Peut-on concilier la raison et la religion ?
Extrait du document
«
La foi se passe de la raison.
«Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point [...] C'est le coeur qui
sent Dieu et non la raison.
Voilà ce que c'est que la foi.» Pascal, Pensées
(1670).
• Pascal distingue deux modes de connaissance.
La raison «connaît» sur le
mode conceptuel et argumentatif, comme dans les mathématiques.
Mais Dieu
échappe à ce mode de connaissance.
Il serait vain, pour Pascal, de prétendre
en démontrer l'existence.
C'est le coeur qui «sent» Dieu.
La foi est donc une
connaissance immédiate et trop subtile pour pouvoir être argumentée.
• La raison peut néanmoins être mise au service de la foi, de façon indirecte:
c'est la célèbre théorie du «pari» pascalien, visant à convertir les incroyants.
II montre que l'homme a beaucoup à gagner en croyant, et, réciproquement
qu'il n'a rien à gagner en en croyant pas.
Il est donc, en pratique, raisonnable
de croire en Dieu, même si ce n'est pas rationnel, et n'a pas besoin de l'être.
La raison rejoint la croyance religieuse.
«Que la Loi divine invite à une étude rationnelle et approfondie de l'univers,
c'est ce qui apparaît clairement dans plus d'un verset du Livre de Dieu.» Averroès, L'Accord de la religion et de la
philosophie (1179).
• Les tentatives pour allier rationalité et religion n'ont cependant pas manqué.
Le philosophe musulman Averroès en
est un représentant.
Et il relève, à l'appui de ses dires, les nombreux passages du Coran qui incitent à la
connaissance.
Ainsi, pour lui, la connaissance scientifique du monde ne peut pas être contraire à ce que dit le Livre
de Dieu, car «la vérité ne peut contredire la vérité».
S'il y a des différences apparentes, elles tiennent au fait que le
texte religieux est fait pour être accessible à tous; tandis que la science, qui montre les vérités sans voile ni
métaphore, nécessite une éducation approfondie.
• Parmi les philosophes médiévaux qui se sont attachés à mettre la raison au service de la foi, il faut citer aussi
saint Anselme, qui a proposé la
«preuve ontologique» de l'existence de Dieu (qui sera reprise par Descartes): celle-ci consiste à dire que, Dieu étant
défini comme l'«être maximum», celui qui a toutes les qualités poussées
à leur plus haut degré de perfection, son existence fait nécessairement partie de sa définition.
Car l'existence est
une plus grande perfection que la non-existence.
La raison démontre donc que Dieu existe.
La raison nous montre que la religion est une illusion.
«[Les idées religieuses] sont des illusions, la réalisation des désirs les plus
anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité; le secret de leur
force est la force de ces désirs.» Freud, L'Avenir d'une illusion (1927).
• Pour Freud, il ne suffit pas de dire que la religion est une erreur, qui décrit
de manière erronée la réalité et donne aux prêtres un ascendant illégitime sur
les gens assez crédules pour les croire.
La religion a une force propre, celle du
désir.
Elle est, comme l'ensemble des comportements humains, une des
manifestations de la libido.
Pour Freud, la croyance en un Dieu providentiel
est une projection de la figure paternelle, qui permet de se prémunir contre
les angoisses rencontrées dans la réalité.
La religion est une pathologie, une
névrose obsessionnelle, qui nous maintient dans un stade infantile et dont il
faut se délivrer pour parvenir à l'âge adulte.
• La critique freudienne est à double tranchant, car elle permet aussi de voir
que certaines critiques de la religion reproduisent, au nom de la science et de
la liberté de penser, les mécanismes qu'elles croient critiquer.
Ce qui se
prétend «discours rationnel» n'est souvent pas moins dogmatique et pas
moins symptomatique de certains désirs et angoisses que la religion.
« Ainsi je suis en contradiction avec vous lorsque, poursuivant vos
déductions, vous dites que l'homme ne saurait absolument pas se passer de la consolation que lui apporte l'illusion
religieuse, que, sans elle, il ne supporterait pas le poids de la vie, la réalité cruelle.
Oui, cela est vrai de l'homme à
qui vous avez instillé dès l'enfance le doux -ou le doux et amer- poison.
Mais de l'autre, qui a été élevé dans la
sobriété? Peut-être celui qui ne souffre d'aucune névrose n'a-t-il pas besoin d'ivresse pour étourdir celle-ci.
Sans
aucun doute l'homme alors se trouvera dans une situation difficile; il sera contraint de s'avouer toute sa détresse,
sa petitesse dans l'ensemble de l'univers; il ne sera plus le centre de la création, l'objet des tendres soins d'une
providence bénévole.
Il se trouvera dans la même situation qu'un enfant qui a quitté la maison paternelle, où il se
sentait si bien et où il avait chaud.
Mais le stade de l'infantilisme n'est-il pas destiné à être dépassé? L'homme ne.
»
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