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Peut définir le génie ?

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« Contrairement à d'autres objets de réflexion esthétique, le génie est difficilement réductible à une définition arrêtée. Comment, en effet, donner en quelque sorte la recette, répétable de ce qu'est le génie,alors que celui-ci est par définition quelque chose de transcendant, d'hors- norme, incommensurable aux restes des capacités humaines.

On peut donner des exemples d'œuvres ou d'artiste géniaux, mais là encore l'écueil est de déterminer clairement par des critères ce qui peut être génial de ce qui ne l'est pas.

A partir de quand est-on un génie ? Dans quels domaines les génies sont les plus identifiables ? Les intuitions géniales sont-elles plus frappantes dans l'art ou les sciences, y- at-il des génies en politiques, en philosophie, en sciences humaines ? 1) La définition d'un génie. Loin de s'accrocher à la matérialité des sensations et à l'objectivité des souvenirs, l'homme de génie trouve des motivations d'un autre ordre que le reste des hommes.

L'universalisation de la sensibilité, l'amplification de la mémoire et de l'imagination, l'exaspération de la vision engendrent chez lui le désir de « donner corps aux fantômes » qui le hantent.

S'efforçant de définir cette « je ne sais quelle qualité d'âme particulière » qui est propre au génie, l'esthéticien ne trouve aucun terme qui lui convienne ; mais il évite cependant une réduction définitive au mystérieux physiologique dans la mesure où il dote le génie de « l'esprit observateur », qui possède lui-même quatre caractères : la spontanéité, la divination, la diversification, la faillibilité.

Le génie est ce vrai « sixième sens » que cherchait Hutcheson.

Kant définit le génie comme « talent ou disposition innée par laquelle la nature donne des règles à l'art ».

L'ingenium du génie ne ressemble à aucun autre ; et il devient par là même source d'une nouvelle mesure pour le jugement.

Mais, si le génie donne ses règles à l'art, il le fait en tant que nature, c'est-à-dire sans passer par l'intermédiaire de la catégorie comme source de détermination.

Causalité aveugle, puisque dépourvue de concept, il ignore les conditions de sa création.

Mais sa fantaisie « court d'un bout de l'univers à l'autre pour rassembler les idées qui lui appartiennent ».

Et ce qu'on appelle génie n'est, pour reprendre l'expression de l'éveilleur de Kant, Hume La faculté de représenter des Idées esthétiques est le génie.

Mais le génie est lui-même un présent de la Nature : c'est donc la Nature qui se révèle dans et par l'art ; et elle ne se révèle jamais mieux que dans l'art, dans l'unicité des œuvres du génie. « Les beaux-arts sont les arts du génie...

» KANT. Le terme « art » a pendant toute l'Antiquité et le Moyen Age, simplement désigné la forme de la production artisanale. Ainsi, Platon oppose la « theôria », connaissance purement contemplative, au savoir-faire lié à la production matérielle (« technè »).

Cette dernière concerne la production et se définit comme création: « Ce qui, pour quoi que ce soit, est cause de son passage de la nonexistence à l'existence, est, dans tous les cas, une création; en sorte que toutes les opérations qui sont du domaine des arts sont des créations, et que sont créateurs tous les ouvriers de ces opérations.» (« LE Banquet »). C'est pourquoi, pour Platon, les artisans sont tous poètes.

En effet, «poésie» signifie étymologiquement «faire», ce qui consiste essentiellement à faire être ce qui n'était pas, c'est-à-dire à créer. Si la technique (ou l'art) est création, elle porte sur le contingent, c'est-à-dire sur ce qui peut aussi bien être que n'être pas.

C'est en cela que la technique (ou l'art) s'oppose à la science.

Cette dernière porte, en effet, sur des essences idéales, c'est-à-dire éternelles et immuables.

On comprend, dès lors, que Platon, reconnaissant la fonction sociale de la technique, ne lui accorde aucune valeur humaine.

Insensible à la beauté de l'Acropole, il ne semble voir de la beauté que dans la nature (les beaux corps des jeunes garçons), dans la morale (les belles actions), dans les sciences (mathématiques et philosophie). C'est à partir du XVIIIE siècle que l'art se distingue aussi bien de l'artisanat que de la technique et acquiert ainsi un statut spécifique.

D'où l'apparition de l'esthétique comme théorie des beaux-arts.

Et, dans la Critique de la faculté de juger (1791), Kant, même s'il ne prétend pas faire une théorie des objets beaux (car, selon lui, le beau n'est pas une qualité des objets : il n'y a pas de règle du beau ni donc de science du beau), affirme qu'il n'existe pas de belles sciences, mais seulement des beaux-arts.

Il accorde même, d'une ..

certaine manière, une supériorité à l'art sur les sciences et la technique, puisqu'il considère qu'il n'y a de génie que dans les Beaux-Arts : «Les Beaux-Arts sont les arts du génie.

» Dans la civilisation artisanale, l'artiste, qu'il bâtisse et orne les lieux du culte ou qu'il décore les palais, était au service de la religion ou des princes.

Le développement de l'industrie permet à l'art de s'émanciper.

Désormais indépendant, l'artiste découvre qu'il ne tient pas son pouvoir de créer de Dieu, mais que celui-ci lui appartient en propre.

C'est ce pouvoir de créer qui, d'une certaine manière, rend l'artiste égal à Dieu, qu'on appelle le génie. Application de la science, la technique repose sur une méthode scientifique précise dont toutes les démarches sont transmissibles, renouvelables.

Même les techniques les plus complexes peuvent être décomposées, analysées dans leurs moindres détails, et réduites à des gestes simples.

Il suffit généralement de savoir ce qu'il faut faire pour réussir.

Quant à l'artisanat, il ne requiert aucune faculté d'invention ou génie particulier.

Seul l'art, qui repose sur la fantaisie créatrice de l'artiste, demande autre chose que « l'aptitude à savoir faire ce qui peut être appris d'après une règle quelconque ».

Les Beaux-Arts doivent donc nécessairement « être considérés comme des arts du génie ». Que faut-il entendre par génie sinon « un talent qui consiste à produire ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée » ? Certes, l'art, comme toute production, exige des règles, mais celles-ci ne préexistent pas à l'œuvre.. »

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