Peut-il exister une recherche désintéressée de la vérité?
Extrait du document
«
Introduction :
On dit souvent des affaires humaines que chacun y trouve son compte, son intérêt.
Mais pour peu que l'on s'y intéresse, le mot « intérêt » est
ambigu, dans la mesure où il peut être péjoratif comme mélioratif.
L'intérêt est ce qui importe à quelqu'un, mais cette définition est si vague que l'intérêt
peut être à la fois ce qui convient à une personne ou à un groupe, ce qui est avantageux, ce qui rapporte de l'argent, mais aussi ce qui suscite l'attention de
quelqu'un, ce qui fait l'objet de ses préoccupations.
Par là même, le mot « désintérêt » est tout aussi chargé de sens.
Il peut être aussi bien l'absence
d'attention pour une chose ou une personne que le synonyme de désintéressement.
Ainsi, la première question qui se pose avec notre sujet est celle de savoir en quel(s) sens prendre l'expression « désintéressement de la vérité ».
De
plus, le sujet, dans sa formulation même, affirme un certain nombre de présupposés : nous demandant s'il peut y avoir une « recherche désintéressée de la
vérité », il présuppose aussitôt qu'il y a une recherche de la vérité, et bien plus, qu'il y a une recherche intéressée de la vérité – la question est de savoir s'il
y en a une désintéressée.
Les questions qui découlent de ces présupposés sont ainsi les suivantes : y a t-il véritablement une recherche de la vérité ? Dans
quelle mesure et pourquoi est-elle intéressée ? Et enfin, se peut-il que la recherche de la vérité soit désintéressée ?
Première partie : y a t-il une recherche de la vérité ?
Le sujet présuppose une recherche de la vérité…reste à déterminer s'il y en a bel et bien une !
1.
Premier abord : on semble détester la vérité.
Pascal, Pensées (Br.
100).
« Nous haïssons la vérité et ceux qui nous la disent ».
Le fragment est particulièrement
explicite sur notre haine de la vérité et sur notre volonté d'étouffer cette même vérité.
L'homme « conçoit une haine
mortelle contre cette vérité qui le reprend, et qui le convainc de ses défauts.
Il désirerait de l'anéantir, et, ne pouvant la
détruire en elle-même, il la détruit, autant qu'il peut, dans sa connaissance et dans celle des autres; c.à.d.
qu'il met tout
son soin à couvrir ses défauts et aux autres et à soi-même, et qu'il ne peut souffrir qu'on les lui fasse voir, ni qu'on les
voie ».
Pourquoi rechercherions-nous la vérité si nous la détestons ?
2.
Pourtant, nous tenons à connaître la vérité.
Aristote, livre alpha de sa Métaphysique : « tous les hommes désirent naturellement savoir ».
Malgré la haine de la
vérité, attrait de l'homme pour la vérité.
Sorte de amour-haine à l'égard de la vérité.
Par conséquent, même dans notre
réticence à connaître la vérité nous la recherchons.
ð il y a bien une recherche de la vérité, mais quelle peut-être la mesure de l'intérêt et du désintéressement que nous
portons à la vérité ?
Deuxième partie : toute recherche de la vérité n'est-elle pas intéressée ?
Le fait même de porter une attention quelle qu'elle soit à la vérité n'est-il pas le signe que toute recherche de la vérité
est intéressée ?...
sinon nous ne chercherions pas à connaître la vérité.
Par conséquent, notre rapport à la vérité n'est-il
pas toujours intéressé ? Dans ce cas, il n'y aurait pas de « recherche désintéressée de la vérité » et il ne pourrait pas y en avoir, chaque attention portée à
la vérité étant la trace d'un intérêt porté à elle.
1.
Un intérêt préjudiciable ?
Si l'on prend intérêt dans le sens de « avantage », la recherche de la vérité devient une course à une soi-disant vérité capable de servir nos intérêts.
Dans
ce cas, il ne peut pas y avoir de recherche désintéressée de la vérité.
Pascal, Pensées (Br.
18-18bis), « Erreur commune » : « lorsqu'on ne sait pas la vérité d'une chose, il est bon qu'il y ait une erreur commune qui fixe les
esprits des hommes ».
On s'intéresse à la vérité, mais quand on ne sait pas où elle se trouve, notre intérêt nous pousse à fixer une erreur pour avoir une
illusion de réponse.
Dans ce cas, l'intérêt pour la vérité est préjudiciable.
On substitue à la vérité une erreur et on comble l'intérêt en instituant un
mensonge.
Mais dans ce cas, ne peut-on pas envisager et même préférer un désintérêt pour la vérité ? La réponse à cette objection est assez simple.
Le mot
« intérêt », nous l'avons vu, renferme d'autres sens que celui d' « avantages ».
Ainsi toute recherche intéressée de la vérité n'est pas nécessairement
mauvaise.
2.
intérêt= attention, passion, souci de…
Porter un intérêt à une chose c'est lui prêter attention.
Nous avons déjà dit que l'homme avait cette tendance à rechercher la vérité.
Or cette tendance
n'est-elle pas synonyme d'intérêt ? Et dans ce cas, l'intérêt devient souci de, attention et même, passion.
Pensons à Rousseau qui prétendait « consacrer
sa vie à la vérité », à Socrate qui a accepté de rester à Athènes et de mourir afin de ne pas mettre en doute la vérité.
L'intérêt de Socrate pour la vérité, sa passion pour elle est si grande qu'il est prêt à mourir pour elle… Dès lors, à
l'instar de l'attitude de ses philosophes, on peut se demander si une recherche désintéressée de la vérité ne serait pas
synonyme de désintéressement ? La vérité n'exige-t-elle pas de nous que nous y portions un vif intérêt ? Dans ce cas,
une recherche désintéressée de la vérité est-elle possible et même envisageable ? Ne serions-nous pas négligeant
envers la vérité ?
3.
une recherche désintéressée de la vérité est-elle possible ?
a.
Intérêt/désintérêt.
Notre raisonnement nous amène à ne pas séparer l'intérêt du désintérêt.
La recherche de la vérité s'enracine dans une
articulation étroite le l'intérêt comme « souci de » et du désintérêt comme manière de s'intéresser à la vérité sans y
chercher un avantage.
b.
Nécessité de trouver un équilibre, une harmonie entre intérêt et désintérêt dans notre recherche de la
vérité.
Trouver, en somme, un intérêt désintéressé.
Attitude qui permet d'accueillir la vérité sans l'altérer.
Conclusion :
La réponse à cette question se fonde sur une articulation étroite des différents sens des mots intérêt et désintérêt..
»
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