Peut-il y avoir justice en l'absence d'Etat ?
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«
Peut-il y avoir justice en l'absence d'Etat ?
Discussion :
Il semblerait que l'Etat soit ce qui régit les lois et les lois soient ce qui régit les hommes.
Ainsi cela paraît inconcevable qu'il puisse exister une
société sans lois, car elle deviendrait très vite anarchique et ne répondrait plus à aucune règle.
Cependant peut-on considérer que l'anarchie est
nécessairement l'injustice ? Car si l'on affirme qu'une société a besoin de lois pour être juste, on sous-entendrait que les hommes sont
naturellement injustes, et que sans règle ni répression, ils ne répondraient à aucune loi morale, par eux-mêmes.
I.
Première partie : L'État comme principe d'existence sociale
Hegel, Propédeutique philosophique : « L'état de nature est l'état de rudesse, de violence et d'injustice.
Il faut que les hommes sortent de cet état
pour constituer une société qui soit Etat.
» Les propos d'Hegel semblent être la réponse la plus évidente à la question de départ, à savoir que sans
lois, et ainsi sans Etat, l'homme est réduit à l'état d'animal et que les notions de justice et d'égalité deviennent totalement abstraites.
Cette thèse
donne l'impression que l'homme n'est humain qu'à travers l'Etat, comme s'il échappait de peu à sa condition de bête brute grâce à la mise en place
d'une société.
Ainsi cela reviendrait à dire que sans l'Etat, le concept même de justice s'évanouit.
Hegel, Précis de l'encyclopédie des sciences
philosophiques : « Le droit de la nature est l'existence de la force brutale et le domaine où prévaut la violence ; un état de nature est un état où
règne la brutalité et l'injustice, sur lequel on ne saurait rien dire de mieux que : il faut en sortir.
La société, au contraire, est la condition où le droit se
réalise.
»
Rousseau, discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes : « Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans
l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct.
» Rousseau souligne bien, ici, qu'il est nécessaire
de substituer la justice à l'instinct.
Par conséquent, être juste apparaît comme une notion qui ne peut évoluer et exister qu'au sein d'un Etat quel
qu'il soit.
En revanche, la nature, là où l'instinct prédomine c'est l'absence même de justice.
L'Etat apparaît donc comme la condition nécessaire de la
justice.
II.
Deuxième partie : L'injustice : une « nature » humaine ?
Cependant si l'on admet que les hommes ne sont justes que dans l'intérêt d'une société et d'un Etat, cela voudrait dire qu'un instinct de justice
n'existe pas, et que « l'homme est un loup pour l'homme », pour reprendre Hobbes.
On note, tout de même une certaine contradiction, car selon
d'autres théories c'est l'Etat même qui conduit les hommes à l'injustice.
C'est dans la société que les hommes deviennent des bêtes, et c'est à cause
des lois que l'individualisme règne en maître, réduisant chaque homme à n'être juste qu'avec lui-même.
Ainsi la thèse qui consiste à placer l'Etat
comme le centre de la justice et de l'égalité, et réduisant l'homme (hors de l'Etat) à un animal brut, peut être remise en cause, en appliquant le schéma
inverse.
Pourquoi l'Etat ne serait-il pas l'injustice même, dans son mode de fonctionnement, dans son application des lois et des règles, et dans son
système de punition ?
Car c'est à travers l'Etat que l'homme prend conscience de lui-même et de son individualité.
Et c'est cette réalité qui le conduit à vouloir défendre à
tout prix sa personne, le rendant égoïste au possible, et par conséquent injuste avec les autres.
« L'homme est un loup pour l'homme » hors de
l'Etat et dans l'Etat.
III.
Troisième partie : Qu'est-ce que la justice ?
Si l'on maintient que l'homme n'est juste que dans une société, et pour l'Etat, on pourrait aussi se demander si cette conception de la justice en est
une.
C'est-à-dire que si les hommes à l'état de nature sont injustes et que c'est par le biais d'une société qu'ils prennent conscience d'une loi morale,
s'agit-il encore réellement de justice, et ne pourrait-on pas considérer ce fait comme la résultante de la terreur ? Finalement, les hommes ne seraient
pas justes, parce qu'ils auraient pris conscience de l'existence d'une certaine morale, mais plutôt parce que les lois les y obligent.
On ne pourrait
donc plus parler de réelle justice chez l'homme, mais plutôt d'une domestication.
Car l'on observe presque la même démarche chez les animaux
sauvages et apprivoisés.
Par exemple le chat qui vit en appartement est contraint d'obéir tous les jours à des règles qu'on lui impose, qui,
effectivement, effacent peu à peu ses instincts.
Mais encore une fois il ne s'agit pas là d'un choix, mais de la soumission et d'une peur de la
punition.
Si le chat, aujourd'hui, respecte certaines règles parce qu'on les lui a apprises, il n'en demeure pas moins qu'il reste le même animal que
celui qui était dans la nature, et placé dans une « société » il devient simplement apprivoisé et non pas juste.
N'en serait-il pas de même pour
l'homme ? Ne s'agirait-il pas plus d'une domestication que d'une réelle prise de conscience de la notion de justice.
Dans ce cas, peut-on toujours
parler de justice en présence de l'Etat ? L'injustice en l'absence d'Etat se transformerait en fait en soumission en présence de l'Etat..
»
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