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Persuader quelqu'un est-ce l'empêcher de penser ?

Extrait du document

« Ici on vous demande si la persuasion est un obstacle à la pensée.

Vous devez distinguer " persuader " de "convaincre ", car persuader quelqu'un c'est lui faire admettre un discours en emportant son adhésion par des moyens qui jouent sur les passions d'autrui, sur sa sensibilité, ses désirs ou ses craintes.

La persuasion s'adresse donc à autrui, non pas en tant qu'il est un être de raison, mais en tant qu'il peut être facilement impressionné et influençable.

En cela la persuasion procède d'un rapport de force et de subordination, alors que la conviction suppose qu'autrui, à un moment ou à un autre, est capable de reconnaître la vérité au moyen d'un examen critique rendu possible par sa raison.

Il faut donc laisser à autrui la possibilité d'adhérer librement au discours, sans quoi on ne le traite pas comme un sujet mais comme un objet (pensez aux sophistes qui pouvaient faire admettre n'importe quoi par la rhétorique). [C'est grâce à l'éducation que la raison s'éveille et acquiert son autonomie.

Une fois devenue autonome, à elle de partir en quête du vrai.

Si elle se laisse persuader, c'est qu'elle a perdu sa liberté de penser.] Il faut opposer éducation et persuasion Nicolas Malebranche a parfaitement raison d'écrire: «Il y a des pères qui traitent souvent leurs enfants avec empire: ils ne leur rendent jamais justice, ils les outragent sans sujet; au lieu de les soumettre à la Raison après les en avoir éclairés» (Traité de morale).

Une saine éducation doit conduire la raison à être elle-même persuadée de son pouvoir de juger droitement. La conviction n'est pas la persuasion La croyance, pense Kant, est conviction si elle est «valable pour chacun, en tant du moins qu'il a de la raison».

Mais si «elle n'a son fondement que dans la nature particulière du sujet, elle se nomme persuasion» (Critique de la raison pure).

Autrement dit, celui qui persuade, tout autant que celui qui est persuadé, ne fait plus usage de sa raison, de sa pensée. Qui persuade a cessé de penser "La raison ne se prêche pas, ou si elle se prêche, elle n'est plus la raison", dit Camus dans L'Homme révolté. Persuader, c'est prêcher une vérité que l'on tient pour définitivement acquise.

C'est donc imposer à autrui ce que l'on croît être certain.

C'est, en somme, l'empêcher de penser par lui-même. [Pour être véritablement persuadé que ce que pense autrui est juste, il faut soi-même faire l'effort de penser. La persuasion ne repose que sur l'usage de la raison, sur une argumentation logique.] Se laisser persuader, c'est juger de manière raisonnée Si le sot se laisse persuader, il n'a cependant aucune idée des raisons pour lesquelles il s'est laissé persuader. En revanche, si Descartes me persuade de considérer, comme lui, que dire "je pense donc je suis" est une certitude absolue, c'est bien parce que j'ai pu suivre son raisonnement et ai su en apprécier la pertinence. La vérité seule peut me persuader Soit le raisonnement suivant: pour découvrir la vérité il me faut penser.

Or, seule la vérité me persuade.

Donc, être persuadé prouve que je pense.

Partant de là, il n'est pas illégitime de dire que ce sont plutôt ceux qui ne pensent pas qui ne sont jamais persuadés de quoi que ce soit.

S'ils l'étaient, ils ne changeraient pas d'opinion au gré des modes, des circonstances. Influencer n'est pas persuader Tout est forcément logique, pense Wittgenstein.

Je peux influencer un esprit dénué d'intelligence, un enfant dont la raison n'est pas encore faite, mais il me faudra user d'arguments logiques pour persuader quiconque est doué de raison de penser que ce que j'avance n'est pas faux.. »

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