Peut-on aimer sans passion ?
Extrait du document
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La passion a été pendant longtemps tenue pour négative.
L'étymologie même du terme a une connotation négative.
Le terme passion en effet du latin patior, pati qui signifie souffrir, pâtir.
Les passions semblent donc s'opposer à
nous de manière involontaire.
La tradition philosophie les a souvent vues comme un obstacle à la liberté.
La question
semble sous ce jour paradoxale puisque la majorité des philosophes ont conseillé et essayé de vivre sans passion.
Mais justement si beaucoup ont essayé, c'est peut être parce que l'homme est un être de passion et qu'il est
impossible pour lui de s'en débarrasser.
La passion n'a-t-elle pas un aspect positif? N'a-t-il pas autre chose à faire
avec les passions que de vouloir les supprimer?
La passion est aliénation et doit être supprimée
La passion désigne une affection durable de la conscience, qui s'installe et se fait centre de tout.
Des philosophes,
tels que Descartes ou Platon, situe la passion comme causé par le corps et l'oppose à la raison.
Ils voient donc dans
la passion la servitude et la souffrance de l'homme.
"La passion [est] comme un poison avalé ou une infirmité
contractée : elle a besoin d'un médecin." Kant (Anthropologie d'un point de vue pragmatique)
"Si l'émotion est une ivresse, la passion est une maladie, qui exècre toute
médication, et qui par là est bien pire que tous les mouvements passagers de
l'âme."
Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, 1798.
On associe souvent le mot passion à tous les éléments de la vie affective.
Or,
Kant établit ici une distinction de nature entre les émotions proprement dites
et la passion.
Les émotions constituent une expérience intense, excessive.
L'esprit est submergé, interdit, paralysé par la joie ou la tristesse.
Mais cet
état ne dure pas longtemps et passe de lui-même, contrairement à la passion
qui dure, et qui se montre ainsi incapable de se réguler elle-même.
La
différence entre émotion et passion s'interprète ici comme le passage du
normal au pathologique.
Le critère d'évaluation est ici le temps.
Dès le début de la philosophie, les auteurs ont essayé de vivre sans passion.
Ainsi les stoïciens considéraient les passions comme des maladies de l'âme.
Pour eux les hommes qui sont en proie au désir et à la passion ne sont pas
des hommes libres.
Les passions sont des jugements erronés dus à l'ignorance
ou au mépris de la raison et caractérisent une âme faible.
Epictète affirmait
que "la reconnaissance de la nécessité fait passer du régime de la passion à
celui de la raison, de l'ignorance à la connaissance." Le sage donc tel que le voient les stoïciens doit être indifférent
aux désirs et aux passions
"La passion est un ébranlement de l'âme opposé à la droite raison et contre nature" Cicéron
L'homme est passion
Pourtant il ne semble pas si facile de se défaire d'une passion et c'est peut être pour cela qu'un grand nombre de
philosophes a essayé de montrer une voie pour y arriver.
C'est que la passion est inhérente à la nature humaine.
La réhabilitation des passions commence avec Descartes pour qui "elles sont toujours bonnes de leur nature", étant
donné qu'elles ont une fonction naturelle qui est de "disposer l'âme a vouloir les choses que la nature nous dicte
utiles et à persister en cette volonté" (Traité des passions).
De plus avec Hegel, la passion perd son caractère passif pour devenir une énergie spirituelle.
En effet, toute
l'énergie du vouloir y est rassemblée en un but.
Le vouloir tend à une fin unique et y subordonne tout.
Or c'est à ce
prix que l'individu quelque chose de valable "l'homme qui produit quelque chose de valable y met toute son énergie".
Prise dans ce sens , la passion est créatrice de l'histoire et de l'avenir.
Sans elles, aucune action ne serait
accomplie, elles sont le moteur de l'histoire.
"Nous devons dire d'une façon générale que rien de grand ne s'est
accompli dans le monde sans passion" (Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire).
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