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Peut-on appliquer la loi de manière injuste ? (Pistes de réflexion seulement)

Extrait du document

« Il y a quelque paradoxe à soutenir que l'on peut appliquer la loi de manière injuste.

Ordinairement, l'injustice se conçoit en effet plutôt comme une infraction à la légalité.

La loi ne peut-elle pourtant Pas être injuste dans la manière dont elle est mise en oeuvre et imposée? À côté de l'injustice par défaut de loi n'existerait-il pas une injustice par excès de légalité? Il faut, pour pouvoir analyser correctement cette difficulté, préciser préalablement la nature du rapport entre les notions de loi et de justice.

Dans un sens très général est juste ce qui arrive et devait arriver.

Pour parler de justice, il faut donc se référer à une norme qui énonce ce qui doit être.

Dans la Bible par exemple, les «justes» sont des hommes dont la vie est parfaitement conforme à la volonté de Dieu.

On peut donc voir dans la notion de justice le caractère de ce qui est conforme à la loi, qu'il s'agisse de la loi humaine ou divine. Dans ces conditions, l'application de la loi est par définition toujours juste.

Mais la justice peut s'entendre plus précisément comme une norme d'égalité.

En ce sens, la justice concerne essentiellement un mode de répartition (de biens, de peines, de charges, de droits...): la répartition est dite «juste» lorsqu'elle n'est pas arbitraire et respecte une certaine proportion, un même rapport.

Ainsi, si l'on estime que chacun doit recevoir une même part, il est injuste que certaines parts soient plus grosses que d'autres; si l'on pense plutôt que chacun doit recevoir selon son mérite, il sera injuste que certains reçoivent la même chose alors qu'ils ne le méritent pas également.

C'est cette conception distributive de la justice qui est en jeu ici dans la discussion aristotélicienne de l'équité.

Si en effet la justice consiste toujours à assurer qu'un même rapport de proportion soit respecté dans ce qu'un groupe distribue à ses membres, son application exige alors la prise en considération de la qualité du sujet auquel elle s'applique: son état, sa situation, ses droits, son mérite, ses aptitudes...

Par définition, le souci d'égalité réclame la comparaison des cas.

La seule forme de justice pouvant s'appliquer de manière quasi aveugle est celle arithmétique qui donne à chacun, quel qu'il soit, la même chose.

Mais cette forme très radicale de justice est en réalité difficilement applicable de manière systématique dans une société complexe qui admet nécessairement un certain nombre d'inégalités, en particulier de pouvoirs (politique, économique, judiciaire, médical, professoral...) et de richesses.

Il faut alors recourir au principe d'une égalité proportionnelle (ou géométrique) pour rendre compatible la répartition de ces inégalités avec un principe d'égalité.

Or cette forme de justice ne peut, comme on l'a dit, s'appliquer de manière aveugle. Il est donc tout à fait possible pour la loi d'être appliquée de manière injuste si aucun de ses représentants ne prend le soin d'examiner si son application ne crée pas, par exemple, des conséquences plus dommageables à certains individus qu'à d'autres, en raison de la situation particulière de chacun.

La véritable fonction d'équité est assurée par le juge qui est lui toujours directement confronté aux réclamations d'individus concrets et aux situations particulières auxquelles la loi doit s'adapter pour rester juste, c'est-à-dire égale pour tous. La loi dit ce qui est juste.

Peut-on appliquer injustement, c'est-à-dire utiliser, mettre en pratique ce qui dit le juste ? On pose ici la question de savoir si l'application du droit met à l'abri de l'injustice. – Première Partie: l'application de la loi est injuste lorsque la loi est appliquée stricto sensu, c'est-à-dire en faisant abstraction des circonstances.

L'injuste, c'est alors le non-ajusté à la particularité du cas.

C'est pourquoi l'équitable, tout en étant juste, ne l'est pas conformément à la loi : c'est comme une amélioration de ce qui est juste selon la loi, car toute loi est générale.

Le général, en raison de sa généralité, comporte de l'erreur.

L'équité corrige la loi. Pour Aristote, le mot injuste peut se prendre de plusieurs façons.

Est injuste «celui qui viole les lois, celui qui prend plus que sa part et méconnaît l'égalité : il est donc clair que sera juste celui qui observe les lois et celui qui respecte l'égalité ; par conséquent le juste sera légalité et égalité ; l'injuste, illégalité et inégalité ». "Comprenons donc en combien de sens se dit l'homme injuste.

On considère généralement comme étant injuste à la fois celui qui viole la loi, celui qui prend plus que son dû et enfin celui qui manque à l'égalité, de sorte que de toute évidence l'homme juste sera à la fois celui qui observe la loi et celui qui respecte l'égalité (...). Puisque, disions-nous, celui qui viole la loi est un homme injuste, et celui qui l'observe un homme juste, il est évident que toutes les actions prescrites par la loi sont, en un sens, justes : en effet, les actions définies par la loi positive sont légales, et chacune d'elles est juste, disons-nous.

Or les lois prononcent sur toutes sortes de choses, et elles ont en vue l'utilité commune (...).

Mais la loi nous commande aussi d'accomplir les actes de l'homme courageux (par exemple, ne pas abandonner son poste, ne pas prendre la fuite, ne pas jeter ses armes), ceux de l'homme tempérant (par exemple, ne pas commettre d'adultère, ne pas être insolent), et ceux de l'homme de caractère agréable (comme de ne pas porter des coups et de ne pas médire des autres), et ainsi de suite pour les autres formes de vertus ou de vices, prescrivant les unes et interdisant les autres, tout cela correctement si la loi a été ellemême correctement établie, ou d'une façon critiquable, si elle a été faite à la hâte. Cette forme de justice, alors, est une vertu complète, non pas cependant au sens absolu, mais dans. »

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