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Peut-on à la fois être libre et passionné ?

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« VOCABULAIRE: PASSION: * Ce que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.

Chez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à l'âme.

Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire. * Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse). POUR DÉMARRER Est-il possible d'accéder à une capacité d'autodétermination et à une autonomie de choix en expérimentant une passion, c'est-à-dire une affection durable de la conscience, si puissante qu'elle s'installe à demeure et se fait centre de tout ? Ne suis-je pas, dès lors, sous le joug de cette affection ? La question posée semble donc a priori énigmatique. CONSEILS PRATIQUES N'oubliez pas que toute une tradition classique (le stoïcisme, etc.) voit dans la passion un phénomène subi et passif.

La liberté ne consiste-t-elle pas à s'assurer la maîtrise des passions ? Au contraire, Sartre assure que nous sommes entièrement libres dans nos passions.

La liberté n'est pas seulement fille de la raison.

Par ailleurs, la passion permet parfois de mener à bien une oeuvre.

Donc elle n'exclut pas la liberté. BIBLIOGRAPHIE HEGEL, La raison dans l'histoire,10/18-UGE. KANT, Anthropologie du point de vue pragmatique, Vrin. SARTRE, L'existentialisme est un humanisme, Nagel. 74 Quelles questions se poser? - Peut-on : S'agit-il de la possibilité seulement, ou également du droit? C'est davantage la possibilité qui fait problème ici et, en posant cette possibilité, on pose aussi une possible légitimité des passions si elles ne suppriment pas la liberté humaine. - À la fois : Quelle est la place de cette expression dans le sujet? C'est une place centrale : le sujet n'est pas « peut-on être libre et passionné? », ce qui nous ferait interroger seulement les places respectives de la passion et de la liberté, séparément.

Ici, on demande si elle peuvent coexister sans s'exclure. - Libre et passionné : N'y a-t-il qu'un seul sens pour chaque notion? Non justement, c'est la possibilité de plusieurs sens qui permettra d'envisager plusieurs réponses.

Selon que l'on conçoive la liberté et la passion de telle ou telle manière, elles vont s'exclure ou bien se concilier. Synthèse En quoi la passion semble-t-elle être un modèle de liberté au point qu'on ne pourrait qu'être à la fois libre et passionné ? En quoi une autre conception de la liberté exclut-elle la passion? N'y a-t-il pas cependant certaines formes de passions conciliables avec cette liberté ? Introduction Notre jugement sur les passions hésite entre l'éloge, qui fait de la passion le modèle de la liberté, et la condamnation pure et simple : la passion serait une liberté illusoire.

Le problème est de savoir s'il n'existerait pas différentes passions, certaines pouvant se combiner avec la liberté et d'autres non. 1) La passion comme modèle de La liberté. a) La liberté apparaît d'abord comme licence Satisfaction illimitée des désirs, expression de soi. La théorie la plus classique qui définit la liberté comme absence de contraintes et libre jeu des passions est celle de Calliclès, sophiste du ive siècle av.

J.C., adversaire acharné de Socrate.

Définissant l'impossibilité du bonheur dans l'état de servitude et d'esclavage à l'égard d'un autre ou des autres, il préconise la culture des passions et des désirs que l'on doit multiplier et accroître en nombre et en intensité pour les satisfaire lorsqu'ils atteignent leur plus haut degré.

Si la répression et la maîtrise de ses instincts, volontés, désirs, pulsions de vie engendrent tristesse et douleur, l'épanouissement et le plein éclat des forces de vie, ainsi que de notre puissance, nous réalisent dans le plaisir et la volupté.

Cette culture de la force vitale est un art véritable, réservé à peu de gens.

L'opprobre général auquel un tel mode de vie donne lieu l'atteste largement.

Les disciples d'Epicure n'ont-ils pas été par la suite traités de pourceaux ? Notre lâcheté et notre faiblesse nous font préférer la tempérance, la mesure et la justice.

Pour quelques caractères d'exception qui en ont le courage et la force, la liberté consiste à vivre dans le luxe, l'incontinence et les passions démesurées. b) La passion est le désir illimité - excessif et exclusif - montrant que l'homme n'est pas limité au besoin.

Définir la passion comme désir, au-delà du simple besoin. c) La passion permet donc à l'homme d'être Libre.

Seul l'homme passionné serait libre.

Telle est La revendication de Calliclès.

La liberté serait inséparable de La passion : on ne peut qu'être à la fois libre et passionné, la passion conditionnant la liberté et la liberté rendant possible la passion. Le discours de Calliclès. "Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.

C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent des blâmes.

Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.

C'est pour empêcher que ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres et que l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.

Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux à de tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs. Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en se référant à la loi.

Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort.

Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, chez toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste. De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit la guerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son père ont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loi de la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous ! Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge, comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisons des esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et juste.

Mais, j'en suis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire en miettes et s'en délivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos enchantements, et aussi toutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave, se redressait et nous apparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de tout son éclat." PLATON, Gorgias, 483b-484a, trad.

Canto, Garnier-Flammarion, 1987, pp.

212-213. (1) allusion à la seconde guerre médique conduite par Xerxès, roi des Perses, qui envahit la Grèce en 480 av.

JC Le discours de Calliclès (Gorgias 483b - 484a) Introduction Calliclès entend pratiquer une critique " généalogique " des lois en débusquant le type de vie qui se dissimule derrière leur apparente impartialité. Les arguments de Calliclès Faite par la masse, la loi en exprime forcément les intérêts et les valeurs.

Elle n'est donc universelle qu'en apparence. Cette loi est un instrument d'oppression non par la force mais par un mécanisme d'intériorisation.

Elle n'est donc juste qu'en apparence. Les valeurs prônées par cette loi n'ont pas de réalité propre : elles consistent dans le retournement axiologique de la réalité de la force, et l'égalité de droit n'est que la dénégation de l'inégalité de fait.

Elle est donc sans consistance. Les meilleures dispositions sont laminées par l'éducation égalitariste. Le vrai droit est celui de la nature qui est foncièrement inégalitaire.

En effet, il est universel, nécessaire, irrécusable. Cette fausse loi sous laquelle nous vivons est intrinsèquement fragile, puisqu'elle se maintient en s'appuyant sur un verbiage sans répondant, et grâce à l'absence momentanée d'un individu suffisamment fort pour la renverser en lui et hors de lui. Discussion de chaque argument Calliclès confond expression et représentation.

S'il est vrai que les lois représentent la masse, elles ont une réalité qui ne lui est pas réductible.

La vraie question est donc celle de la spécificité du politique : un ordre d'existence que son absence de répondant réel n'autorise pas à qualifier d'illusoire. Calliclès suppose que l'homme est un être sorti tout constitué de la nature, c'est-à-dire qu'il est un simple vivant, alors qu'il est le produit des lois.

Il est donc absurde de considérer que les lois l'oppressent : elles le constituent comme sujet. L'égalité conditionne l'idée même de loi, à la fois parce qu'elle doit être la même pour tous et qu'elle effectue la forme même de la réflexion, puisque réfléchir revient à se poser soi-même comme un sujet indifférent c'est-à-dire juridiquement égal aux autres.

La loi a la consistance de la réflexion, acceptée par le discours de Calliclès en tant que c'est un discours et non un pure violence. La cité, dit Aristote, exclut aussi bien ceux qui sont trop inférieurs (bestialité) que ceux qui sont trop supérieurs (les dieux, les héros), puisqu'il est impossible à l'individu moyen de se reconnaître en eux.

Toute éducation a donc bien une dimension de dressage à la " semblance " (être le même que soi parce qu'on s'est soumis à ce qui rassemble les semblables) c'est-à-dire à la médiocrité.

Cependant les dispositions exceptionnelles ne sont pas naturelles mais humaines (l'idée d'un gène de la musique, de la philosophie ou des mathématiques est absurde, puisque ce sont des réalités exclusivement culturelles) : les " dons " sont des attitudes envers le monde et surtout envers soimême (une éthique) motivées par une situation en fin de compte toujours sociale.

Dès lors si la vie commune peut parfois étouffer de grandes individualités potentielles, elle est cependant le seul lieu de leur possibilité.

En réalité le danger reste très minime : être une personnalité d'exception étant une question d'éthique et non pas de nature, autrement dit la semblance étant une position subjective et non un état objectif, il faudrait des circonstances extrêmement particulières et rares pour qu'un individu ne soit pas totalement responsable de sa vie.

Donc même si l'on admet cette absurdité que constitue l'idée d'un don naturel, l'argument de Calliclès qui attribue cette responsabilité à la société reste sans portée réelle. Calliclès confond le fait et le droit : la nature atteste de ce qui est, pas de ce qui doit être.

Quand il s'agit des lois de la cité, son invocation est donc nulle par principe.

D'autre part il confond l'universalité des lois de la nature qui est absolue ou a priori (si on ne la pose pas l'idée même de nature n'a aucun sens, et avec elle la simple éventualité du savoir) et celle des lois de la cité qui est relative ou réflexive (c'est le rapport du peuple à lui-même).

Autrement dit il confond la réalité où s'effectue la nécessité des lois de la nature avec la représentation où s'effectue celle des lois de la cité. La culture n'a pas de répondant et c'est précisément en cela qu'elle s'oppose à la nature : l'arbitraire n'est pas sa faiblesse mais sa force, puisqu'on peut seulement contester ce qui se présente comme fondé.

On n'obéit donc pas à la loi parce qu'elle est utile, mais simplement parce que c'est la loi.

Voulant fonder la loi dans la réalité, Calliclès l'abolit donc : il n'y aurait plus que la nature.

Mais il réfute lui-même la thèse que cela pourrait constituer en prônant le droit du plus fort en déplorant un pouvoir que les faibles exercent...

pour la seule raison qu'ils sont momentanément les plus forts.

On comprend ainsi que ce n'est pas du tout de la nature qu'il parle : devant être imposée d'une manière volontaire et non par la seule immanence de sa nécessité, cette " nature " est en réalité purement idéologique, comme à chaque fois qu'on veut y voir un modèle.

Dès lors, la vérité de son argumentation apparaît à la fin du texte : il veut seulement un maître, grâce auquel il sera enfin débarrassé de sa liberté en se dissolvant dans la semblance universelle. Conclusion. »

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