Pense-t-on par images ou par concepts ?
Extrait du document
«
Ce sujet propose une alternative, à laquelle vous devez répondre.
Pour ce faire, il vous faut analyser les deux notions
en jeu, l'image et le concept.
Ce sont deux espèces d'un genre commun, la représentation.
L'image est singulière et concrète : elle porte sur un objet individuel, par exemple l'image de Pierre.
En revanche, le
concept est général et abstrait : il porte sur de nombreux individus, par exemple les hommes pour le concept d'homme, et
ce, au moyen d'un petit nombre de propriétés, que possède les individus auxquels s'applique le concept.
Avons-nous de
telles représentations générales? La tradition empiriste nie leur existence, car une représentation générale d'un triangle
qui ne soit ni isocèle ni quelconque ni équilatéral est impossible.
Cela revient à confondre l'idée et le concept : une idée a un contenu intuitif, quelque chose que l'on peut se représenter,
et en ce sens une image est une idée.
Mais un concept n'est pas une image générale, mais une règle, nous permettant de
penser différents objets comme étant la même chose.
En ce sens, le concept est nécessaire à la pensée : par lui nous
isolons les caractères particuliers des choses, et leur donnons un caractère intelligible.
Il est aussi possible qu'il faille distinguer différents objets de la pensée : pour certains, l'image est la plus adéquate, pour
d'autres, par exemple pour la connaissance scientifique de la matière, ce sera le concept.
Position de la question.
La pensée abstraite est faite de concepts.
Mais qu'est-ce qu'un concept ? Quelle différence
présente-t-il avec l'image ? et pouvons-nous penser sans images ?
I.
L'image.
L'ancienne psychologie a attribué beaucoup d'importance aux images.
Par réaction, certains en sont venus aujourd'hui
jusqu'à nier l'existence même des images.
Mais cette réaction est excessive : il existe bien, dans notre esprit, un type de
pensée concrète qui, si elle ne consiste pas, comme le concevait TAINE, en images-clichés, met cependant en jeu des
représentations sensibles qui présentent le double caractère d'être : 1° concrètes; 2° particulières.
II.
Le concept.
Le concept, est au contraire : 1° abstrait, c'est-à-dire qu'il ne retient que certains éléments de la réalité concrète (soit, par
exemple, la forme d'un objet); 2° général, c'est-à-dire qu'il s'applique, non à un objet ou à un être particulier, mais à tout
un type d'êtres en nombre illimité.
A.
— Concept et image.
Quelles sont les relations du concept avec l'image ? Les empiristes ont prétendu ramener le
premier à la seconde, soit qu'ils aient nié l'existence propre du concept, soit qu'ils l'aient réduit à une « image générique »,
soit enfin qu'ils n'aient voulu y voir qu'un mot, un nom évocateur l'images.
Mais aucune de ces solutions ne rend
suffisamment compte de la signification générale du concept, laquelle va toujours au-delà de l'image.
1° Tout ce qu'on pourrait concéder aux empiristes, c'est que le concept a toujours besoin d'un soutien sensible, que ce
soutien soit une image ou une attitude motrice.
2° Encore a-t-on pu soutenir l'existence d'une pensée sans images, en ce sens au moins qu'il y a, par exemple dans la
pensée des rapports, une intention, une orientation qui déborde de beaucoup les images dont elle peut s'accompagner.
En bref, l'image est singulière et concrète : elle porte sur un objet individuel, par exemple l'image de Pierre.
En revanche,
le concept est général et abstrait : il porte sur de nombreux individus, par exemple les hommes pour le concept d'homme,
et ce, au moyen d'un petit nombre de propriétés, que possède les individus auxquels s'applique le concept.
Avons-nous de
telles représentations générales? La tradition empiriste nie leur existence, car une représentation générale d'un triangle
qui ne soit ni isocèle ni quelconque ni équilatéral est impossible.
B.
— Concept et jugement.
Mais tout ceci ne nous renseigne pas sur la véritable nature du concept.
Pour la comprendre, il
est nécessaire de revenir à cette idée que le concept représente un type.
Or un type, étant un système de rapports,
implique le jugement.
Le concept suppose en effet le jugement, en deux sens différents.
1° « L'idée générale, a dit A.
BURLOUD, c'est l'idée définie.
» Le concept implique donc un acte décisoire de l'esprit, qui en
fixe la signification, autrement dit, un jugement de définition.
2° Bien plus, le concept étant applicable à un nombre de cas illimité, il implique une infinité de jugements possibles
déterminant aussi bien son extension logique que sa compréhension.
Conclusion.
On peut donc concevoir les choses sans les imaginer, encore que tout concept ait peut-être besoin, comme
l'affirmait ARISTOTE, d'un soutien sensible*.
Mais, en lui-même, le concept est d'un autre ordre : il est de l'ordre de
l'intelligible* et c'est pourquoi il implique le jugement.
* Sur la distinction entre sensible et intelligible on se rappellera de Platon:
Pour Platon, est sensible ce que l'on peut saisir par les sens, intelligible ce que l'on saisit par l'esprit ou l'intelligence, ce
que l'on comprend.
Ainsi, la croyance est déterminée par des objets sensibles, alors que la science a pour principe des
réalités intelligibles.
La réalité sensible est celle des objets qui nous entourent.
Soumise aux contradictions, celle du temps notamment, dans
lequel chaque chose devient une autre, elle s'oppose à la réalité des essences, ou Idées, dans laquelle chaque chose est
ce qu'elle est de toute éternité..
»
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