Peut-on accepter l'idée de progrès et celle d'une fin de l'histoire ?
Extrait du document
«
Peut-on alors accepter l'idée de progrès ? et alors aussi une fin de l'histoire ?
NOTE: Témoin de la victoire de Napoléon à Iéna, Hegel écrit dans une lettre: "Je vis l'empereur, cette âme du
monde, traverser à cheval les rues de la ville." Ce que Hegel admire en Napoléon, c'est le fondateur de l'Etat
moderne.
Pour lui, l'Etat est une fin indispensable de l'organisation humaine, c'est grâce aux Institutions étatiques
que les hommes peuvent devenir des citoyens libres et rationnels.
Progrès suppose transformation, et cette transformation suppose une fin voulue par un être conscient ou par une
collectivité.
Cette fin doit avoir une valeur, c'est-à-dire permettre une amélioration.
• Le progrès technique ? mais un progrès qui procède par mutations et non de façon continue, linéaire, comme le
souligne Claude Lévi-Strauss : « le progrès n'est ni nécessaire ni continu ; il procède par bonds, ou, comme diraient
les biologistes, par mutations.
Ces sauts et ces bonds ne consistent pas à aller toujours plus loin dans la même
direction ; ils s'accompagnent de changement d'orientation, un peu à la manière du cavalier des échecs qui a
toujours à sa disposition plusieurs progressions mais jamais dans le même sens.
L'humanité en progrès ne ressemble
guère à un personnage gravissant un escalier, ajoutant par chacun de ses mouvements, une marche nouvelle à
toutes celles dont la conquête lui est acquise ; elle évoque plutôt le joueur dont la chance est répartie sur plusieurs
dés et qui chaque fois qu'il les jette, les voit s'éparpiller sur le tapis, amenant autant de comptes différents.
Ce que
l'on gagne sur un, on est toujours exposé à le perdre sur l'autre, et c'est seulement de temps à autre que l'histoire
est cumulative, c'est-à-dire que les comptes s'additionnent pour former une combinaison favorable » (Race et
Histoire).
• On peut, comme M.
Merleau-Ponty, penser que le progrès n'est pas
nécessaire.
On constate bien des progrès dans les sciences et les
techniques, mais cela signifie-t-il perfectionnement universel ? « L'homme ne
relève pas d'une nature biologique qui rendrait compte de ses actes, et il
n'est pas davantage le fruit d'une nature spirituelle qui garantirait le
développement des vertus intellectuelles et morales contrairement à
l'humanisme traditionnel.
Le progrès n'est pas fatal, il n'est pas nécessaire.
»
• Ce qui ressort des différents points appréhendés ici est la chose suivante :
d'un côté, il y a progrès, mais l'homme est l'instrument de l'histoire ou soumis
à un nouveau culte ; de l'autre, le progrès n'est pas fatal, le sens est
incertain, tout est risque, mais l'homme est libre.
Nietzsche pensait que l'histoire est une pourvoyeuse de valeurs mortes : « La
conscience historique nourrit le sentiment de culpabilité, maladie incurable,
qui interdit la santé et la création.
» (H.
Lefebvre, La Fin de l'Histoire.) On
peut dépasser cette vision nihiliste de l'histoire en pariant sur une fin de
l'histoire telle que la pensait déjà Kant : l'amélioration est possible grâce à
l'éducation, elle n'est pas certaine.
Ainsi, on peut accepter l'idée de progrès
et donc de fin de l'histoire si cela signifie « la fin de l'oppression [...].
Elle ne
signifie pas qu'il n'y aurait plus d'événements, ou que tous les amoureux
seraient nécessairement heureux, tous les enfants doués, tous les humains
bons et beaux.
Elle ne signifie pas, non plus, qu'après la fin de l'histoire, il ne
puisse plus y avoir de tragédies et de souffrances pour l'individu : au contraire, l'individu est défini par le fait qu'il
est toujours exposé aux conflits, aux déceptions, à ce qui menace toujours un être qui ne serait plus homme s'il ne
dépendait plus que de lui-même.
Mais les malheurs de l'homme libre et raisonnable dans un monde libre et
raisonnable seront ses propres malheurs : encore dans la tragédie, c'est soi-même qu'il accomplira, lui-même qui
s'accomplira, ce sera sa tragédie, non celle des circonstances, des conditions, des forces extérieures [...].
La fin de
l'histoire ne signifie pas qu'aucun homme ne sera malheureux ; elle signifie que le malheureux aura voulu son malheur
et que tout homme, à seule condition de le vouloir (non de le souhaiter ou de le rêver), sera heureux, parce que rien
ne l'empêchera de vouloir l'être » (Éric Weil, La Fin de l'Histoire).
Volonté - Liberté - Responsabilité : à ces trois
conditions, l'idée de progrès est acceptable..
»
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