Peut-on accorder une valeur positive à l'oubli ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet
Eléments de définition
Oubli =
1) Au sens usuel et général, effacement normal, momentané ou définitif des souvenirs.
En tant que phénomène
psychologique, l'oubli peut être d'écrit comme le négatif de la mémoire et par conséquent être compris en fonction
des différentes conceptions de la mémoire.
2) Selon les théories physiologiques ou biologiques de la mémoire, l'oubli se définit par la disparition, dégradation ou
des destruction des traces mnésiques.
3) Selon les théories qui admettent que l'expérience vécue se conserve intégralement, l'oubli serait le résultat d'un
processus ou d'une force qui empêche provisoirement l'évocation ou la reconnaissance des souvenirs.
Pour Bergson, l'oubli résulte de la sélection des souvenirs qui sont utiles à l'action présente d'un sujet.
(Matière et
Mémoire)
Pour Freud, l'oubli est compris à partir du processus du refoulement.
Il n'est donc jamais l'effet d'une simple
dégradation des traces mnésiques, mais il est toujours symptomatique du fonctionnement de l'appareil psychique.
(Psychologie de la vie quotidienne)
4) Nietzsche propose une conception originale de l'oubli : il en fait « une faculté d'inhibition active, une faculté
positive dans toute la force du terme.
» (La Généalogie de la morale)
Angles d'analyse
® Pour les massacres commis sous nos yeux en silence, nous exigeons un devoir de mémoire : comme si garder à
l'esprit la présence de la barbarie pouvait nous empêcher de la laisser se reproduire à nouveau.
C'est qu'il y a en
effet une force, une puissance de l'oubli : il est comme le Léthé, le fleuve qui emporte aux Enfers, dans le royaume
des morts, et qui efface les traces du souvenir.
Mais quand le traumatisme empêche la vie, n'est-ce pas sagesse
que de savoir oublier ?
® Au premier sens du mot, vertu signifie la force physique, le courage, la sagesse.
On parle de vertu « curative »,
par exemple, à propos d'une chose qui renferme un principe susceptible d'avoir des effets sur une pathologie.
Il
s'agira donc ici de définir en quel type de vertu consiste l'oubli s'il est bien une vertu de la pensée.
® Nous serons nécessairement amener à définir l'essence, la nature et la fonction de l'oubli, afin, précisément, de
pouvoir donner une juste réponse à la question.
De la même manière, il est tout à fait concevable de dire qu'il y a
une vertu de l'oubli, sans pour autant affirmer qu'il s'agit d'une vertu de la pensée.
La pensée elle-même devra donc
être expliciter dans sa définition contextuelle.
Car si par pensée on appelle conscience, peut-être alors y a-t-il
obstacle à définir l'oubli comme positif.
Problématique
L'homme a la faculté de se souvenir, mais celle-ci est indissociable de la faculté d'oublier.
Or l'oubli est le plus
souvent conçu comme un défaut, une faiblesse ou une perte.
Imaginez alors à l'inverse l'exemple d'un homme qui
n'aurait pas du tout la faculté d'oublier, qui se souviendrait de tout (Cf.
l'analyse de Nietzsche ci-dessous).
Analysez
ce que deviendrait son existence et expliquez alors pourquoi cet idéal se révèle en fait un enfer...
Vous pourrez ainsi
reprendre l'analyse de l'oubli en vous demandant si celui-ci est nécessaire ou si au contraire il est ce que combat
tout travail de mémoire.
L'oubli, dans ce qu'il comporte d'ignorance et d'inconscience, peut-il être considéré comme un acte positif de la
pensée, en tant qu'il sera curateur ou bénéfique pour la vie d'un sujet ? Il faut donc s'interroger sur la fonction de
l'oubli tout autant que sur sa nature.
Appartient-il à la pensée en tant que telle ? En quel sens peut-on et même
doit-on entendre « valeur positive » ? Un travail de définition rigoureux est ici requis.
Plan
1) La force de l'oubli : effacement et absence
L'oubli et la mort = Dans L'Antiquité grecque, Léthée est une divinité, l'Oubli, qui donne son nom ai fleuve qui sépare
le Tartare (le fond des Enfers) et les Champs Elysées (là où séjournaient les âmes vertueuses) : durant leur trajet,
les âmes boivent de ses eaux pour oublier les circonstances de leur vie ; celles qui sont destinées à une nouvelle
existence terrestre y boivent pour perdre tout souvenir de la mort.
L'oubli est ainsi ce qui garantit la séparation entre la vie et la mort en évitant que le souvenir de la vie ne vienne
hanter les morts, et que le souvenir de la mort ne soit un obstacle à la vie.
L'oubli a donc une « vertu » au sens
premier de ce mot : une force (virtus) ; force d'effacement, disparition, il est comme une seconde mort.
Ainsi, même
lorsqu'il est ce qui fait seulement défaut, ce qui manque, comme lorsqu'une idée m'échappe au moment où je voulais
l'exprimer, c'est un sentiment de perte que laisse l'oubli derrière lui.
Le redoublement = Pourtant, le propre de l'oubli est que nous ne savons pas ce que nous avons oublié, justement
parce que nous l'avons oublié : s'il est involontaire, si je ne sais pas ce que j'ai perdu, ce qui me manque m'échappe
doublement, puisque je ne sais pas même ce qui me manque..
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