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Peut-il y avoir une politique de l'amitié ?

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Il semble que l'amitié ne semble à proprement parler être explicable par le discours. Ce sentiment dépasse tout entendement. En cela, il ne peut être perçu comme organisation d'une communauté. Mais les liens que créé l'amitié entre les amis aboutissent à la reconnaissance mutuelle des autres. Ce n'est pas tant l'amitié qui serait perceptible dans un sens politique, mais ses conséquences peuvent poser le fondement d'une communauté.

« L'étymologie même du mot « amitié », qui vient du latin amare (aimer), révèle que la notion d'amitié institue un rapport particulier entre le moi et l'autre.

Je ne peux expliquer l'amitié que j'éprouve pour autrui car cette amitié est sentiment avant d'être raison.

En ce sens, l'amitié relèverait du domaine privé : l'amitié entre untel et moi-même résulte d'un échange, d'une interaction particulière entre lui et moi. A défaut de pouvoir expliquer ce sentiment, seuls nous pouvons le comprendre : notre amitié est quelque chose de strictement privé. Cette amitié serait presque « naturelle » en cela qu'elle est inexplicable, qu'elle semble être donnée, sans être justifiée.

Or, si cette sorte d'amitié me lie à un autre particulier, unique, ne pourrait-elle pas me lier aux autres en général ? En effet, aussi privée que soit l'amitié que j'entretiens avec autrui, il n'empêche qu'elle tisse un lien entre moi et l'autre.

Or, parler de « lien » implique le social, le domaine public, le politique.

L'amitié, en cela qu'elle tisse des liens entre individus, pourrait être le départ d'une organisation politique, sociale, qui prend en compte la communauté.

Mais peut-on organiser une communauté sur un sentiment qui engage avant tout un être envers un autre et non un être envers les autres ? Y a-t-il alors un sens politique de l'amitié ? Ce qui pose problème ici est de savoir si l'amitié tisse entre les h o m m e s des liens naturels ou si ces liens sont rationnels (et pourront alors être compris comme des liens organisant la communauté).

L'amitié se réduit-elle à la sphère du privé ou a-t-elle quelque intérêt collectif ? D'emblée, l'amitié qui m'attache à autrui n'est-elle pas irrationnelle ? En effet, l'amitié est un lien affectif qui me lie avec quelqu'un d'autre.

Il n'est pas nécessaire qu'il y ait des rapports filiaux ou familiaux qui me lient avec cet autre.

L'amitié ne semble être justifiable que par la parole donnée à l'autre.

Dans L'Education sentimentale, de Flaubert, tout distingue Frédéric et Deslauriers.

L'amitié entre les deux hommes prend la forme d'une sorte de pacte.

Sans cette amitié, Frédéric et Deslauriers ne seraient rien l'un pour l'autre. Ainsi, l'amitié ne semble avoir d'explication rationnelle. En effet, le sentiment d'amitié que j'éprouve envers quelqu'un d'autre dépasse toute rationalité.

Il ne trouve aucune justification. Dans le chapitre XXVIII « De l'amitié » des Essais, Montaigne ne trouve comme explication que la relation entre les deux amis : Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ».

Il y a, audelà de tout mon discours, […] je ne sais quelle force inexprimable et fatale […].

L'expérience de l'amitié précède toute rationalité.

Or, si l'amitié que j'éprouve envers autrui dépasse toute explication, toute raison, elle ne peut être le fondement d'une organisation collective. L'amitié est donc incompatible avec tout sens politique.

En effet, il faudrait qu'elle trouve une justification rationnelle pour passer du rapport particulier entre ces deux personnes à l'organisation d'une communauté. Ainsi, l'amitié ne met en jeu que l'autre et moi.

Elle n'est un lien qu'entre deux êtres.

Il s'agit d'un lien particulier et inexplicable, irrationnel entre deux personnes.

Les liens qu'elle crée semblent presque « naturels », étant donné qu'ils précèdent toute raison.

L'amitié appartient donc au domaine du privé, du particulier et non du général.

Elle n'implique que moi et l'autre et non moi et les autres. Toutefois, il n'empêche que l'amitié constitue un lien entre deux personnes.

Or, un lien, si particulier qu'il soit, implique tout de même un début de société.

En effet, pourquoi tisser des liens avec une personne qui n'a rien en commun avec nous-mêmes si ces liens ne trouvent aucune justification ? Il faut bien que la nécessité de ces liens s'explique par une dimension sociale.

Or, si les liens de l'amitié résultent d'une dimension sociale, cela signifie que l'amitié comporte la notion d e collectivité.

Pourrait-elle alors être le point d e départ d'une organisation collective ? En effet, si je tisse des liens avec autrui, cela révèle qu'il y a tout de même quelque intérêt, puisque s'il n'y avait aucun intérêt, rien ne pourrait expliquer les liens entre deux personnes.

En effet, sans intérêt, les liens sociaux créés par l'amitié n'auraient pas lieu d'être.

Tisser des liens avec quelqu'un tire en effet son origine d e la nature sociale d e l'homme.

Si l'homme n'était pas sociable, il n'entretiendrait pas de relations avec ses semblables.

Or, les relations qu'il tisse ne résultent que de ses intérêts.

Sans intérêt, l'homme resterait dans sa solitude.

Il ne tisse des liens que par intérêt.

Quel intérêt peut-on alors trouver à nouer des relations d'amitié avec autrui ? En tissant des liens d'amitié avec autrui, alors même que cet autrui n'a rien en commun avec moi, j'obtiens par là-même la reconnaissance.

Cette reconnaissance mutuelle aboutit à la reconnaissance des droits, de la liberté et instaure entre deux êtres justice et égalité.

Dans l'amitié, les deux personnes s e reconnaissent mutuellement et instaurent l'égalité entre eux.

Ainsi les liens tissés par l'amitié et la relation qu'elle instaure entre ces personnes semblent nécessaires à l'organisation de la communauté.

L'amitié, si elle est une relation privée entre d e u x êtres, instaure entre eux des liens qui sont nécessaires à une communauté : la reconnaissance d e la liberté d e la personne.

Ainsi, l'amitié pourrait être interprétée selon un sens politique, non pas dans ses fondements, mais dans les relations instaurées entre amis.

D'ailleurs, dans L'Ethique à Nicomaque, Aristote, en se fondant sur les liens instaurés entre les personnes par l'amitié, compare le système politique de la démocratie à l'amitié entre frères.

En effet, la reconnaissance mutuelle des droits et de la liberté de l'autre place les amis sur un pied d'égalité et ce rapport humain se trouve être le fondement de la démocratie. Ainsi, il semble que l'amitié ne semble à proprement parler être explicable par le discours.

Ce sentiment dépasse tout entendement.

En cela, il ne peut être perçu comme organisation d'une communauté.

Mais les liens que créé l'amitié entre les amis aboutissent à la reconnaissance mutuelle des autres.

Ce n'est pas tant l'amitié qui serait perceptible dans un sens politique, mais ses conséquences peuvent poser le fondement d'une communauté.. »

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