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Peut-on apprendre à mourir ?

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« -Apprendre vient du latin apprehendere, signifiant d'abord prendre, saisir.

Mais comment saisir un événement qui met fin à la vie, insaisissable parce qu'une fois arrivé, on ne peut plus en témoigner ? -En effet, la mort, c'est ce qui met fin à la vie : la mort est absence de vie, et est, par là, ouverte à tous les mythes, parce qu'elle appartient avant tout au domaine de l'inconnu. -Cette mort peut provoquer la fascination, mais le plus souvent, la crainte.

Que l'on songe à cette représentation du personnage de la mort qui vient chercher le mourant avec sa faucille, ou aux transis du XVème siècle, représentant la mort comme une douleur.

On parle souvent de la mort par euphémisme, par métaphore, par crainte de l'affronter.

Ce fait, qui nous concerne tous, et dont la conscience nous confère notre humanité, est donc insaisissable : on en connaît les manifestations physiques, mais que se passe-t-il dans l'âme du mourant ? Dès lors, ce champ de l'inconnu fait émerger toutes sortes de crainte...

Or, comme le rappelle La Fontaine dans La Mort et Le Mourant, « Le plus semblable au mort meurt le plus à regret ». -Doit-on pour autant ignorer la mort, parce que sa crainte nous empêche de vivre une vie apaisée ? Mais n'est-ce pas là nier notre humanité – l'être humain se différenciant des animaux par la conscience de sa finitude ? -Se pose alors la question de notre rapport à la mort : nous en avons conscience, mais que faire de cette conscience ? Quel est le rapport de la mort et de la sagesse ? Le sage ne se définit-il pas par un rapport particulier à la mort ? Y a-t-il un art de mourir, comme il y a un art de vivre, et d'ailleurs, apprendre à mourir, n'est-ce pas avant tout apprendre à vivre ? Sans cet apprentissage, quelles sont les conséquences suscitées par la crainte de la mort, pourquoi une approche sage de la mort s'avère-t-elle être nécessaire ? -Il y a une double temporalité dans cette approche de la mort : s'il y a apprentissage de la mort, il y a celui, à long terme, au cours de la vie, et celui de la mort imminente, du moment effectif où, par différents signes physiologiques, on sait que l'on va bientôt mourir. I) Pourquoi apprendre à mourir ? Quel est notre rapport « naturel » à la mort ? -On ne peut pas nier la mort : la nier, ce serait nier notre humanité : on ne peut se voiler la face. -Le plus souvent, face à la mort, il y a un sentiment de crainte que l'on essaie de dissimuler.

Il suffit de lire les avis de décès dans un journal : « Il nous a quittés », « Il a rejoint le ciel », « Il est passé de l'autre côté du miroir »...

Il y a donc une crainte certaine à prononcer le mot même de mort. -Notre rapport naturel à la mort est donc une crainte, une passion qui peut être mauvaise parce qu'excessive, au sens qu'elle nous empêche de vivre normalement : un sentiment excessif de crainte vis-à-vis de la mort irait donc à l'encontre de la sagesse, puisque le terme de sagesse s'applique avant tout à une modération dans les actes et les sentiments.

Mais cette crainte ne nous empêche-t-elle pas de vivre bien ? Comment profiter de la vie si l'on pense sans cesse à son terme ? -Pourtant, il n'y a pas lieu de craindre la mort.

Car selon Epicure, dans sa Lettre à Ménécée, la mort est absence de sensations.

Pourquoi donc craindre une douleur que nous ne ressentons pas ? (« La mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation et que la mort est absence de sensation.

Par conséquent, si l'on considère avec justesse que la mort n'est rien pour nous, l'on pourra jouir de sa vie mortelle.

[...] Le mal qui nous effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mort n'est pas là et lorsque la mort est là nous n'existons pas.

») Dans la Lettre à Ménécée, Épicure conduit une réflexion opposée à celle du platonisme : elle s'en tient à un strict matérialisme.

La mort n'est pas une évasion de l'âme, elle est un pur non-être qui ne nous concerne en rien, puisque vivants, nous appartenons à l'être.

"Tout bien et tout mal résident dans la sensation ; or, la mort est la privation complète de cette dernière." Ensuite, sachant que notre durée de vie est limitée, nous serons heureusement pressés de jouir raisonnablement des biens de la vie.

La pensée de la mort dissipe l'angoisse d'une vie illimitée, en laquelle nous aurions à choisir et agir en vue de l'éternité.

Pour l'existence humaine, l'éternel n'est jamais en jeu : il n'y a rien de si grave qui mérite un souci sans limites.

De plus, les dieux immortels, qui jouissent d'une béatitude infinie, ne se soucient pas des affaires humaines.

Si la mort n'est rien pour nous, nous ne sommes, mortels, rien pour les dieux : leur jugement n'est pas à craindre.

Il ne faut donc se soucier ni de la mort elle-même, ni de l'attente de son heure.

Une chose absente ne peut nous troubler, et quand la mort advient, c'est que déjà nous ne sommes plus là pour en souffrir.

L'homme ne rencontre jamais sa propre mort, et le "passage" est aussi irréel et inconsistant que l'instant présent qui sépare le passé du futur.

La mort n'est rien, comme le pur instant présent, sans passé ni avenir : "La mort n'a par conséquent aucun rapport avec les vivants, ni avec les morts, étant donné qu'elle n'est rien pour les premiers, et que les derniers ne sont plus." La mort ne doit être pensée ni comme un mal, ni comme une délivrance. Si ne pas exister n'est pas un mal, la vie comporte des joies qui peuvent être très agréables.

Vivre sagement, ce n'est pas chercher à jouir le plus longtemps possible, mais le plus agréablement qu'il se peut. La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : la crainte de la mort.

Les hommes ont peur de la mort.

Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dans l'absolument inconnu.

Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles ne. »

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