable
(...).
Dans le cas de ce dernier [mon corps propre], nous l'avons vu, le corps
organique en tant qu'il est un être physique est perçu de manière
originaire mais aussi l'être psychique qui s'y incarne, et tel qu'il
s'incarne.
Ce psychisme n'est-il pas le mien propre? Par contre, le
corps psychophysique étranger est sans doute perçu dans mon environnement spatial et de façon tout
aussi originaire que le mien ; mais il n'en va pas de même du psychique incarné en lui.
Il n'est pas
réellement et proprement donné lui-même mais simplement visé conjointement avec lui par
apprésentation.
HUSSERL.
Je rentre chez moi.
Il est tard.
Je vois un homme dans l'entrée à qui j'adresse un «bonsoir».
Personne ne me répond
et je m'aperçois que ce que j'avais pris pour un homme n'était qu'un porte-manteau chargé d'habits.
Descartes nous
avait bien dit que seul un échange de paroles pouvait nous donner la certitude de la présence d'autrui.
Husserl
reprend cette problématique, mais à un niveau plus primordial: quand j'ai cru reconnaître cet homme dans l'entrée,
quelle fut l'opération de conscience qui m'a donné, ne serait-ce qu'un instant, l'évidence d'une présence humaine ?
C'est ainsi qu'il examine les présupposés de la perception du corps de l'autre..
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