Pensez-vous que l'individu puisse créer librement ses valeurs ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
CRÉER / CRÉATION (n.
f.) 1.
— (Lato) Toute production, avec l'idée d'une nouveauté de son objet (création du
monde, d'une route, d'une oeuvre d'art).
2.
— Dans la tradition judéo-chrétienne, acte par lequel Dieu donne
naissance au monde : en ce sens, la Création est création à partir de rien (creatio ex nihilo).
3.
— Apparition de
quelque chose qui ne résulte pas des données : en ce sens, on a tendance à faire de toute création une création ex
nihilo, quelque chose de mystérieux ; c'est pourquoi les matérialistes préfèrent employer le terme de production qui
implique un processus matériel (ainsi dit-on production littéraire pour création littéraire).
4.
— Invention.
5.
—
Création continuée : pour les cartésiens, action identique à la création initiale par laquelle Dieu conserve le monde
dans l'existence.
6.
— Créativité : faculté de créer, de produire des idées nouvelles ; disposition qui pousse à
l'invention.
VALEUR: Du latin valor, « mérite », « qualités ».
(1) Propriété de ce qui est jugé désirable ou utile (exemple : la valeur de l'expérience).
(2) En morale, norme ou idéal
orientant nos choix et nos actions (exemple : le bien, la justice, l'égalité).
(3) En économie politique, on distingue la
valeur d'usage d'un objet, qui est relative au degré d'utilité que chacun lui attribue, et sa valeur d'échange (son
prix), qui résulte du rapport de l'offre et de la demande.
INDIVIDU:
1) Tout être organisé qui ne peut être divisé sans perdre ses caractères essentiels.
2) L'être humain considéré isolément, par opposition à la société ou à l'État.
Dans « Le Diable et le bon Dieu », Goetz, reître pillard et cruel, décide soudain, par un acte de pure liberté, de
devenir un saint, un soldat de Dieu.
Cet épisode illustre clairement la théorie sartrienne des valeurs : « Il n'y avait
que moi : j'ai décidé seul du mal, seul j'ai inventé le bien ».
Les valeurs, bien et mal, beau et laid, vrai et faux,
seraient donc l'oeuvre de notre moi, une création de notre liberté.
Qu'en devons-nous penser ?
Il paraît incontestable que la philosophie des valeurs que l'on peut faire remonter à Kant — est liée à une philosophie
du sujet, de la liberté.
Pour Kant c'est la conscience humaine qui décide du bien et du mal.
La nature n'est plus une
providence où nous pourrions déchiffrer le sens de notre destin.
Elle n'est qu'un système d'apparences bien réglées,
dont la science nous fait connaître l'organisation.
Mais si la science nous dit ce qui est, ou plus exactement ce qui
apparaît, elle ne peut nous dire ce qui doit être.
Quant à la métaphysique qui prétend découvrir l'être au delà de
l'apparence, le noumène au delà du phénomène, elle est, d'après Kant, tout à fait illusoire.
En dehors de
l'expérience, la raison tourne à vide et ne peut rien connaître.
La morale ne repose donc plus que sur la conscience
humaine.
Chez Kant cependant, on ne saurait parler d'une création capricieuse des valeurs par chaque individu car
le sujet responsable des valeurs s'appelle encore raison et a vocation pour l'universel.
Le vrai précurseur du subjectivisme sartrien, c'est Nietzsche.
Avec Nietzsche
apparaît clairement ce qui sera le thème majeur de l'athéisme sartrien ; la
libre création des valeurs est présentée comme l'exacte contrepartie de la «
mort de Dieu ».
Le « surhomme » nietzschéen, créateur absolu de toute
valeur depuis que « Dieu est mort », savoure lui-même « la satisfaction que
Dieu tire de sa propre personne ».
Sans cesse il aspire à se dépasser, à
s'élever au-dessus des valeurs qu'il a naguère créées, « jusqu'à ce que ses
étoiles même soient au-dessous de lui ».
Ainsi se forme chez Nietzsche l'idée
contemporaine existentialiste de « transcendance » ; non pas certes la «
transcendance » de la philosophie classique qui est le dépassement de
l'homme par l'Être, par Dieu, mais une transcendance qui est tout au contraire
le dépassement par l'homme de tout ce qui existe et de lui-même, l'activité
inventrice d'une liberté souveraine qui ne cesse de faire surgir des valeurs.
Jusqu'à ce jour, l'homme ne s'est jamais dépassé que vers un dieu, un arrièremonde, un idéal suprasensible.
Une fois proclamée la mort de Dieu, c'est-àdire de tout idéal suprasensible, soit l'homme va désapprendre à se dépasser
(c'est le cas du dernier homme), soit il devra apprendre à se dépasser sans
fuir l'ici-bas, sans se réfugier dans un arrière-monde (« Jadis on disait "Dieu"
lorsque l'on regardait vers de lointaines mers ; mais moi je vous enseignerai à
dire : "Surhomme" ! [...] Morts sont tous les dieux : désormais que vive le
Surhomme ! »).
L'homme est tout entier le terrestre, et le surhomme sera lui aussi
irrémédiablement le terrestre.
« Jadis on disait corps et âme suis ; mais moi je vous dis : corps suis tout entier, l'
"âme" n' est qu'un nom pour désigner quelque chose du corps.
» L'antique dualisme métaphysique est surmonté,
l'homme appartient tout entier à la terre, au sensible, à l'ici (« Je vous en conjure, mes frères : à la terre restez
fidèles ! »).
Il devra apprendre à se dépasser non vers un idéal supraterrestre, mais vers le Surhomme comme celui
qui serait le digne habitant de la terre, quand l'homme n'est que le nom d'une maladie qui couvre la surface de la
terre.
« Que dise votre vouloir : soit le Surhomme le sens de la terre ! »
Désormais que de tout espoir supraterrestre l'homme a dû faire son deuil, l'alternative n'est plus qu'entre le
Surhomme et le dernier homme.
Le Surhomme ne désigne pas une autre et nouvelle « espèce », il est au contraire la
vérité de l'homme, ce que l'homme pourrait devenir s'il ne se complaît pas en lui-même sous la forme du dernier
homme, s'il accepte d'être une flèche et non un but, quelque chose qui se doit surmonter, s'il est capable de vouloir
son déclin pour que vive le Surhomme, de tendre au loin la flèche de sa nostalgie.
« Ce qui chez l'homme est grand,.
»
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