Peut-il exister un universel ?
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[Introduction]
L'homme peut-il à juste titre supposer l'existence d'un universel ? A examiner le cheminement de l'histoire, il semble
que ce soit là une hypothèse le plus souvent tenue pour vraie.
Mais le travail du temps est aussi celui de la critique
: si bien que pour l'époque moderne, c'est véritablement une question taraudante que l'existence ou la nonexistence de l'universel.
Aussi l'interrogation peut-elle prendre plusieurs formes.
Il existe un monde qui entoure l'homme : est-il possible d'en
élaborer une connaissance qui lui soit parfaitement adéquate ? Il existe des valeurs à l'oeuvre dans l'action : sontelles communes à tous les hommes ? On considérera le problème sous plusieurs angles : l'universel peut-il être
objectif ou subjectif ? Ou bien est-il possible de postuler soit une réconciliation de l'objectivité et de la subjectivité,
soit une rupture complète ?
[Partie I : L'universel objectif et l'universel subjectif]
Est-il possible de connaître véritablement le monde ? Si la connaissance peut atteindre les objets, conçus comme
immuables, ces derniers fourniraient une référence fixe, et donc une universalité authentique.
C'est là un
mouvement naturel à la conscience que de supposer d'abord que le monde objectai existe dans une authentique
réalité.
Mais cette supposition se heurte vite à une constatation contraire : le monde est fuyant, sans cesse en
mouvement.
Il est clair ainsi que bien que nous puissions nommer Seine ou Méditerranée un lieu que nous avons
l'habitude de côtoyer, ou bien où nous avons l'habitude de nous baigner, il ne s'agit jamais du même objet : « On ne
se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », dit Héraclite.
Pourtant il existe bien une idée de fleuve, toujours
semblable à elle-même, qui se présente comme un universel, capable de réunir toujours les impressions différentes
que l'on peut avoir des fleuves et des mers.
Mais d'où vient-elle ? Peut-on supposer que le monde, fuyant et
mouvant, ne prend son sens que par rapport à un monde des essences immuables ? Dans la théorie platonicienne
des idées, le monde sensible est une forme dégradée parce que soumise à la corruption et au mouvement, d'un
monde des idées dont il participe.
C'est ce qu'exprime l'allégorie de la caverne, dans la République, avec ses
différents degrés d'existence : ombres d'objets fabriqués, objets fabriqués à l'image de la nature vivante et cette
nature vivante elle-même.
Mais peut-on réellement estimer que la séparation ainsi établie entre le réel et l'universel soit justifiée ? Comme le
souligne Aristote, Platon a adapté l'objet de sa recherche à la méthode de sa recherche et a créé l'idée d'une
connaissance du réel qui soit scientifique, cad fondée sur des connaissances
immuables.
La méthode dialectique que Socrate applique aux notions morales
a été étendue à l'ensemble du réel parce qu'il y a une nécessité à fonder la
connaissance sur des éléments non-sensibles, héritage de Parménide.
Ainsi,
l'universel apparaît comme un élément primordial, essentiel à la notion même
de connaissance.
Il ne peut y avoir de science que de l'universel.
Du
particulier, il ne saurait y avoir qu'une perception passagère.
Si cette dernière
n'est pas rattachée à un universel, elle échappe et ne produit aucun sens.
La
théorie de la puissance et de l'acte répond chez Aristote à cette nécessité de
trouver une essence des choses qui soit dans les choses mêmes.
C'est aussi
ce que pensent les théologiens du Moyen Age lorsqu'ils considèrent le monde
comme le reflet dégradé de Dieu qui contient en lui toutes les essences c'est là la preuve ontologique de l'existence de Dieu.
Ces connaissances se
veulent authentiquement des sciences de l'universel, dont on ne peut que
constater qu'elles ont été dépassées et abandonnées.
Elles apparaissent
donc comme relatives à telle ou telle civilisation ou moment historique, et
manquent ainsi leur visée d'universel.
Peut-on alors se tourner vers ce que l'Occident moderne appelle science ?
Avec les travaux de Galilée, de Kepler et surtout de Newton, la connaissance
du monde repose sur des observations de l'expérience réunies en lois
constantes de monde terrestre et céleste.
La science moderne, dont la
vérification ultime se trouve dans l'efficacité de la technique, crée un
universel objectif.
Elle peut donc faire penser, sur des bases infiniment plus sûres que la philosophie et la théologie,
toujours contestables et contestées, que l'esprit humain est capable de rentrer en contact avec le monde tel qu'il
est.
Mais au fur et à mesure de sa progression, même si les techniques s'améliorent et se multiplient, il semble que
la science perde peu à peu la belle confiance que le bond du XVIIe siècle semblait lui avoir communiquée.
La
physique newtonienne s'est vue dépassée par celle d'Einstein au début du XXe siècle, et rien ne peut empêcher de
penser que celle-ci ne sera pas à son tour supplantée par une autre.
Le rapport de l'homme au monde, même dans
ce type de connaissance, ne semble pas reposer sur les bases d'une science immuable, et par là même universelle.
[Partie II : L'universel subjectif].
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