Penser est-ce simplement calculer ?
Extrait du document
«
[Pythagore disait: «Tout est nombre».
Platon avait écrit au fronton de son académie: «Que nul n'entre ici
s'il n'est géomètre».
Il faut apprendre à calculer pour apprendre à penser.]
Toute pensée est une combinaison de notions
Ce constat amène Leibniz à dire que si nous pouvions arriver à dresser une table systématique des notions simples
et élémentaires, nous pourrions concevoir des procédés de calcul permettant de découvrir toutes les combinaisons
possibles.
Une telle méthode de calcul permettrait donc de découvrir toutes les pensées possibles, parce que
calculer c'est penser.
La pensée est un calcul spontané, le calcul est une pensée méthodique
Il faut faire de la pensée un calcul conscient, aussi rigoureux que le calcul mathématique, seul capable de mettre en
ordre la pensée.
C'est le projet leibnizien d'une «caractéristique universelle» qui, en recherchant les éléments
simples de toutes les pensées, permettrait de rendre lisible dans l'écriture même la rigueur d'un raisonnement.
Le calcul sur les signes peut remplacer le raisonnement sur les idées
Cette idée de Leibniz n'est pas sans évoquer certains aspects de la méthode structurale, utilisée par des penseurs
modernes comme Jacques Lacan, Michel Foucault ou Jacques Derrida.
Elle fait penser aussi au traitement
informatique des données, grâce auquel le chercheur contemporain dégage des significations.
L'essentiel, dans une démonstration, n'est pas l'évidence de son fondement mais sa cohérence formelle.
«Démontrer n'est pas autre chose que résoudre les termes d'une proposition et substituer au terme défini sa
définition ou une de ses parties pour dégager une sorte d'équation.» Leibniz, De la liberté (1707).
• En définissant la démonstration comme une suite de substitutions, Leibniz met de côté la question du fondement
de la démonstration.
Une démonstration n'est pas, pour lui, un discours bien fondé, c'est d'abord une suite de
propositions non-contradictoires.
Le fait que les définitions puissent être approfondies à l'infini n'est donc plus un
problème pour le caractère démonstratif du discours.
• À partir de là, «démontrer» une proposition ne signifie plus «prouver la vérité» de cette proposition, mais montrer
qu'elle est cohérente par rapport aux hypothèses sur lesquels elle repose.
L'idée d'une démonstration qui produirait
une «vérité absolue» fait place à la construction d'un modèle «hypothético-déductif».
Celui-ci est un mode de
raisonnement dans lequel on examine quelles sont les conséquences des hypothèses que l'on se donne.
Par-delà les
mathématiques, il peut s'appliquer à toutes sortes d'objets.
« L'appel aux idées n'est pas toujours sans danger, et beaucoup
d'auteurs abusent du prestige de ce terme pour donner du poids à certaines
de leurs imaginations ; car nous ne possédons pas l'idée d'une chose du fait
que nous avons conscience d'y penser, comme je l'ai montré plus haut par
l'exemple de la plus grande des vitesses.
Je vois aussi que de nos jours les
hommes n'abusent pas moins de ce principe si souvent vanté : « tout ce que
je conçois clairement et distinctement d'une chose est vrai et peut être
affirmé de cette chose ».
Car souvent les hommes, jugeant à la légère,
trouvent clair et distinct ce qui est obscur et confus.
Cet axiome est donc
inutile si l'on n'y ajoute pas les CRITERES du clair et du distinct [...] , et si la
vérité des idées n'est pas préalablement établies.
D'ailleurs, les règles de la
LOGIQUE VULGAIRE, desquelles se servent aussi les géomètres, constituent
des critères nullement méprisables de la vérité des assertions, à savoir qu'il ne
faut rien admettre o certain qui n'ait été prouvé par une expérience exacte
ou une démonstration solide.
Or une démonstration est solide lorsqu'elle
respecte la forme prescrite par la logique ; non cependant qu'il soit toujours
besoin de syllogismes disposés selon l'ordre classique [...] mais il faut du
moins que la conclusion soit obtenue en vertu de la forme.
D'une telle
argumentation conçue en bonne et due forme, tout calcul fait selon les règles
fournit un bon exemple.
Ainsi, il ne faut omettre aucune prémisse nécessaire,
et toutes les prémisses doivent ou bien être démontrées préalablement, ou
bien n'être admises que comme hypothèses, et dans ce cas la conclusion aussi n'est qu'hypothétique.
Ceux qui
suivront ces règles avec soin se garderont facilement des idées trompeuses.
».
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