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Peindre n'est pas dépeindre, écrire n'est pas décrire. Qu'en pensez-vous ?

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« Introduction Cette remarque du peintre Georges Braque (1882-1963), ami de Picasso entre autres, ne peut laisser indifférent quand on considère l'histoire de la production artistique.

En effet, il aura fallu attendre la Renaissance, et surtout le Romantisme allemand, pour voir l'art se désenclaver de contraintes techniques et théologico-politiques. Conjointement à cet essor va apparaître le rôle de la sensibilité, faculté en l'homme permettant de juger selon ses goûts de la nature d'une œuvre (esthétique).

La raison logique sera ainsi effacée au profit de la sensibilité pour tout contenu artistique, mais aussi pour toute initiative de création.

De l'imagination des romantiques à l'expression originale depuis une matière brute (par exemple le cubisme), la création artistique va attaquer de front toute prétention de discours analytique quant à l'œuvre et ce qu'elle représente.

La mise en avant de la forme, le mystère du fond, doit révéler plus que le dire réducteur, et montrer (et non démontrer ; peindre ou écrire, et non dépeindre ou décrire) que le sens ne s'exalte qu'au travers d'un tout, d'un ensemble expressif, pour lequel retrancher une partie reviendrait à ne plus être en mesure de signifier quoi que ce soit.

Pour une poétique, et non pour une logique, la création artistique marque son refus de toute réduction logique de l'œuvre, et impose en même temps une réflexion sur la légitimité de ses prétentions qui, au final, semblent rejoindre celles des logiciens quand ils entendent comprendre des choses de nature divine. I.

la liberté et le mystère de la création : retour aux origines de l'autonomisation de l'art a.

Le romantisme allemand a permis de renverser la conception classiciste et rationaliste de l'art.

Le classicisme en effet produit la beauté à partir de règles purement logiques.

Le beau est défini comme étant le parfait.

Le romantisme accomplira un geste subversif en rendant grâce à cette faculté reniée par les classiques qu'est l'imagination créatrice.

Cette volonté de mettre l'imagination créatrice au cœur de l'accomplissement de l'œuvre belle est aussi la marque d'un renversement du kantisme.

En effet, avec Kant, l'imagination ne peut être que productrice (invention) ou reproductrice (rappel d'une représentation).

L'imagination créatrice révélera donc la possibilité en l'homme de se défaire des purs mécanismes de l'entendement, et de produire à l'infini des formations et déformations de ses représentations.

Baudelaire montrera que l'imagination est « la reine des facultés », qu'elle est « la reine du vrai […] apparentée à l'infini » (Curiosités esthétiques, Salon de 1859). b.

C'est l'intériorité de l'artiste qui forme l'œuvre.

C'est l'intuition pure, et non l'intuition empirique kantienne, qui permet au sujet créateur de se détacher de son moi empirique (le moi qui a pour objet des choses extérieures à lui), et de s'unir par un acte quasi mystique à l'infini.

Novalis présentera bien cette idée que l'esprit fini créateur engendre l'infini à travers son œuvre.

La beauté est relative à un sentiment intérieur pur, et non à une appréhension conceptuelle de l'œuvre.

Novalis va rétablir un accès à l'absolu par la poésie, puisque la poésie, en libérant l'esprit des limites de la représentation empirique, incarne l'infini.

L'artiste revendique ainsi son statut de producteur d'œuvre par loisir.

Et en même temps s'opère une subjectivisation du goût.

C'est le terme « esthétique », dont on attribue l'apparition à Baumgarten (AEsthetica, 1750), qui va désigner le fait que la sensibilité est un mode original de connaissance.

Le paradigme sensualiste du goût va se substituer au paradigme rationaliste du beau.

L'art sera désormais compris en tant que beauté libre.

Vient alors nourrir le beau le thème de la délicatesse (qui diffère de la rudesse de la raison) qui permettra de juger de la beauté des choses.

De fait, il y a toujours un « je ne sais quoi » qui est à l'origine du beau.

Le défaut lui-même a sa part dans la création.

Le cœur est plus à même de juger du beau que la raison.

Ce renouveau de l'esprit de finesse s'accorde en un sens à ce que disait Pascal : « Le cœur a ses raisons que la raison ignore ».

Ainsi par le jugement esthétique libre et désintéressé face à l'oeuvre doit être promu le geste créateur, le génie.

Les Beaux-arts sont ainsi les arts du génie.

Par ce génie, l'art se lie avec la nature, la nature « donne ses règles à l'art » (Critique de la faculté de juger, § 46).

La nature en effet donne de la beauté sans l'intention d'en donner.

L'œuvre du génie sera l'œuvre belle au sein de laquelle on ne verra pas l'intention de l'artiste.

Le génie marquera ainsi son œuvre par une forme d'originalité, originalité que les artistes des écoles auront peine à reproduire. II.

Autonomie singulière du fait artistique a.

L'art a pour fonction non seulement de représenter des objets ou idées, mais aussi de tenter une ouverture du sens qui dépasse le simple dire.

Ce qui fait ainsi l'importance d'une création artistique n'est pas tant l'adéquation à une réalité donnée que la manière dont cette réalité nous est donnée, censée être plus informative que tout discours.

Quelle serait l'utilité d'une œuvre qui ne ferait que reprendre ce que le discours, les mots, sont capables de nous communiquer ? Un fossé se creuse alors entre ce que nous dit l'œuvre et ce que nous dit le dire.

Tout langage verbal est réductible à des schèmes structurant et donateurs de sens, sans pouvoir, par son côté objectivant et intercommunicant, révéler la texture exacte ou la prégnance singulière de tel ou tel objet.

Par exemple Heidegger présente, dans ses Chemins, la parole même de l'œuvre d'art, et notamment celle de Van Gogh, qui représente des souliers du monde paysan.

La proximité même avec l'œuvre établit un rapport plus intime, plus authentique, avec l'objet banal qui y est représenté ; c'est tout un monde qui se tisse autour de la paire de souliers (Gal.

p.

24-26). L'art, figuratif ou abstrait, ne tend pas on l'a dit à retranscrire une pensée discursive, à mettre en place tout un appareillage logique permettant à la raison humaine de s'y accorder par le moyen de concepts.

Non, la création artistique entend être significative par elle-même, elle ne se réduit pas à la simple apparence (contre Platon), ni au réel scientifique objectivable.

La signification de l'œuvre est immanente à sa forme, elle n'est pas dans un au-delà du discours.

Peindre, par exemple, ordonner des lignes, courbes et couleurs, n'est pas dépeindre, décrire, analyser, décomposer le réel.

Seule l'intuition est susceptible de former en l'homme le sentiment (esthétique) de l'originalité d'une création artistique (cf.

Kant, Critique de la faculté de juger).

C'est toujours un rapport aux qualités sensibles de l'œuvre qui procure l'émotion, le plaisir ou le déplaisir.

Mais n'y a-t-il pas dans ce cas le risque de se perdre dans. »

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