Peut-on accepter la loi de la majorité si l'on refuse la loi du plus fort ?
Extrait du document
«
Discussion :
La question posée sous-entend que la majorité implique un rapport de force avec la minorité et que par conséquent
c'est elle qui détient le pouvoir.
Mais ne peut-on pas être en majorité tout en étant soumis à une minorité ? La loi du
plus fort ainsi n'aurait rien à voir avec la quantité mais plutôt avec ses moyens d'actions.
Tout le monde se voit
contraint à accepter la loi de la majorité puisque chaque individu se trouve en minorité par rapport au pouvoir
politique, par exemple.
Mais cependant l'obéissance à la majorité est un choix puisqu'elle découle d'un vote
démocratique.
Suggestion de plan :
Première partie : La majorité des faibles
Dans le Gorgias de Platon, Calliclès affirme que la loi est un artifice arbitraire.
Elle traduit une morale d'hommes
faibles qui préfèrent la mort à la vie ; elle est faite par la multitude des faibles, dans leur propre intérêt, contre les
forts ; elle ne prône l'égalité que pour abaisser les forts au même niveau que les faibles.
Le droit véritable devrait se
fonder sur la loi réelle et immuable de la nature, qui est la loi des hommes libres et forts.
Telle est la vue du sophiste
Calliclès qui se plaît alors à imaginer un homme suffisamment doué pour secouer, briser, rejeter toutes les chaînes de
la loi positive et fouler au pied les textes écrits.
Cet homme-là, dit-il, qui agirait au nom du « droit de nature »
assimilable à sa force et qui briserait le joug de la loi, serait une espèce de surhomme, un être exceptionnel, s'il en
est.
Il réaliserait la domination du puissant sur le faible.
"Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.
C'est donc en fonction
d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils
répartissent des blâmes.
Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être
supérieurs.
C'est pour empêcher que ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est
injuste, d'avoir plus que les autres et que l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.
Car, ce qui plaît
aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux à de tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs.
Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en se
référant à la loi.
Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus
que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort.
Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne,
chez toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités !
Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste.
De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit la
guerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son
père ont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par
Zeus, à la loi de la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous
!
Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge,
comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en
faisons des esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et
juste.
Mais, j'en suis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire
en miettes et s'en délivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos
enchantements, et aussi toutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave,
se redressait et nous apparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de
tout son éclat."
PLATON, Gorgias, 483b-484a, trad.
Canto, Garnier-Flammarion, 1987, pp.
212-213.
(1) allusion à la seconde guerre médique conduite par Xerxès, roi des Perses, qui envahit la Grèce en 480 av.
JC
Le discours de Calliclès (Gorgias 483b - 484a)
Introduction
Calliclès entend pratiquer une critique " généalogique " des lois en débusquant le type de vie qui se dissimule
derrière leur apparente impartialité..
»
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